Evénement : « Christophe Alévêque revient bien sûr », un spectacle de Christophe Alévêque au théâtre du Rond-Point
Humoriste engagé, dégagé, à la marge, Christophe Alévêque décortique l’actualité et ce qu’en dit la presse : il fait sa « revue », actualisée chaque soir. Il déchiquette le monde. Pour s’amuser, ensemble, dans une thérapie de groupe improvisée.
Entretien avec Christophe Alévêque réalisé par Pierre Notte
Vous revenez, vous êtes content, ou vous êtes furieux ?
Je suis comme tout le monde : les deux ! Donc complètement paumé… Content de revenir, mais déjà furieux de ce que je vais dire…
Le Rond-Point, c’est votre Mutualité à vous ?
C’est ça. Sauf que moi, j’arrive à rassembler le public…
Est-ce que le monde va mal ?
Il ne va peut-être pas aussi mal qu’on veut bien nous le faire croire mais pas aussi bien que l’on voudrait.
Vous avez des bonnes nouvelles ?
La bonne nouvelle c’est que même si tout va mal, sur scène tout se transformera en rires.
Vous avez encore de l’espoir ?
Oui bien sûr ! On vit des cycles. Et comme dirait Pasolini, on est dans le cycle de la merde mais on va en sortir !
Votre sujet principal, c’est quoi aujourd’hui ?
Je n’en sais encore rien, c’est l’actualité qui décidera, mais je veux être sur scène, parce qu’on a le temps, on n’est pas dans un média de masse, c’est un espace de liberté totale, on est tous là, ensemble, en connivence, on fait les choses ensemble… Tant qu’on aura ça, ces moments-là, on sera indestructible ! Je ne suis ni journaliste, ni sociologue, ni philosophe, je vois le monde en mouvement, je le vois décalé, d’une manière parfois grossière, violente, mais comme il est…
2018, 2019… Vous n’avez jamais envie de changer de métier ?
Quelquefois, j’ai l’impression de faire un métier tellement dérisoire ! Mais est-ce que le dérisoire n’est pas une réponse possible à toutes les violences que nous sommes en train de vivre ?
Est-ce que vous riez toujours beaucoup en lisant la presse ?
Ça dépend des pages. En général, les unes me font rire. Ce sont souvent des caricatures. Puis les fins d’articles sont intéressantes. Pour ce qu’il y a entre les titres et les conclusions, c’est souvent du remplissage.
Qu’est-ce qui vous amuse ?
En tant qu’humoriste, à peu près tout, mais surtout ce qui est caché, ce que je devine et qui me saute aux yeux. C’est mon matériel, mon bifteck !
Qu’est-ce qui vous effraie ?
La même chose, mais cette fois-ci en tant que citoyen. C’est ce qu’on se prend tous dans la figure tous les jours.
Qu’est-ce qui vous rassure ?
Si je ne croyais plus à des progrès possibles, je ne monterais plus sur scène. La grande question existentielle, c’est : « Oui, nous vivons plus longtemps aujourd’hui, mais pourquoi faire ? »
Une revue de presse, c’est comme une revue du Lido ?
J’avais exigé vingt-cinq danseuses autour de moi, on me les a refusées.
Est-ce qu’il y a des rubriques qui vous rebutent ?
Les peopleries. Je n’ai aucune distance par rapport à ça. C’est le néant. Je doute et désespère de l’espèce humaine à chaque « page people. » Mais parfois, une « peoplerie » peut cacher un vrai problème de société.
L’horoscope, les mots croisés, le programme télé ?
Je suis souvent effondré à la lecture d’un programme télé, même s’il peut s’y cacher du très bon voire de l’excellent. À nous de trier. Mais c’est plutôt l’information qui m’intéresse, les dossiers, la réalité de l’info, et le traitement médiatique qui en est fait.
Pour en faire quoi ?
Le décrypter, le décoder. J’écoute la radio, je lis les journaux, mais je ne vais pas résumer l’info pour déconner. Je lis des choses dissimulées entre les lignes, elles me sautent aux yeux, et je les simplifie, je vulgarise, je partage.
Vous savez ce que vous allez faire sur scène ?
Je le saurai essentiellement le jour même.
Les tweets, les smileys, les réseaux sociaux, c’est encore de l’information ?
Il n’y a rien pour moi là-dedans. J’ai besoin d’au moins deux phrases pour y voir clair dans une idée ou une info. J’ai besoin d’un développement. Puis je me fais mon opinion par moi-même, je préfère.
Vous faites dans l’assassinat médiatique ?
Quand un pays est en crise, quand un peuple est plongé dans une crise économique dominante et vulgaire, tout le monde est perdu et chacun cherche un responsable. On désigne un Musulman, un Juif, un Rom ou un politique, un économiste ou un humoriste.
Vous vous sentez menacé, parfois ?
Je sens bien, sur scène, face à certains publics, quand le second degré de mes propos ne dépasse pas le premier degré du spectateur. Je le sens bien, le danger. À nous, sur scène, de faire très gaffe.
Comment répondre à la haine ?
Par l’humour. C’est l’humour qui le mieux peut démonter les discours de la haine.
« Christophe Alévêque revient bien sûr », au théâtre du Rond-Point les dimanches 21 octobre, 25 novembre, 9 décembre, 20 janvier, 24 février, 17 mars, 7 avril et 26 mai, à 18h30 et les samedis 24 novembre à 20h30 et 23 février à 18h.
Plus d'informations sur le site du Théatre du Rond-Point
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