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Venezuela : pourquoi Guaido et Maduro s'écharpent-ils autour de l'aide humanitaire ?

Samedi est le jour J fixé par l'opposant Juan Guaido pour faire entrer l'aide humanitaire américaine stockée à la frontière colombienne, bouclée par l'armée fidèle au régime de Nicolas Maduro.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Des cartons de l'aide humanitaire américaine destinée au Venezuela sont entreposés à Cucuta, en Colombie, jeudi 21 février 2019. (RAUL ARBOLEDA / AFP)

La lutte pour le pouvoir au Venezuela connaît un épisode crucial samedi 23 février. C'est le jour J fixé par l'opposant Juan Guaido pour faire entrer l'aide humanitaire stockée à la frontière colombienne, bouclée par l'armée fidèle au régime de Nicolas Maduro. 

Vendredi, Juan Guaido, qu'une cinquantaine de pays ont reconnu comme président par intérim, a défié le leader chaviste en bravant un ordre judiciaire lui interdisant de quitter le territoire et en affirmant que l'armée, pilier du régime, avait "participé" à l'opération. Guaido est apparu au "Venezuela Aid Live", peu avant la fin de ce concert destiné à financer l'aide humanitaire, organisé à Cucuta (Colombie) par le milliardaire britannique Richard Branson. De l'autre côté de la frontière, le régime a organisé un contre-concert intitulé "Hands off Venezuela" ("Pas touche au Venezuela").

Dans la soirée de vendredi, Caracas a décrété la fermeture de la frontière dans l'Etat de Tachira, voisin de Cucuta, d'où le jeune opposant de 35 ans entend diriger les livraisons d'aide. Franceinfo résume les enjeux autour de ce convoi humanitaire.

D'où provient cette aide humanitaire ?

Entreposée à Cucuta, l'aide humanitaire provient essentiellement des Etats-Unis. L'Union européenne et les voisins sud-américains ont également contribué à cette aide, qui contient "de la nourriture, du matériel et des médicaments, [pour] une valeur de 100 millions de dollars" (88 millions d'euros), rapporte France Culture. Ce convoi humanitaire est bloqué par l'armée aux portes du pays depuis le 7 février, et Juan Guaido a promis de la faire entrer samedi. Il a invité les Vénézuéliens à se mobiliser ce jour-là pour réclamer cette aide qui vise à pallier les pénuries dans leur pays miné par l'hyperinflation. 

Nicolas Maduro a de son côté ordonné la fermeture de la frontière terrestre avec le Brésil et menacé de fermer celle avec la Colombie pour empêcher l'entrée de l'aide humanitaire américaine qu'il considère comme une "provocation". Les liaisons avec l'île néerlandaise de Curaçao, autre point de stockage de l'aide, sont également suspendues. Il a aussi annoncé lundi l'arrivée prochaine de 300 tonnes d'aide humanitaire expédiée depuis la Russie. "Celle-là, nous l'avons payée avec dignité", a assuré le président, affirmant que les biens proviennent de Russie, de Chine, de Turquie, d'autres pays, ainsi que de l'ONU.

Vendredi soir, la vice-présidente vénézuélienne Delcy Rodriguez a annoncé la fermeture temporaire de trois ponts reliant le Venezuela et la Colombie, "en raison des menaces sérieuses et illégales proférées par le gouvernement de Colombie contre la paix et la souveraineté du Venezuela".

Face à la délicate question du droit d'ingérence humanitaire, ni la Croix-Rouge, ni les Nations unies, ni l’Eglise catholique (via l'organisation Caritas) ne participeront à l'acheminement ou à la distribution d'aliments et de médicaments, précise Libération.  

Pourquoi les camps Guaido et Maduro se déchirent-ils à son sujet ?

Maduro estime que l'envoi de l'aide précède une intervention armée de Washington pour l'évincer du pouvoir. Une version reprise par la Russie, qui le soutient et a accusé le gouvernement américain d'user d'un "prétexte pour une action militaire". Le président contesté du pays a des raisons d'être inquiet : début février, Donald Trump a affirmé que "toutes les options" étaient sur la table à propos du Venezuela, y compris l'usage de la force.

Le vice-président brésilien Hamilton Mourao, qui soutient les Etats-Unis dans ce dossier, a affirmé jeudi qu'une intervention militaire américaine au Venezuela "n'aurait aucun sens" et que les menaces de Washington étaient "de l'ordre de la rhétorique". "Le problème vénézuélien doit être résolu par les Vénézuéliens", a-t-il déclaré à l'AFP.

De son côté, la Russie attise les tensions. Vendredi, Moscou a estimé que "la traversée de la frontière vénézuélienne par le soi-disant convoi humanitaire" créait "un prétexte commode pour une action militaire". Sur place, l'armée vénézuélienne s'est dite "en alerte" face à toute violation des frontières du pays pour l'entrée de l'aide humanitaire. Elle a rejeté les appels à désavouer le président Maduro lancés par Donald Trump et Juan Guaido.

Le rôle que choisiront de jouer les militaires samedi devrait être déterminant. Nicolas Maduro leur a ordonné de ne pas laisser entrer l'aide. De son côté, la Maison Blanche a condamné "énergiquement l'usage de la force" par l'armée vénézuélienne contre des civils, en réagissant à la mort de deux personnes qui tentaient de garder la frontière ouverte au passage d'une autre partie de l'aide stockée au Brésil.

Quelle est la situation dans le pays ?

Elle est dramatique. Selon une enquête sur les conditions de vie des Vénézuéliens menée par un consortium d'universités locales, et dont la dernière version, citée par Libération, date d'un an, 87% des foyers vivaient en dessous du seuil de pauvreté en 2017. Selon cette étude, les Vénézuéliens auraient en outre perdu 11 kilos en moyenne cette année-là. "Au Venezuela, où le taux d’inflation dépasse un million de pourcents, un salaire minimum ne suffit plus à acheter un poulet ou un kilo de fromage", explique Le Monde (article abonnés)

Citant des chiffres du ministère de la Santé vénézuélien, Libération rapporte également que les cas de mortalité maternelle et infantile se sont multipliés ces dernières années. "D'après la Fédération pharmaceutique du Venezuela, plus de 80% des médicaments sont introuvables dans le pays. Et au printemps, une enquête commandée par l'Assemblée nationale a conclu que 79% des hôpitaux étaient privés d’eau potable", relève encore le quotidien.

Quelque 3,4 millions de Vénézuéliens ont fui leur pays depuis le début de la crise politique et économique, et le flot de départs ne se tarit pas, a annoncé l'ONU vendredi. Sur la base de ces chiffres, les Nations unies ont déclaré en décembre s'attendre à ce que le nombre d'exilés atteigne les 5,3 millions fin 2019.

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