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SMS, tweet et discours en latin... Quand les papes communiquent
Le Vatican s'est longtemps méfié des moyens de communication, avant de s'en emparer. Avec des variations, selon la personnalité des papes.
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"Modernité !" C’est ainsi que le monde entier – pour une fois quasi unanime – a salué le renoncement de Benoît XVI à sa fonction pontificale. Mais si cette modernité est indéniable sur le fond, la forme de cette déclaration a aussi stupéfait par son classicisme. En latin, et à la toute fin d’un consistoire organisé pour canoniser trois saints du XVe siècle ! A telle enseigne qu’on faillit bien ne jamais avoir les images de cet événement d’exception. Les techniciens de la télé du Vatican commençaient à stopper la retransmission quand ils ont été prévenus que le souverain pontife avait encore quelque chose à annoncer. Le cardinal français Paul Poupard a été surpris, comme la plupart des religieux présents dans la salle. Il s’est confié à Renaud Bernard, de France 2.
Mais pourquoi le pape a-t-il annoncé son "renoncement" historique en latin ? "Tout simplement parce que le droit qui gère l’Eglise catholique, ce qu’on appelle le droit canon, le veut ainsi." La réponse de Bruno Bartoloni est immédiate. Sa famille a été l’un des piliers historiques des rapports entre le Vatican et les médias, une course à la modernité vieille de près de trois siècles, de la publication industrielle du livre jusqu’au compte Twitter Pontifex.
Giulio Bartoloni, le père, était sténographe en 1922 quand l'administration de Benoît XV décide de créer un bureau capable de répondre aux questions des journalistes, qui commençaient à venir en nombre au Vatican. Avec Giulio apparaissaient les ancêtres de ce que la télévision présente aujourd’hui comme "les vaticanistes". Une sorte de service de communication, bien avant l’heure.
Pourtant, la papauté a longtemps détesté les nouveaux moyens d’information, à commencer par le livre. Clément XIII parlait à leur propos de "la peste contagieuse des ouvrages déversés sur le peuple chrétien". Nous étions en 1766. Un siècle plus tard, grâce à Léon XIII, l’Eglise envisageait de retourner "ce dommage… au bénéfice des hommes". Et c’est ainsi que les journalistes se virent dotés par Pie XI d’un saint patron en 1923, en l’occurrence, saint François de Sales. Puis vinrent les médias de masse, en particulier la télévision. Le 17 avril 1949, Pie XII scèle les rapports entre la petite lucarne, les croyants et le Vatican. La vérité en sera le maître mot et le direct, la garantie de la pureté. Regardez, le noir et blanc est magnifique.
Le 2 avril 2005, des journalistes du monde entier attendaient à Rome la nouvelle du décès de Jean-Paul II. Elle leur parvient par un canal inusité jusque-là par l’Eglise. Un SMS sibyllin reçu sur leur téléphone portable leur apprend l’information. Le Vatican surprend encore par sa modernité.
Avec le théologien Benoît XVI, cette trajectoire séculaire a semblé marquer un coup d’arrêt. Certes, l’appareil de la communication vaticane fonctionnait toujours à plein, mais le pape n’apparaissait plus en prise avec son temps. Les critiques se multipliaient jusqu’à l’apparition tremblante d’une tablette numérique et du fameux compte twitter, Pontifex. Tentative de rattrapage du grand mouvement des techniques de communication.
Jusqu'au consistoire de la "démission". Par sa soudaineté radicale, Benoît XVI est revenu aux fondamentaux : assemblée de cardinaux, sainteté en question, latin de rigueur… Et chacun de se réveiller brutalement, journalistes et religieux, en se disant que peut-être l’Eglise allait devoir innover à nouveau. Question de survie dans un monde décidément moderne.
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