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Trump critique l'Otan... et relance la défense européenne

«L’Otan est obsolète»… La phrase n’est pas signée d’un altermondialiste enragé ou d’un suppôt attardé de l’URSS mais du président élu américain, Donald Trump. Créée pour lutter contre l’URSS, l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord avait perdu une partie de son objet avec la disparition du régime soviétique. Après les propos de Trump, en Europe, on reparle plus que jamais de défense commune.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 8min
Le président élu Trump en présence de cadets de l'armée en décembre 2016 (AARON P. BERNSTEIN / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)

Toujours difficile avec Donald Trump de savoir ce qu’il veut. Sa critique de l’Otan – qui compte 28 membres –  est double. D’une part, selon lui, l’organisation n’a pas su lutter contre le terrorisme; d’autre part, les Etats membres ne paient pas leur quote-part supposée. Le président élu avait déjà fait savoir qu’il voulait réformer l’Otan, propos qui avaient été mal perçus dans certains pays de l’Est de l’Europe, frontaliers de la Russie.

Retour de l’isolationnisme américain?
Donald Trump semble vouloir renouer avec une certaine tradition isolationniste des Etats-Unis qui avait quasi disparu depuis la Seconde guerre mondiale. Mais au sein de la droite du parti républicain, cette tradition est toujours défendue. Le président Bush junior avait ainsi souhaité, déjà, que l’Europe participe davantage à sa défense avant que les attentats de 2001 rende la politique américaine ultra-interventionniste.
 
En tout cas, Moscou s’est déjà félicité de la phrase lancée par Donald Trump. «L'Otan est effectivement un vestige (du passé) et nous sommes d'accord avec cela. Cela fait longtemps que nous exprimons nos vues sur cette organisation», s'est félicité un haut responsable russe, cité par l'agence Itar-Tass. «En tenant compte du fait qu'elle (l'Alliance atlantique) est centrée sur la confrontation et que sa structure tout entière est dédiée aux idéaux de la confrontation, il est dès lors difficile de la qualifier de structure moderne rencontrant les idées de stabilité, de développement durable et de sécurité», a ajouté le représentant du Kremlin cité par RT.

Il est vrai que ces dernières années, Washington renforçait les liens militaires avec des pays situés à la frontière de la Russie. L'ambassadrice des Etats-Unis à Riga, Nancy Pettit, vient de signer un accord «qui réaffirme une nouvelle fois le soutien des Etats-Unis à la souveraineté et à l'indépendance de la Lettonie (un des trois Etats baltes, membre de l’Otan), ainsi que l'article 5 du Traité de l'Otan» (qui prévoit qu'une attaque contre un pays membre est considérée comme visant toute l'Alliance).

Blindé américain en Allemagne se rendant en Pologne dans le cadre d'opérations de l'Otan
A quoi sert l’Otan?
Or, la Russie n’apprécie guère les gesticulations de l’Otan à ses frontières. Une question sensible pour Moscou et qui jusqu’à présent a été relativement entendue par Washington et les dirigeants de l’Otan puisque des pays candidats comme la Géorgie ou l’Ukraine ne sont pas entrés dans l’organisation militaire atlantique, contrairement à de nombreux pays de l’ex-bloc de l’Est comme la Pologne, la Hongrie, ou même l’Albanie.

L’Otan est une survivance de la Guerre froide quand un affrontement idéologique opposait Est et Ouest à l’issue de la Seconde guerre mondiale. L’Alliance, organisation politico-militaire, a pour but d’assurer une défense commune des pays membres, avec un arrière fond idéologique très clair: «Maintenir les Russes loin, les Américains ici et les Allemands faibles», résumait l’Anglais Ismay, premier secrétaire général de l’Organisation. 
 
Le traité créant l'Otan (NATO en anglais) est signé à Washington le 4 avril 1949 à la suite de négociations entre d’un côté la Belgique, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas et le Royaume-Uni et de l’autre le Canada et les Etats-Unis. 

L'article 5 de la charte de l'Otan précise: «Les parties conviennent qu'une attaque armée contre l'une ou plusieurs d'entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d'elles (...) assistera la partie ou les parties ainsi attaquées (...), y compris (par) l'emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l'Atlantique Nord.»

Cela n’est jamais arrivé. Et la seule opération lancée dans le cadre de cet article 5… le fut après la dislocation de l’URSS et du pacte de Varsovie (pendant «socialiste» de l’Otan) avec l’intervention en Afghanistan après 2001. L’Otan fut aussi engagée en Serbie (1999) et en Bosnie (1995). Sans parler de l’intervention de forces liées à l’Otan en Libye en 2011… loin de l’Atlantique Nord.

Soldats de l'Eurocorps avec le drapeau européen (2014). L'Eurocorps regroupe six pays européens. (FREDERICK FLORIN / AFP)

Europe: quelle défense collective?
Le principal objet de l’Otan a disparu avec la chute de l’URSS. Pensée comme un moyen de défense mutuel, l’organisation peut-elle perdurer?  Pour certains, la menace russe existe toujours malgré le changement de régime. «Il y a bien de nouveau une menace russe sur les confins orientaux de l’Europe», affirmait en juillet 2016 le géopoliticien Jean Sylvestre Mongrenier. Mais cette position est loin d’être partagée par tout le monde.

C’est sans doute aussi cette question qu'a voulu soulever Donald Trump à l’heure où les Etats-Unis semblent se concentrer sur d’autres régions du monde, notamment le Pacifique et la Chine.

C’est ainsi que renaît l’idée la vieille idée d'une défense européenne. «Je suis convaincue que l'Europe et l'Union européenne doivent apprendre à prendre davantage de responsabilités dans le monde à l'avenir», avait d'ailleurs dit Mme Merkel avant même les derniers propos de M.Trump. La Chancelière avait même ajouté, pensant sans doute aux Etats-Unis: «Ne soyons pas dupes: du point de vue de certains de nos partenaires traditionnels, il n'existe aucune garantie de perennité d'une coopération étroite avec nous Européens.» 

Mais le chemin risque d'être long pour constituer une défense commune dans une Europe divisée comme jamais. Surtout que les conséquences combinées du Brexit et de la critique de l'Otan sont difficiles à mesurer. «Spontanément, (elles) favorisent la prise de conscience des Européens qu’ils doivent faire des choses entre eux», note Arnaud Danjean, élu Les Républicains, spécialiste des questions de défense... avant de préciser que le «détricotage de l’Otan (...) serait le pendant du détricotage de l’Union.»

En tout cas, le dossier est sur la table. «Nous devons assurer une défense européenne et coordonner davantage encore que nous l’avons fait nos services de renseignement et, d’une manière générale, assurer une augmentation et une meilleure qualité de nos capacités en matière de défense», a affirmé récemment François Hollande tandis que le Premier ministre, Bernard Cazeneuve, lançait: «iI faut constuire une défense européenne indépendante des puissances.»

Une tâche de longue haleine, malgré la création de la «politique de sécurité et de défense commune» entrée en vigueur en 2009. «Cela fait soixante ans que nous touillons l’Europe de la défense, et il ne se passe rien», résume un général.

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