Primaires démocrates aux Etats-Unis : "Joe Biden ne dispose pas encore d'une avance décisive sur Bernie Sanders"
Le "Super Tuesday" a été une désillusion pour le sénateur du Vermont, qui n'a remporté les primaires que dans quatre Etats alors qu'il faisait figure de favori. Lauric Henneton, spécialiste des Etats-Unis, analyse les résultats du progressiste.
Il a perdu son statut de favori. Bernie Sanders a remporté les primaires démocrates en Californie, mardi 3 mars, mais a vu Joe Biden s'imposer dans la quasi-totalité des Etats votant lors du "Super Tuesday". Le sénateur du Vermont avait pourtant abordé cette échéance cruciale dans la position de favori. Comment expliquer cette mauvaise performance ? Le candidat progressiste peut-il encore renverser la vapeur ? Franceinfo a interrogé Lauric Henneton, maître de conférences à l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines et auteur de L'Atlas historique des Etats-Unis (éd. Autrement).
Franceinfo : Ce "Super Tuesday" est-il un échec pour Bernie Sanders ?
Lauric Henneton : C'est un échec par rapport au récit que l'on faisait de ces primaires. A la veille du "Super Tuesday", les sondages annonçaient une division presque égale des quatorze Etats entre les deux concurrents : ceux du sud pour Biden, ceux du nord et de l'ouest pour Sanders. Les sondages ont donné l'illusion d'un Bernie Sanders fort, mais uniquement parce que les modérés étaient éclatés.
Cet échec est toutefois relatif, du fait de la proportionnelle. Bernie Sanders va obtenir des délégués dans tous les Etats où s'est imposé Joe Biden. Il a même profité de la présence d'un autre modéré, Michael Bloomberg, qui a pris des voix à l'ancien vice-président dans certains Etats comme le Texas. Pour l'instant, Joe Biden ne dispose pas encore d'une avance décisive dans le décompte des délégués.
Comment expliquer cette mauvaise performance du sénateur du Vermont ?
Bernie Sanders était largement en tête tant que les modérés étaient divisés. Mais ses adversaires se sont unis derrière un seul candidat : Joe Biden. Le modéré a ainsi créé la surprise en remportant le Minnesota, où Bernie Sanders était donné gagnant. Il a bénéficié d'un report de voix après le ralliement d'Amy Klobuchar, sénatrice de cet Etat minier, qui était sa rivale jusqu'à la veille du "Super Tuesday".
Ces résultats s'expliquent par ailleurs par la sociologie des Etats qui ont voté mardi 3 mars. Joe Biden a capitalisé sur sa popularité auprès des plus de 35 ans et des Afro-Américains, un électorat très important dans les Etats du sud. Ces deux catégories de population ont par ailleurs un fort taux de participation aux élections. Bernie Sanders remporte, lui, l'adhésion des jeunes et des Hispaniques. Ces deux électorats, peu fiables, se mobilisent très peu lors des élections.
Peut-il encore reprendre l'avantage ?
Cela semble compliqué, parce que Joe Biden aborde la suite des primaires avec une dynamique très positive. Si le front "anti-Sanders" se renforce et que Michael Bloomberg se retire de la course [ce qu'il a effectivement fait au profit de Joe Biden, mercredi après-midi], l'ancien vice-président bénéficiera vraisemblablement du report de voix des électeurs centristes.
A l'inverse, si la progressiste Elizabeth Warren jette l'éponge, cela ne bénéficiera pas uniquement à Bernie Sanders. Près de la moitié [44%] des partisans de la sénatrice du Massachusetts ont déclaré [dans un sondage de l'université Quinnipac] que leur deuxième choix serait Bernie Sanders en cas de désistement. Mais ils étaient aussi nombreux à opter pour un modéré [17% pour Biden et Klobuchar, 13% pour Bloomberg].
Mais la route jusqu'à l'investiture est loin d'être toute tracée pour Joe Biden. Les scrutins des semaines à venir pourraient permettre à chacun des deux concurrents de renforcer leur dynamique.
Lauric Hennetonà franceinfo
Le Mississippi (36 délégués) et le Missouri (68 délégués) penchent plutôt pour l'ancien vice-président de Barack Obama, mais Bernie Sanders a de bonnes chances de l'emporter dans l'Etat de Washington (89 délégués). Les résultats promettent d'être très serrés dans les Etats-clés du Michigan, de la Floride, de l'Illinois et de l'Ohio. Bref, tout peut encore basculer. On ne peut d'ailleurs pas écarter le scénario d'une convention nationale disputée, si aucun des deux candidats n'obtient la majorité absolue de 1 991 candidats à la fin de la saison des primaires. Dans ce cas, il reviendra aux 771 superdélégués de les départager au mois de juillet.
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