Présidentielle américaine 2024 : le Parti démocrate peut-il encore désigner un autre candidat que Joe Biden, après un débat inquiétant ?
Un frisson parcourt le camp démocrate. Lors du premier débat présidentiel face à Donald Trump, jeudi 27 juin, le président américain Joe Biden a montré des signes de faiblesse qui n'ont échappé ni à ses soutiens, ni aux commentateurs politiques. Il a d'ailleurs reconnu, vendredi, qu'il "ne débat pas aussi bien qu'autrefois". "Je vous donne ma parole de Biden. Je ne me représenterais pas si je ne croyais pas, de tout mon coeur et de toute mon âme, que je peux faire ce boulot", a aussi tenté de rassurer le président à ses partisans.
Ses lenteurs pour répondre et sa voix rauque, que son équipe explique par un simple rhume, n'ont pourtant pas aidé le candidat démocrate de 81 ans à se défaire des inquiétudes sur son âge avancé et de l'étiquette de "Sleepy Joe" ("Joe le dormeur", en français) accolée par son rival républicain.
Interrogé sur les impôts et la Sécurité sociale, Joe Biden a notamment commis une gaffe en se félicitant d'avoir "vaincu" Medicare, une politique pourtant portée par son propre camp. "C'était douloureux", a commenté sur CNN Van Jones, un ancien conseiller du président démocrate Barack Obama. Le président démocrate "avait un test à relever ce soir pour restaurer la confiance du pays et de la base [militante]. Mais il a échoué", a jugé l'ancien conseiller à la Maison-Blanche. Alors que le Parti démocrate s'est donné jusqu'au 19 août pour désigner officiellement son candidat à l'élection présidentielle, Joe Biden est-il si certain d'être celui-ci ?
Un désistement parait peu probable
Pour l'instant, le principal intéressé n'a aucune intention de laisser sa place. Interrogé par Dana Bash, coprésentatrice du débat de CNN, sur la difficulté "d'exercer la fonction la plus difficile au monde à plus de 80 ans", Joe Biden s'est voulu rassurant. "J'ai passé la moitié de ma carrière politique à être le plus jeune élu au Sénat des Etats-Unis, a-t-il rappelé. Et maintenant, je suis le plus âgé." Il a aussi tenu à nuancer le poids des années dans cette course présidentielle.
Candidat déclaré à sa réélection depuis avril 2023, Joe Biden peut sans difficulté obtenir l'investiture de son parti lors de la convention démocrate du mois d'août. Grâce aux primaires et caucus démocrates organisés dans chaque Etat, Joe Biden cumule les soutiens de 3 894 délégués, bien au-delà des 1 976 nécessaires à une majorité, selon un décompte d'Associated Press mis à jour le 26 juin. "Il a remporté les primaires, et donc Joe Biden est leur candidat, sauf s'il décide de se retirer", résume Ludivine Gilli, directrice de l'Observatoire de l'Amérique du Nord à la Fondation Jean-Jaurès.
"Aucun mécanisme ne permet aux dirigeants" du Comité national démocrate, l'organe chargé de diriger le parti, "d'exclure Joe Biden de la liste des candidats" de la convention d'investiture, écrit Politico. Si Joe Biden décide de mener à bien sa candidature, le parti ne peut pas l'en empêcher ni désigner un autre candidat à sa place. Le site américain rappelle en revanche que les délégués n'ont pas "d'obligation légale" de voter pour le candidat qu'ils sont censés représenter. C'est eux qui pourraient faire dérailler la candidature du président sortant. Mais ils ont été choisis "par la campagne de Biden", rappelle Politico, et "au moins la moitié d'entre eux devrait lui tourner le dos" pour qu'il ne soit pas investi.
Un calendrier serré
En cas de retrait du président américain, l'ensemble des délégués attribués à Joe Biden lors des primaires deviendraient "non engagés" et seraient autorisés à soutenir un autre candidat de leur choix. Dans ce cas, "la convention pourrait devenir une campagne à part entière, susceptible de faire ressortir les divisons au sein du Parti démocrate", analyse le quotidien américain Wall Street Journal.
Cela poserait toutefois un problème de calendrier. La convention démocrate, à Chicago, doit se tenir du 19 au 22 août. Si, à son issue, un autre candidat que Joe Biden est désigné, il risque d'être exclu du scrutin dans l'Ohio. Dans cet Etat clé, la loi électorale exige en effet que les candidats à la présidentielle soient inscrits 90 jours avant le jour du vote de novembre, soit le 7 août. Pour éviter que le nom du président soit absent des bureaux de vote de cet Etat, "les démocrates avaient décidé de procéder à la nomination officielle de leur candidat" en ligne, en amont de la convention, pour respecter cette date limite, explique Ludivine Gilli. Une réforme de la loi électorale dans l'Ohio, repoussant l'inscription des candidats au 23 août, lendemain de la convention, est par ailleurs en cours d'examen par le Parlement de l'Etat, rapporte la chaîne ABC.
"Quel genre de parti fait ça ?"
Qui serait prêt à prendre le relais, à quatre mois du scrutin ? "Si Biden décide cette semaine d'un retrait, il y aura des candidats. Il y en a beaucoup", assure à franceinfo Reed Brody, un ex-responsable du Parti démocrate. "Il y a le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, la gouverneure du Michigan, Gretchen Whitmer...", liste-t-il. "Il existe des figures de premier plan au sein du parti démocrate qui pourraient prendre le relais du président Joe Biden", confirme Ludivine Gilli, citant, elle aussi, Gretchen Whitmer, mais aussi le gouverneur de Pennsylvanie, Josh Shapiro.
La vice-présidente, Kamala Harris, pourrait également se positionner dans cette course. "Il est assez naturel que ce soit la personne qui occupe la vice-présidence qui soit l'héritière de la présidence précédente", poursuit la chercheuse, rappelant la candidature d'Al Gore, vice-président de Bill Clinton, pour lui succéder en 2000. "Toute la difficulté, c'est qu'il faudrait un candidat consensuel qui puisse unir l'aile droite et l'aile gauche du parti", poursuit Ludivine Gilli.
Pour l'heure, les personnalités citées pour suppléer Joe Biden affichent leur unité derrière le président sortant. Sur CNN, Kamala Harris a défendu un candidat "extrêmement solide" qui a, selon elle, "montré qu'il allait gagner" lors du débat de jeudi, tout en admettant qu'il avait connu un "démarrage poussif". Sur la chaîne MSNBC, Gavin Newsom a appelé à ne pas lâcher celui qui avait battu Donald Trump en 2020 : "On ne tourne pas le dos à cause d'une performance. Quel genre de parti fait ça ?"
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