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Election de Donald Trump : comment la presse a-t-elle pu sous-estimer à ce point le milliardaire ?

Journaliste au magazine américain "Time", Phil Elliott raconte comment Donald Trump a déjoué tous les pronostics et réussi à surprendre les observateurs les plus avisés de la politique outre-Atlantique.

Article rédigé par franceinfo - Propos recueillis par Vincent Lenoir
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Donald Trump devant son jet lors de la campagne présidentielle, en septembre 2016. (MANDEL NGAN / AFP)

Il a surpris tout le monde, même les observateurs les plus avisés. Candidat le plus scruté, le plus analysé, Donald Trump a pourtant étonné tout le monde en s'imposant et en devenant le 45e président des Etats-Unis. Franceinfo a interrogé Phil Elliott, journaliste politique au magazine Time sur la façon dont lui et ses collègues ont vécu cet événement. Ce spécialiste des arcanes de Washington avoue n'avoir rien vu venir, mais confie également son excitation à l'idée de couvrir la suite de l'histoire.

Franceinfo : Comment avez-vous réagi à la victoire de Donald Trump ?

Phil Elliott : J'ai été choqué et très surpris parce que les sondages indiquaient un tout autre résultat. Cela dit, je suis allé en Caroline du Nord et dans le New Hampshire récemment où il y avait une vraie énergie autour de la candidature de Donald Trump, pas pour Hillary Clinton. Lors de l'un de ses discours, j'ai vu des dizaines de milliers de gens attendre des heures pour le voir. Il y avait beaucoup plus d'enthousiasme autour de lui que pour la secrétaire d'Etat, dont les supporters étaient plus calmes, plus traditionnels.

Cet enthousiasme n'est pourtant pas arrivé la veille de l'élection. N'était-il pas possible de prévoir les chances de Donald Trump bien avant mardi soir ?

Il réunit de grandes foules depuis un bon moment. Son public a toujours été plus important que celui de Hillary Clinton. Mais plutôt que de remplir des stades, elle a préféré avoir un réseau de personnes qui travaillaient pour elle, passaient des coups de téléphone, faisaient du porte-à-porte, parlaient aux voisins... Elle pensait que c'était plus important d'avoir une "machine de campagne" à son service, en coulisses, quand Donald Trump préférait en mettre plein la vue.

Pourquoi ne pas avoir vu ses chances de victoire dans ce cas ?

Car les sondages la donnaient largement gagnante, elle ! Dans ces Etats, elle était censée l'emporter avec trois, quatre voire cinq points d'avance ! Les sondages avaient tort, tout simplement. Ils n'ont pas posé les questions aux bonnes personnes, des gens interrogés ne disaient pas la vérité sur leur intention de vote... 

Donald Trump a très intelligemment utilisé la défiance des gens contre les institutions.

Phil Elliott

à franceinfo

Au magazine Time, nous avons par contre toujours pris Trump au sérieux. Nous avons fait six couvertures sur lui, sentant qu'il se passait quelque chose, contre seulement trois avec Hillary Clinton. Donald Trump est un phénomène, il a cassé toutes les règles. C'était une histoire formidable à raconter. Mais personne ne s'attendait à ce résultat, toutes les enquêtes nationales disaient le contraire. Nous avons dû refaire tout le journal en moins de 24 heures. Je préparais un article depuis plusieurs semaines sur "comment elle a gagné" et cet article a dû devenir "comment il a gagné" !

N'est-ce pas un problème de donner une telle importance aux sondages ? Comment réussir à travailler convenablement s'ils peuvent autant se tromper ?

Je ne sais pas si nous avons déjà une réponse à ce problème. Pour ma part, j'aime la science. J'aime les choses qui reposent sur des faits. Les sondages sont la mesure la plus scientifique que nous ayons aujourd'hui. Et quand la science se trompe, je ne sais pas vers qui me tourner. Les "petites phrases", les conversations autour d'une table ne peuvent remplacer une enquête avec 1 000 personnes. Mais il est clair que, d'ici quatre ans, les sondages devront s'améliorer, sans quoi nous avancerons sans boussole. 

C'était sans précédent. Il n'y avait aucun repère historique pour nous guider. Nous avons dû nous adapter en temps réel.

Phil Elliott

à franceinfo

Pensez-vous que cette campagne va changer votre façon de couvrir l'actualité politique ?

Je pense que ce serait une erreur pour un futur candidat de faire une campagne comme l'a fait Donald Trump. Il n'aurait pas le charisme, la même capacité à attirer des supporters. Il perdrait. Il n'y a qu'un seul Donald Trump aux Etats-Unis.

Concernant notre manière de travailler, il y a beaucoup à faire ! Les gens n'ont pas confiance en nous. Ils pensent que nous sommes malhonnêtes, injustes... Comme d'autres institutions comme l'Eglise, le gouvernement, le Congrès. La période qui s'ouvre nous plonge complètement dans l'inconnu. Nous allons passer les quatre prochaines années à parler de ce qu'il va faire.

Il n'y a pas de meilleur journalisme que lorsqu'il est mis au défi. Et Donald Trump à la Maison Blanche est sans doute la meilleure histoire que nous ayons vue depuis très longtemps.

Phil Elliott

à franceinfo

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