Etats-Unis : pourquoi la stratégie de Donald Trump est-elle si payante ?
Le candidat à la primaire républicaine pour la présidentielle a réclamé, lundi, une "fermeture temporaire" des frontières aux musulmans. Une outrance de plus dans une campagne qui n'en manque pas.
Donald Trump est-il un fasciste ? CNN pose désormais sans détour la question. Même les adversaires républicains du milliardaire dans la course à la primaire sont désormais gênés par les déclarations fracassantes du candidat à la présidentielle américaine. Après la tuerie de San Bernardino (Californie), le magnat de l'immobilier a franchi un nouveau palier, lundi 7 décembre, en réclamant une fermeture "temporaire" des frontières du pays aux musulmans, "jusqu'à ce que les dirigeants de notre pays comprennent ce qu'il se passe".
De quoi susciter un tollé à l'étranger et, surtout, aux Etats-Unis. Même certains de ses rivaux républicains, comme Marco Rubio ou Chris Christie, ont condamné, avec plus ou moins de virulence, cette dernière provocation. Jeb Bush l'a même traité de "déséquilibré". Mais Donald Trump continue de parader en tête des sondages pour la primaire, avec près de 30% des intentions de vote des républicains. Francetv info se demande pourquoi cette stratégie est si payante ?
Parce que les médias assurent sa pub
Premier avantage de ces provocations : presse et télé assurent une publicité gratuite permanente aux idées droitières de Donald Trump. Le riche homme d'affaires est "dans une démarche qui s'apparente celle de Marine Le Pen, explique à francetv info Nicole Bacharan, historienne, politologue et spécialiste des Etats-Unis. Il se fait le porte-parole des colères et des peurs des Américains et va dans l'outrance parce que c'est son fonds de commerce." Une tactique hyper-efficace. "On ne parle que de ça, il est présent dans tous les médias. Et c'est lui qui pose les termes du débat. On ne parle que de ses propositions", assure la spécialiste.
Parce qu'il surfe sur la peur de l'islam
Si cette stratégie est aussi efficace, c'est qu'elle rencontre un fort écho parmi l'électorat séduit par Donald Trump. Leur premier point commun ? La "peur des musulmans", affirme le New York Times (en anglais).
Réalisée à partir d'une enquête YouGov, effectuée du 19 au 23 novembre, cette infographie du Washington Post montre d'ailleurs à quel point cette méfiance et cette islamophobie sont corrélées aux intentions de vote pour Donald Trump. De quoi le pousser à exploiter sans vergogne ces sentiments dopés par la tuerie de San Bernardino (14 morts), perpétrée le 2 décembre en Californie par un couple radicalisé, et saluée par le groupe Etat islamique.
Parce qu'il doit surenchérir face à ses adversaires
Autre bénéfice escompté : le businessman espère creuser l'écart avec ses concurrents et surtout avec Ted Cruz. L'ultraconservateur sénateur du Texas a pris l'avantage, selon un sondage publié, lundi 7 décembre, par USA Today, avec 24% des intentions de vote dans l'Iowa, un petit Etat qui sera le premier à voter, le 1er février, contre 19% pour Donald Trump. Point commun entre ces deux candidats : les deux tiers de leurs partisans considèrent les musulmans comme "une menace immédiate pour Etats-Unis", contre moins d'un tiers pour les autres postulants à la primaire républicaine.
D'où l'exploitation du créneau : "Donald Trump s'est dit qu'il devait reprendre la main, ce qui explique cette surenchère, analyse l'historien et spécialiste des Etats-Unis, François Durpaire, joint par francetv info. Ses propos sur l'interdiction du territoire américain aux musulmans sont intervenus quelques heures après la publication de ce sondage. Ils répondent à une stratégie précise, celle d'amarrer à lui le camp conservateur, ces Blancs qui considèrent Donald Trump comme leur dernier rempart contre les Hispaniques ou les musulmans."
Parce qu'il se pose en anti-Obama
Avec ces propos outranciers, Donald Trump espère aussi marquer autant que possible sa différence avec Barack Obama, détesté par son électorat potentiel. "Pour gagner, Donald Trump, déjà identifié comme la personnalité politique qui se démarque le plus du président américain chez les républicains, doit apparaître comme l'anti-Obama à tous points de vue, expose François Durpaire. Barack Obama dit qu'il ne faut pas faire de discrimination ? Donald Trump pratique l'amalgame, même s'il veut bien faire une petite concession pour les soldats américains musulmans. Le président apparaît comme manquant de leadership ? Donald Trump tentera d'incarner l'inverse. Sur les femmes, sur les Hispaniques et maintenant sur les musulmans, ses déclarations ne doivent rien au hasard : elles obéissent à une stratégie claire pour gagner la primaire."
Payante pour l'instant, cette stratégie peut-elle être efficace sur la durée ? Nicole Bacharan affiche quelques doutes. "Certes, ça fait six mois qu'on attend la bourde de trop de Donald Trump, celle qui va le faire exploser. Et ce n'est toujours pas arrivé, avance-t-elle. Oui, il est bien placé pour les primaires dans les Etats de l'Iowa et du New Hampshire, qui vont être les premiers à voter. Mais ensuite, on passera aux Etats du Sud, plus peuplés, plus compliqués. Cela va durer des mois. On peut espérer que la baudruche va enfin se dégonfler."
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