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Quatre choses à savoir sur le projet de rachat de TikTok par Microsoft aux Etats-Unis

Le géant américain de l'informatique a confirmé dimanche que des négociations étaient en cours pour racheter la branche américaine de TikTok à ByteDance, sa maison mère chinoise.

Article rédigé par Vincent Matalon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Détenu par le Chinois ByteDance, le réseau social TikTok est accusé par Donald Trump d'être un cheval de Troie au service de Pékin. (FLORENCE LO / REUTERS)

Un rapprochement opéré sous haute pression politique. Le géant américain du numérique Microsoft a confirmé dans un communiqué, dimanche 2 août, avoir entamé des négociations pour acquérir la branche américaine du réseau social TikTok. Cette application de partage de vidéos prisée des moins de 30 ans, détenue par l'entreprise chinoise ByteDance et qui compte un milliard d'utilisateurs dans le monde, est depuis plusieurs semaines sous le feu des critiques de Donald Trump, qui l'accuse d'être utilisée par Pékin à des fins de surveillance.

Franceinfo résume ce qu'il faut savoir de ces discussions, qui se déroulent dans un contexte rendu explosif par la dégradation des relations entre la Chine et les Etats-Unis.

Une opération séduction envers Donald Trump

Le président américain n'a pas de mots assez durs pour critiquer TikTok. A l'image du géant de la téléphonie Huawei, l'application de partage de vidéos prisée des 16-24 ans est accusée par Washington d'être un cheval de Troie servant les intérêts de Pékin sur son territoire. Donald Trump redoute notamment que les données personnelles des millions d'utilisateurs américains de l'application soient partagées avec le parti communiste chinois. Et il a directement menacé TikTok de bannissement du marché américain.

Qu'en est-il réellement ? Dans un article publié lundi sur la plateforme Medium, le chercheur français en cybersécurité Baptiste Robert raconte avoir analysé le comportement de l'application et avoir constaté que ses utilisateurs transmettaient aux serveurs de l'entreprise des données concernant notamment leur téléphone et leur position géographique. "Certes, c'est déjà trop, mais ce n'est pas spécifique à TikTok et toutes vos applications préférées (Instagram, Facebook, Snapchat...) font la même chose", commente ce spécialiste.

TikTok, qui propose sur le territoire chinois une version très encadrée et censurée de son application, baptisée Douyin, a de son côté toujours catégoriquement rejeté les accusasions de Washington. Cité par Forbes (article en anglais), un porte-parole de l'application assure que les données des "tiktokeurs" occidentaux ne sont pas stockées en Chine et que l'entreprise "n'a jamais partagé les données de ses utilisateurs au gouvernement chinois, et ne le ferait pas si on le lui demandait"

Dans le communiqué précisant ses intentions à l'égard de TikTok, Microsoft martèle en tout cas sa volonté de rassurer Donald Trump. L'entreprise se dit "pleinement consciente de l'importance de répondre aux préoccupations du président" et "s'engage à acquérir TikTok sous réserve d'un examen complet de la sécurité" de l'application. "Microsoft veillerait à ce que toutes les données privées des utilisateurs américains de TikTok soient transférées aux Etats-Unis et y restent. Dans la mesure où ces données sont actuellement stockées ou sauvegardées en dehors des Etats-Unis, Microsoft veillerait à ce que ces données soient supprimées des serveurs situés en dehors du pays après leur transfert", insiste le texte.

Un pari risqué pour Microsoft

L'opération financière, si elle aboutit et est avalisée par les autorités américaines, marquerait une évolution stratégique pour Microsoft. Ces dernières années, le géant de Redmond s'est en effet spécialisé dans l'acquisition de services prisés des professionnels, comme le réseau social LinkedIn, racheté en 2016 pour 23,2 milliards d'euros, ou encore la plateforme dédiée aux développeurs GitHub, acquise en 2018 contre 6,39 milliards d'euros.

Mettre la main sur TikTok, même partiellement, constituerait pour l'entreprise fondée par Bill Gates une orientation vers le jeune public inédite depuis le rachat du jeu vidéo Minecraft en 2014.

Enfin, et quel que soit le coût final de l'opération, il est difficile de prédire si le réseau social sera une bonne affaire à long terme pour Microsoft. L'agence Reuters (article en anglais) note en effet qu'alors que les revenus publicitaires générés par LinkedIn ont fortement augmenté entre 2017 et 2019, "TikTok est un pari plus risqué car il s'adresse à un public moins aisé" et fait face à une concurrence plus importante. Facebook ne s'y est d'ailleurs pas trompé et s'apprête à ajouter un onglet "Reels", copiant les principales fonctionnalités de TikTok, à son réseau social Instagram.

Un rachat qui ne concernerait qu'une petite partie des activités de TikTok

Face aux menaces de l'administration Trump, ByteDance s'est retrouvée dans l'embarras. La maison mère de TikTok n'est en effet guère enthousiaste à l'idée de voir son application bannie d'un marché américain en pleine expansion, pas plus qu'à la perspective de vendre sa poule aux œufs d'or à un acteur américain.

Pour apaiser Washington, le propriétaire de TikTok s'est finalement résolu à ne se séparer que d'une partie de ses activités, rapporte le Guardian (article en anglais). S'il trouve un accord avec ByteDance d'ici la mi-septembre, Microsoft ne sera ainsi propriétaire de TikTok qu'aux Etats-Unis, au Canada, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Quatre pays qui, avec le Royaume-Uni, forment l'alliance dite des "Five Eyes" ("cinq yeux"), qui prévoit une coopération entre leurs différents services de renseignement, relève Bloomberg (article en anglais).

Toujours dans l'optique de rassurer les autorités américaines, Microsoft promet dans son communiqué de tenir le gouvernement américain, "y compris le président", informé de l'évolution des négociations avec ByteDance. D'autres actionnaires minoritaires pourront éventuellement se joindre à l'opération, mais ceux-ci resteront américains, garantit enfin Microsoft.

Des conséquences encore floues pour les utilisateurs

Difficile pour le moment d'imaginer les implications de ce rachat pour les utilisateurs de TikTok. Devenu propriétaire d'une partie des activités du réseau social, Microsoft pourrait-il, par exemple, développer de nouvelles fonctionnalités de l'application réservées aux Etats-Unis, au Canada, à l'Australie et à la Nouvelle-Zélande ? Ou, au contraire, décider de ne pas adopter des modifications mises en place par ByteDance dans le reste du monde ?

Plusieurs scénarios sont envisageables. Forbes imagine ainsi (en anglais) que Microsoft pourrait ne superviser que l'infrastructure américaine du réseau social, sans intervenir sur le développement de l'application, mais en gardant un droit de regard sur sa conception pour s'assurer que les données des utilisateurs américains ne soient pas traitées en Chine. Les "tiktokeurs" asiatiques ou européens pourraient dans ce cas continuer à interagir avec les utilisateurs canadiens ou américains. 

Une autre possibilité, plus radicale, consisterait à créer une nouvelle version de l'application uniquement accessible depuis les pays concernés par le rachat de Microsoft, tandis que l'actuel TikTok resterait géré par ByteDance dans le reste du monde. "Dans cette configuration, les utilisateurs français de TikTok n'auraient alors plus accès aux comptes de leurs 'tiktokeurs' américains préférés, ni à leurs vidéos", écrit BFMTV.

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