Cet article date de plus de quatre ans.

Présidentielle américaine : discréditer Joe Biden et embellir son propre bilan, la stratégie de Donald Trump pour se relancer à deux mois du scrutin

Article rédigé par Marie-Violette Bernard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Donald Trump prononce un discours lors de la convention nationale républicaine, le 24 août 2020, à Charlotte (Caroline du Nord, Etats-Unis). (DAVID T. FOSTER III / POOL / AFP)

A moins de 70 jours de l'élection, le président sortant est devancé dans les sondages par son adversaire démocrate. Franceinfo se penche sur la stratégie du républicain pour reprendre l'avantage.

J-68 avant le scrutin. Donald Trump doit formellement accepter l'investiture républicaine en vue de l'élection présidentielle, jeudi 27 août, lors d'un discours prononcé depuis les jardins de la Maison Blanche. Une prise de parole pour clore la convention nationale du parti et remobiliser ses troupes, alors que la campagne du conservateur semble battre de l'aile. Donald Trump est critiqué jusque dans son propre camp pour sa gestion de la pandémie de Covid-19, qui a coûté la vie à près de 180 000 Américains, selon le décompte de l'université Johns-Hopkins*. Et depuis plusieurs semaines, il est devancé par son adversaire Joe Biden dans les intentions de vote : le 25 août, il accusait près de neuf points de retard sur le démocrate, indique l'agrégateur de sondages du site Five Thirty Eight*.

A deux mois du scrutin, Donald Trump tente désormais de renverser la vapeur à l'aide d'une stratégie de campagne reposant sur trois piliers.

1Attaquer sans relâche Joe Biden

Début 2020, la stratégie de campagne de Donald Trump était claire : jouer sur l'opposition entre la droite et la gauche. "Il avait fait le pari que [le progressiste] Bernie Sanders, largement en tête dans les sondages, remporterait les primaires démocrates, rappelle Jean-Eric Branaa, maître de conférences à l'université Paris 2, interrogé par franceinfo. Il comptait donc se présenter comme le dernier rempart face au socialisme incarné par le sénateur du Vermont." Mais c'est finalement le modéré Joe Biden qui a emporté l'investiture démocrate.

Qu'à cela ne tienne, Donald Trump a simplement adapté sa rhétorique : à chaque événement de campagne, le républicain dépeint "Joe l'endormi" en "pantin" des socialistes. "Il répète que le chaos gagnera l'Amérique si Joe Biden est élu et que le démocrate est manipulé par les pires gauchistes du pays", souligne Jean-Eric Branaa, auteur de Joe Biden, le troisième mandat de Barack Obama (éditions VA). Dès le premier soir de la convention nationale républicaine, lundi 24 août, le message a été martelé : "Ils veulent détruire ce pays et tout ce pour quoi nous nous sommes battus, a déclaré Kimberly Guilfoyle, belle-fille et conseillère de Donald Trump, citée par Reuters*. Ils veulent voler votre liberté. Ils veulent contrôler ce que vous voyez, pensez et croyez dans le but de contrôler votre vie." 

Le camp républicain a par ailleurs investi des millions de dollars pour produire des clips de campagne attaquant le démocrate. Une vidéo diffusée début août montre ainsi Joe Biden avec les représentantes progressistes Ilhan Omar et Alexandria Ocasio-Cortez, et assure que le modéré a "adopté le programme de la gauche radicale". L'objectif des conservateurs : s'assurer qu'un maximum d'Américains voient ces spots censés décrédibiliser le camp adverse. Selon le New Yorker*, les républicains ont dépensé 60,2 millions de dollars entre mars et début août, rien que pour l'achat de publicités sur Facebook.

Vanter (et embellir) son bilan à la Maison Blanche

Pour le clan Trump, le deuxième pilier de cette stratégie de sauvetage consiste à vanter le bilan de ces quatre dernières années. Son équipe a mis en ligne un site complet* détaillant les "promesses tenues" par le président au cours de son premier mandat. La page dédiée à son programme* pour sa réélection est, en revanche, beaucoup plus succincte. On y trouve des projets comme "créer 10 millions d'emplois en dix mois""ramener un million d'emplois délocalisés en Chine" ou "établir une présence humaine permanente sur la Lune", sans le moindre détail sur la façon dont l'exécutif compte y parvenir. "Il n'a pas vraiment de programme, juste des slogans", résume Jean-Eric Branaa.

Le Parti républicain tente de faire de cette élection un référendum sur Donald Trump et sur son bilan, ce qui est un incroyable pari.

Jean-Eric Branaa, spécialiste des Etats-Unis

à franceinfo

Ce pari avait tout son sens en début d'année, lorsque Donald Trump pouvait se targuer de bons résultats économiques. Mais la pandémie de Covid-19 a détruit plusieurs millions d'emplois et mis un coup de frein à la croissance. Au deuxième trimestre 2020, le pays est officiellement entré en récession après avoir enregistré une chute historique de 32,9% de son PIB. Pas de quoi désarçonner le républicain, dont l'objectif est désormais de "vendre un mythe", selon USA Today*. Lundi 24 août, il assurait ainsi qu'avant la crise sanitaire, "nous prenions une direction jamais vue : l'économie la plus florissante, les plus bas chiffres du chômage de l'histoire du pays". Et tant pis si son bilan économique n'est, en réalité, pas plus reluisant que celui de Barack Obama. "Il espère qu'à l'automne, les chiffres de l'emploi seront meilleurs, ce qui redonnerait une dynamique à sa campagne", souligne Jean-Eric Branaa.

Le républicain essaie aussi de redorer son blason sur le plan sanitaire. "Donald Trump a nié la gravité de la pandémie de Covid-19, durant trois mois, allant jusqu'à répéter que le virus allait disparaître de lui-même." Désormais, le locataire de la Maison Blanche appelle à porter un masque et affirme* que la situation épidémique dans son pays est meilleure qu'ailleurs. Il promet également un vaccin contre le coronavirus Sars-CoV-2 "d'ici la fin de l'année" et "un retour à la normale en 2021""Donald Trump essaie de rassurer ses électeurs en se présentant enfin comme le dirigeant qui va pouvoir guider la nation à travers la crise sanitaire", explicite Jean-Eric Branaa.

La convention nationale républicaine de cette semaine joue un rôle central dans cette stratégie de campagne. "Donald Trump est un homme d'affaires qui sait se vendre. Il aime haranguer les foules lors de meetings géants : c'est ce qui avait fait le succès de sa campagne il y a quatre ans", rappelle le spécialiste des Etats-Unis. Cette fois, la pandémie de Covid-19 et les mesures sanitaires qui en découlent privent le milliardaire de grands rassemblements. La convention nationale républicaine est donc l'occasion rêvée de se remettre sous le feu des projecteurs, avant les trois débats de l'automne. Alors que Joe Biden n'a pris la parole qu'au dernier jour de la convention démocrate, Donald Trump s'exprime chaque soir de la grand-messe des conservateurs.

3Mettre en doute les résultats de l'élection

L'élection n'a pas eu lieu mais Trump en conteste déjà le résultat. Depuis plusieurs semaines, le républicain critique le vote par correspondance. Ce mode de scrutin est répandu aux Etats-Unis, où près d'un quart des électeurs avaient envoyé leur bulletin par la poste lors de la dernière présidentielle. Cette année, plusieurs Etats ont simplifié le processus afin d'éviter aux Américains de se rendre dans les bureaux de vote en pleine pandémie de Covid-19. Résultat, jusqu'à 76% des électeurs auront le droit de voter par courrier, selon le New York Times*.

Donald Trump juge toutefois problématique ce mode de scrutin. "Avec le vote par correspondance, 2020 sera l’élection la plus fausse et frauduleuse de l’histoire", a-t-il affirmé sur Twitter fin juillet. Deux semaines plus tard, il a même annoncé qu'il refusait de financer les services postaux, remettant en cause la fiabilité du vote par courrier. "Le seul cas de figure où on perd cette élection, c'est si elle est truquée", a-t-il martelé* lors d'un meeting dans le Wisconsin, mi-août.

Pour le site spécialisé Politico*, cette rhétorique permet au président d'éviter de se prononcer sur les sujets d'actualité. "Concentrer l'attention médiatique sur quoi que ce soit d'autre que le coronavirus et l'économie a des chances de servir" la campagne de Trump, écrit le média américain. Les remarques du républicain lui permettent également d'instiller le doute sur la légitimité de l'élection, ce qu'il avait déjà fait en 2016. Selon une éditorialiste du Guardian*, le président sortant est en train de "poser les bases pour contester le résultat du scrutin". Et d'asséner : "Comme l'a dit sa nièce Mary Trump, Donald Trump considère la tricherie comme un mode de vie. Il en a désormais fait une stratégie de campagne."

* Les liens marqués par un astérisque sont en anglais.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.