Pourquoi Donald Trump a-t-il tant de mal à faire abroger l'Obamacare ?
Entre mardi et vendredi, les sénateurs républicains ont échoué à faire adopter trois textes différents visant à démanteler la grande réforme de la santé de Barack Obama. Cette promesse de campagne de Donald Trump devra attendre. Explications.
L'Obamacare passe encore entre les gouttes. D'un pouce baissé, le sénateur John McCain a sapé des mois d'efforts de ses camarades républicains et temporairement enterré une promesse de campagne de Donald Trump. Dans la nuit de jeudi 27 à vendredi 28 juillet, son vote et celui de deux autres élues républicaines ont permis de rejeter un texte qui aurait abrogé une partie de la très contestée réforme du système de santé adoptée par Barack Obama.
Ce texte n'était qu'une version très abrégée du projet initial des républicains. Au total, trois textes ont été présentés depuis mardi. Tous ont échoué à être votés, embarrassant un peu plus Donald Trump. Franceinfo vous explique pourquoi il a tant de mal à gagner cette bataille alors que les républicains contrôlent les deux chambres du Parlement.
Parce que l'Obamacare n'est pas si impopulaire
Si Donald Trump a été élu en faisant de l'abrogation de l'Obamacare une de ses principales promesses, la loi est de plus en plus populaire depuis son élection. En avril, le magazine Newsweek notait qu'entre début janvier, quand Barack Obama était encore président, et le 20 janvier, après l'investiture de son successeur, la loi était passée de 41% à 47% de popularité. Entre avril et juin, plusieurs sondages ont vu, pour la première fois, plus de la moitié des Américains exprimer leur appréciation pour la réforme du système de santé.
Par conséquent, l'idée d'abroger cette loi pour la remplacer par une autre, aux contours pas toujours clairs, est loin de faire l'unanimité : en avril, un sondage cité par Business Insider estimait que seuls 30% des Américains y étaient favorables. 26% souhaitaient conserver l'Obamacare à l'identique et 40% ne pas l'abroger mais la réformer de façon significative.
Parce que les républicains ne savent pas par quoi la remplacer
Quand Barack Obama était président, voter l'abrogation de l'Obamacare n'effrayait pas les républicains, assurés que le président mettrait son veto à leur texte. Avec l'arrivée au pouvoir de Donald Trump, ils ont enfin une vraie chance d'arriver à leurs fins. Mais face à cette opportunité, certains républicains se sont mis à douter et, alors qu'ils ont eu sept ans pour préparer une alternative, ils ne parviennent pas à trouver un consensus. Priver des millions de républicains de la couverture sociale qu'ils avaient acquise avec l'Obamacare et rogner en partie sur le système Medicaid, une couverture sociale qui existait déjà avant Barack Obama, inquiète certains élus.
Entre mardi et vendredi, les républicains ont ainsi été appelés à voter trois versions différentes de la loi d'abrogation. Une première proposait de remplacer l'Obamacare par un nouveau système. Une autre se contentait d'une abrogation sans solution de remplacement. Après leur échec, un troisième texte, concocté en urgence, se présentait comme une "abrogation allégée" : il n'aurait privé de couverture médicale "que" 16 millions d'Américains, contre 22 millions pour la première version et 32 millions pour la seconde, estime Vox. Mais même cette option ne suffit pas à rassembler. Pour la sénatrice Susan Collins, hors de question de "soutenir un texte qui fera perdre leur assurance-maladie à des dizaines de millions de personnes". A l'inverse, John Thune, numéro 3 des sénateurs du parti, résume le désarroi des plus déterminés : "Si on ne peut pas mettre tous les républicains d'accord là-dessus, je ne vois pas ce qu'on peut faire passer avec eux."
Comment les débats ont-ils pu se poursuivre malgré les divisions ? Parce que certains parlementaires républicains se sont laissés convaincre de voter un texte qu'ils trouvaient imparfait, explique le site The Intercept (en anglais). Ils avaient obtenu l'assurance qu'il ne serait jamais appliqué comme tel et que la discussion se poursuivrait au Congrès pour trouver une solution consensuelle. En résumé : ils ne voulaient pas être responsables de l'échec d'une importante promesse de campagne.
Parce que Donald Trump n'a pas de stratégie pour tenir sa promesse
Pendant que les républicains tergiversent, Donald Trump ne brille pas par son sens de la stratégie politique et alterne les déclarations contradictoires sur le sujet. Ainsi, après avoir d'abord encouragé ses troupes à voter un premier projet de loi en mars, finalement rejeté, il minimise l'échec car "l'Obamacare implosera" d'elle-même.
ObamaCare will explode and we will all get together and piece together a great healthcare plan for THE PEOPLE. Do not worry!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) March 25, 2017
Mais quelques jours plus tard, il reprend ses encouragements à faire passer un nouveau texte. En mai, quand une deuxième version de la loi est finalement votée par les représentants, le président des Etats-Unis s'empresse d'organiser une célébration dans le jardin de la Maison Blanche, alors même que le texte a encore besoin du Sénat pour devenir réalité. Mais lorsqu'il commence à s'intéresser au contenu du texte, un mois plus tard, il le torpille en évoquant sa "méchanceté fondamentale" : "Je veux voir une loi qui ait du cœur", explique-t-il sur la chaîne Fox News.
De quoi semer la confusion avant le vote des sénateurs. Nouveau revirement fin juin : alors qu'il soutenait jusque-là l'option de remplacer l'Obamacare par un nouveau système, il explique qu'en cas d'échec, les sénateurs "devraient immédiatement abroger et remplacer à une date ultérieure". Comprendre : pas la peine de réfléchir à une solution concrète pour les Américains qui perdraient leur assurance. Vendredi, après l'échec de ces deux options, Donald Trump est finalement revenu... à son point de vue initial : "Comme je le dis depuis le début, laissons l'Obamacare imploser."
3 Republicans and 48 Democrats let the American people down. As I said from the beginning, let ObamaCare implode, then deal. Watch!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) July 28, 2017
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