Cet article date de plus de sept ans.

"On a fui la guerre, on est venu chercher la paix" : les Somaliens du Minnesota face au décret anti-immigration de Donald Trump

Donald Trump prononce dans la nuit de mardi à mercredi son premier grand discours devant le Congrès. Franceinfo a rencontré la communauté somalienne de Minneapolis pour comprendre ce qu'implique l'un des premiers décrets du président américain sur l'immigration.

Article rédigé par Mathilde Lemaire, franceinfo - Edité par Cécile Mimaut
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Dans le quartier Cedar vit une grande partie des 60 000 Somaliens de Minneapolis. Une communauté arrivée depuis 1991 et le début de la guerre civile. Une rue porte même le nom du pays.  (MATHILDE LEMAIRE / RADIO FRANCE)

Donald Trump prononce dans la nuit du mardi 28 février au mercredi 1er mars, à Washington, son premier grand discours au Congrès et à la nation. Un exercice délicat pour le nouveau président américain, lors duquel il doit chercher à obtenir l’appui des élus, qui tiennent le cordon de la bourse, pour mettre en place son programme.

C’est l’occasion de tenter de comprendre, sur place, ce qu’impliquent les premiers décrets du président américain. Franceinfo s’est rendu dans le Dakota d’abord, où un projet d’oléoduc controversé est relancé, puis à la frontière du Mexique, pour parler du projet de mur. Enfin, nous nous arrêtons sur la situation des musulmans aux Etats-Unis. Donald Trump a tenté de faire interdire l’entrée dans le pays des ressortissants de sept pays : Iran, Libye, Soudan, Syrie, Yemen, Irak et Somalie. La justice a rejeté ce décret anti-immigration, mais la Maison Blanche promet de trouver un moyen de parvenir à instaurer cette mesure.

Le rêve américain ébranlé 

Franceinfo s’est rendu à Minneapolis, dans le Minnesota,  là où vit la plus importante communauté somalienne des Etats-Unis. C’est dans un alignement de petits immeubles en briques noires du quartier Cedar que vivent l’essentiel des 60 000 Somaliens de Minneapolis. C’est devant une petite mosquée fréquentée par des familles située sur Somali Street que nous rencontrons Rabbic, 35 ans. Il essaie de venir prier une à deux fois par semaine en sortant du bureau. Ses papiers sont en règles, il est secrétaire dans une école.

Il y a douze ans, Rabbic a fui Mogadiscio, la guerre civile, les menaces des Shebabs affiliés à Al-Qaïda. Il a passé quatre ans dans un camp de réfugiés kenyans avant de vivre, enfin, le rêve américain. Le décret anti-musulmans de janvier dernier l’a fait déchanter. "Je suis vraiment mal avec tout ça. Ça crée des divisions et ça apporte du stress, de l’anxiété à la communauté somalienne. On a fui la guerre, on est venu chercher la paix, comme l’aurait fait n’importe quel être humain digne. Et soudain, ici, on observe une augmentation de la haine et même des attaques. Des tags racistes ont été retrouvés ici dans plusieurs écoles par exemple", témoigne le trentenaire.

Un soutien populaire primordial au moral

Ces actes islamophobes sont intervenus à la suite du meeting de Donald Trump à Minneapolis en novembre dernier. Le Minessota a "trop souffert" de l’afflux des Somaliens, avait alors déclaré le futur président des Etats-Unis à la tribune. Dans ce contexte, il y a heureusement les nombreux témoignages de soutien pour réchauffer le cœur de Rabbic et de sa communauté. La semaine dernière encore, des pasteurs protestants sont venus à la mosquée dire leur amitié.

"Le peuple américain, très majoritairement, se met du côté des victimes et là en l’occurrence des ressortissants des sept pays visés par le décret du président américain", affirme Rabbic. "Mes collègues, mes amis, mes voisins, tout le monde est venu me voir. Ils m’ont dit : ‘Ça n’est pas nous, ça ne nous représente pas, on ne veut pas que tout cela vous arrive', raconte-t-il. Mais je pense qu’on vit dans un pays de loi et que les tribunaux empêcheront Trump pour que tout aille bien".

Un combat de terrain quotidien pour l'intégration 

Rabbic a foi en la justice et aussi en sa communauté très organisée, impliquée dans la vie locale. Le jour de la victoire de Donald Trump, Ilhan Omar, une Somalienne de 33 ans, ex réfugiée musulmane, a été élue à la chambre locale des représentants. Ici, elle inspire beaucoup de jeunes, comme Mohamud Noor, candidat pour la mairie d’un des treize districts de la ville. Ballons, pancartes, slogans répétés en boucle,... ses meetings sont à l’américaine. Mais à la tribune, on alterne entre anglais et somalien.

Mohamud Noor (à droite) est un des nombreux jeunes Somaliens qui font vivre cette communauté très organisée et impliquée dans la vie locale. Il est actuellement en campagne pour la mairie d'un des treize districts de Minneapolis. (MATHILDE LEMAIRE / RADIO FRANCE)

Noor parle d’éclairage public, de l’état des routes, mais  aussi des menaces qui pèsent sur les demandeurs d’asile somaliens. Il a dû aller plusieurs fois à l’aéroport pour aider des ressortissants bloqués. C’était avant que la justice ne rejette le décret anti-immigration de Donald Trump.

On ne veut pas vivre dans la peur. Si je pouvais parler au Président, je lui dirais qu’il doit mieux nous connaître, savoir qui nous sommes. Dans la communauté, on a des docteurs, des professeurs. Ma femme est prof. Je suis ingénieur. On est des membres actifs de la société. On fait partie du tissu américain. Nos enfants naissent ici, grandissent ici. C’est chez nous

Mohamud Noor, candidat pour la mairie d’un des treize districts de Minneapolis

à franceinfo

Depuis janvier, on note une recrudescence de musulmans sans papiers qui, craignant une reconduite à la frontière, fuient au péril de leur vie dans le froid polaire pour aller demander asile au Canada. Plusieurs, les mains gelées, ont dû être amputés à leur arrivée.

Les Somaliens du Minnesota face au décret anti-immigration de Donald Trump. Le reportage à Minneapolis de Mathilde Lemaire

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.