Menacé par Trump, le Planning familial s'inquiète pour ses patientes : "Sans nous, le nombre d'avortements va exploser"
Devenue la bête noire des conservateurs qui cherchent depuis des années à lui couper ses financements publics, le Planned Parenthood craint pour l'avenir de sa mission. Franceinfo a rencontré l'une de ses responsables en Pennsylvanie.
Donald Trump n'a pas ménagé les femmes au cours de la campagne présidentielle. A ses nombreuses sorties sexistes, le nouveau président de la plus grande puissance mondiale a également souvent montré des réserves contre le droit à l'avortement. Mais après les mots, le tout nouveau président, investi vendredi 20 janvier, va-t-il passer aux actes ? Les républicains, majoritaires au Congrès américain, entendent couper les crédits du Planned Parenthood, le plus grand réseau de Planning familial des Etats-Unis.
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Devenue la bête noire des conservateurs qui cherchent depuis des années à lui couper ses financements publics, l'organisation craint pour l'avenir de sa mission. Franceinfo a rencontré Sari Stevens, directrice de la branche politique du Planned Parenthood en Pennsylvanie. Elle nous a reçus dans son bureau de Harrisburg pour nous expliquer sa vision des enjeux des premiers mois du mandat de Donald Trump.
Pendant la campagne, Trump et les républicains n'ont cessé d'attaquer le Planning familial. Comment vos patientes ont-elles réagi à son élection ?
La réaction a été immédiate. Dans les jours qui ont suivi son élection, les prises de rendez-vous en ligne ont augmenté de 900%, ce qui traduit bien la crainte des femmes de ne plus bénéficier de nos services. Et nous avons eu plus de demandes de prescriptions de contraceptifs de long-terme que sur l'ensemble des cinq dernières années.
Personnellement, je suis passée par plusieurs étapes : le deuil, l'incompréhension, le choc... Mais ces dernières semaines, nous avons réalisé l'ampleur de nos soutiens et nous avons compris que nous devions nous battre. Il faut que nous soyons là pour nos patientes donc nous n'avons pas le choix.
L'administration Trump peut-elle vous empêcher de travailler ?
Nous nous attendons au pire. Il nous apparaît clair que la santé, à travers nous et Obamacare [la réforme de l'assurance-maladie réalisée par Barack Obama, que Donald Trump a promis d'abroger], sera sans doute le premier secteur dans lequel il voudra intervenir. Nous sommes le symbole des lois progressistes qu'il veut attaquer. Une partie de la droite essaie de tromper l'opinion publique avec des mensonges sur notre travail. Il existe une idée préconçue, selon laquelle nous recevons de l'argent, des chèques en blanc, de la part du gouvernement, mais c'est inexact. Nous fonctionnons comme tous les cabinets de médecins. Certains affirment aussi que les fonds publics fédéraux financent les avortements, alors que cela n'est pas vrai.
Concrètement, le Planning est financé par Medicaid [un programme qui aide les personnes aux faibles ressources à accéder aux soins], des assureurs privés et d'autres programmes locaux ou fédéraux. Quand nous délivrons des soins, en gros, nous facturons ces intermédiaires, qui nous remboursent. Or, on s'attend à ce que l'administration Trump propose une loi pour empêcher les patients de bénéficier de Medicaid pour les soins que nous prodiguons. Cela concerne plus d'un tiers de nos patients.
Que se passerait-il si, effectivement, l'administration Trump parvenait à vous priver de Medicaid ?
Quand on élimine l'accès aux types de soins que nous prodiguons, on constate systématiquement une augmentation des maladies et des infections non détectées, des grossesses non désirées et donc une augmentation du nombre d'avortements. C'est ce qu'il s'est passé au Texas, un Etat qui a dé-financé le Planning familial. Or, avoir le contrôle de sa fertilité permet la réussite économique, permet de mener à bien son éducation, sa carrière. C'est indispensable pour sortir de la pauvreté. Aux Etats-Unis, une femme sur trois va avoir recours à un avortement au cours de sa vie.
Rendre sûr et légal l'accès à l'avortement est une composante essentielle de notre mission, même si en nombre, c'est une infime partie de notre activité. Nous pratiquons des tests pour détecter les MST, comme le VIH. Nous détectons les violences domestiques. Nous faisons de l'éducation sexuelle auprès des jeunes. Nous fournissons toutes sortes de moyens de contraception. Nous réalisons des examens pour détecter les cancers, comme celui du sein ou du col de l'utérus. Et ce qu'on oublie souvent, c'est que quand une femme enceinte vient nous voir avec l'intention de garder son bébé, nous l'orientons vers un gynécoloque-obstétricien, nous suivons sa grossesse. C'est très dangereux de faire de la politique au détriment de la santé des femmes, on met en danger un nombre considérable de personnes en faisant cela.
L'ironie cruelle de la situation, c'est qu'en nous attaquant, l'administration pourrait faire exploser le nombre d'avortements, aggraver la précarité de familles entières et provoquer une grave crise de santé publique.
Sari Stevensà franceinfo
Les électeurs de Donald Trump sont-ils tous hostiles à votre travail ?
On s'est aperçus que non, pas du tout. Après l'élection, nous avons organisé des groupes de discussions avec des électeurs de Donald Trump pour évoquer notre travail, et la plupart étaient très choqués de découvrir les intentions de cette administration à notre égard. Son colistier, Mike Pence, ex-gouverneur de l'Indiana, a supprimé les fonds du Planning familial dans son Etat et a constamment voté contre les législations en faveurs des droits LGBT… Mais en discutant avec les électeurs de Trump, on s'est aperçus que la plupart n'avait aucune idée de qui il était vraiment et de ce qu'était sa politique.
On peut donc s'attendre à ce que ces gens prennent notre défense si nous sommes attaqués car ils n'ont pas voté pour Donald Trump pour détruire le Planning. Certains font même partie de nos patients. Ils ont choisi Trump car ils le voient comme un outsider, quelqu'un qui n'est pas de Washington et qui est capable de renverser la table. Mais sur cette question de la santé des femmes, son discours ne correspond en rien à ce que pense la majorité des Américains.
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