La Marche mondiale et citoyenne pour les sciences sera "symboliquement importante"
Après les prises de position de l'administration américaine sur le réchauffement climatique, les scientifiques se mobilisent samedi à Washington et dans une quarantaine de pays à l'occasion d'une Marche pour défendre la recherche scientifique.
Parti des États-Unis après les prises de position de l'administration américaine sur le réchauffement climatique, le mouvement pour la science a rapidement pris de l’ampleur. Samedi 22 avril, des milliers de personnes sont ainsi attendues à Washington et dans une quarantaine de pays à l'occasion d'une Marche mondiale citoyenne pour les sciences.
Des années de recherches sur le climat balayées d'un revers de tweet
The concept of global warming was created by and for the Chinese in order to make U.S. manufacturing non-competitive.
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 6 novembre 2012
Le tweet de Donald Trump affirmant que le réchauffement climatique est une invention des Chinois pour concurrencer l’industrie américaine, mais aussi les propos de Vladimir Poutine pour dire qu'il n'est pas provoqué par l'Homme, ont provoqué l'indignation et l'inquiétude au sein de la communauté scientifique qui voit dans ces déclarations une atteinte à des années de travail et de méthodes pour faire avancer les connaissances sur le réchauffement de la planète. La climatologue Valérie Masson-Delmotte, vice-présidente du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), sera dans la rue samedi à Paris, pour défendre d’abord un fait scientifique.
L’influence humaine sur le réchauffement est clairement établie. C’est la principale responsable d’une accumulation de l’énergie dans le système climatique. Ça réchauffe l’air, les océans, ça fait fondre les glaces avec des conséquences comme la montée du niveau des mers, l’intensification des canicules ou des pluies torrentielles
Valérie Masson-Delmotte, du GIECà franceinfo
"Les États-Unis ont investi historiquement et de manière très importante dans l’observation de la terre et dans la capacité à modéliser le climat avec des outils de pointe. Si, comme le suggère le projet de budget de la Maison Blanche, il y a une forte diminution des crédits à la Nasa pour l’observation de la Terre, le risque c’est un ralentissement dans la production de connaissances", poursuit la climatologue française.
La liberté de partage menacée
Les inquiétudes sont donc grandes pour les sciences du climat. Certains craignent même de se faire voler les données qu’ils ont entrées dans les serveurs de l’administration américaine, quand d’autres voient déjà leurs études disparaître des sites internet de leur université dans un mouvement d’autocensure pour ne pas froisser le pouvoir en place. Alain Fuchs, président du CNRS, a signé une tribune avec d’autres organismes scientifiques comme l’INRA pour soutenir la marche de samedi. Selon lui, les recherches sur le climat ne sont pas les seules menacées aujourd’hui par la politique américaine. "On est très préoccupé par ce qui est en train de se passer en terme de protectionnisme et de fermeture des frontières. Nous avons un chercheur, un historien renommé, qui a été retenu de façon absolument odieuse pendant une dizaine d’heures à l’aéroport de Houston récemment", dénonce-t-il.
Cette marche à Washington et ses relais un peu partout dans le monde sera symboliquement importante parce que la science n’a pas de frontières, elle est porteuse de valeurs
Alain Fuchs, président du CNRSà franceinfo
Emmanuelle Perez-Tisserand est historienne à l'université de Toulouse, spécialiste de l’histoire des États-Unis. Elle voit aussi comment la liberté des chercheurs est aujourd’hui entravée. "Il y a de fortes inquiétudes notamment sur des études latinos, sur l’histoire des mexicains américains par exemple. Des départements s’étaient créés, notamment dans le Sud-Ouest et il est presque sûr que certains de ces programmes vont disparaître. Ça mettrait en avant des problèmes d’inégalité, des problèmes de racisme", estime-t-elle.
Les risques de dérives mercantiles
Cette marche veut aussi défendre l’indépendance de la science face aux pouvoirs économiques. Pour le docteur Laetitia Goffinet, chirurgien, professeur à l'université de Nancy, il faut rééquilibrer le rapport de force entre les multinationales des médicaments par exemple et celui des états, et en particulier celui de la France. "Du fait que la France a consacré depuis la sortie de la guerre une grande partie de ses ressources à financer son modèle social, elle a une trésorerie très importante qui attise les appétits des multinationales", souligne-t-elle.
Comment éviter aussi que des experts payés par des firmes déterminent la dangerosité d'un pesticide ou d'un médicament avant sa mise sur le marché? Avec plus de transparence, moins de conflits d'intérêts, bref plus de sciences, y compris chez les citoyens. C'est pourquoi tout le monde peut participer à l'une des 500 marches citoyennes organisées samedi à travers le monde, qui nous rappellent que science sans conscience n'est que ruine de l'âme.
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