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Inculpation de Donald Trump : "Cette affaire va renforcer sa position au sein de la base républicaine", estime un chercheur

L'ancien président va se servir de son inculpation par le tribunal de New York pour dénoncer un acharnement de la gauche contre lui, assure Denis Lacorne, chercheur spécialiste des Etats-Unis.
Article rédigé par Marine Cardot - propos recueillis par
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Donald Trump esquisse des pas de danse avant un meeting organisé à Waco, au Texas (Etats-Unis), le 25 mars 2023. (EVAN VUCCI / AP / SIPA)

C'est la première fois qu'un ancien président américain se retrouve dans une telle situation. Donald Trump a été inculpé au pénal, jeudi 30 mars, par le tribunal de New York. L'homme d'affaires est mis en cause dans une affaire d'achat du silence d'une actrice de films X en 2016.

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Loin d'affaiblir le candidat à la présidentielle de 2024, ces déboires judiciaires pourraient même l'avantager dans la primaire du parti républicain, estime Denis Lacorne, directeur de recherches au Ceri (Centre de recherche international) de Sciences Po. "Il va se servir de cette mise en accusation pour dénoncer un acharnement contre lui, et dire qu'il est persécuté par Joe Biden", assure le spécialiste des Etats-Unis.

Franceinfo : Comment Donald Trump va-t-il tenter d'utiliser cette mise en accusation dans sa campagne pour la prochaine élection présidentielle ?

Denis Lacorne : A court terme, sa stratégie est de se présenter comme un martyr, la victime d'une gauche radicale, qui, dit-il, veut l'abattre et conduit une chasse aux sorcières contre lui. Il va se servir de cette mise en accusation pour dénoncer un acharnement contre lui, et dire qu'il est persécuté par Joe Biden.

Lorsqu'il passera devant le juge la semaine prochaine, il n'y a pas de raison pour qu'on lui impose de porter les menottes : il n'a pas tué quelqu'un et il ne risque pas de s'enfuir. Mais lui souhaiterait être menotté pour dramatiser la situation. C'est aussi très possible que des foules se rassemblent à New York pour demander sa libération, avec la présence de personnes potentiellement armées et dangereuses.

Est-ce que cette stratégie consistant à se présenter comme victime d'une chasse aux sorcières peut lui permettre de mobiliser les électeurs républicains, notamment les plus radicaux ?

Cette inculpation va, à court terme, renforcer sa base. Les "Maga" [du slogan trumpiste "Make America great again", "rendre sa grandeur à l'Amérique"], qui représentent entre 30 et 35% des électeurs du parti républicain, vont être d'autant plus derrière lui, et seront remobilisés. Ils sont absolument fanatisés par Trump et sont prêts à tout accepter. C'est une masse électorale considérable dans les primaires. Ce camp va très probablement avantager Donald Trump par rapport à ses adversaires potentiels, et peut-être lui permettre de triompher.

A plus long terme, si Donald Trump devait être inculpé dans d'autres d'affaires, la situation pourrait-elle se compliquer pour lui ?

Ici, on parle d'une seule inculpation, mais le problème de Trump va s'aggraver s'il est inculpé dans deux, trois, ou quatre affaires... Cela risque de décourager encore un peu plus les républicains plus modérés.

Avec une inculpation, ils peuvent encore croire que c'est un martyr. Mais il peut également être inquiété dans l'enquête sur l'assaut du Capitole. Il y a aussi l'affaire de l'élection dans l'Etat de la Géorgie, pour laquelle on sait que Donald Trump a passé un coup de fil pour faire pression sur le secrétaire d'Etat de la Géorgie, en lui demandant de trouver 11 000 voix en sa faveur. Dans une troisième affaire, il est soupçonné d'avoir caché des documents secrets chez lui. Si les inculpations se multiplient, cela peut produire un mouvement d'opinion défavorable pour l'ancien président.

Est-ce que cette affaire pourrait favoriser d'autres candidats aux primaires du parti républicain auprès de la base électorale ? On peut penser à ceux qui sont déjà déclarés, mais aussi à ceux qui ne se sont pas encore officiellement lancés dans la course, comme le gouverneur de Floride Ron DeSantis.

A court terme, non. Ron DeSantis, le gouverneur de Floride, est déjà affaibli. Il est en perte de vitesse, et il a du mal à financer sa campagne. Trump est loin en tête dans les sondages, et il sera très, très difficile pour les autres de le rattraper.

Si quatre ou cinq candidats se lancent, les voix vont se disperser, tandis que Donald Trump est le seul à avoir une large base dont les voix lui sont acquises. C'est sa force, aucun autre candidat ne peut se prévaloir d'une telle base, prêt à le soutenir quoi qu'il en coûte. Evidemment, si les inculpations se multiplient, ses adversaires dans la course à l'investiture pourront peut-être en profiter. Mais pour l'instant, même les candidats les plus critiques de Trump, comme Mike Pence, ont dénoncé son inculpation comme étant un outrage.

De l'autre côté, le parti démocrate peut-il tirer un avantage de cette inculpation ?

Pour l'instant, cette inculpation est une bonne nouvelle pour Trump, mais aussi pour le parti démocrate. Si l'ancien président l'emporte dans les primaires, Joe Biden peut potentiellement espérer le battre. Les démocrates veulent rejouer le match de 2020 et misent sur la même issue. Mais si le match oppose finalement Biden contre DeSantis ou un autre républicain plus jeune, la partie sera plus difficile.

Donc certes, cette affaire va renforcer la position de Trump au sein de la base républicaine. Mais au moment de l'élection présidentielle, les électeurs républicains modérés ou les indépendants risquent de prendre leurs distances par rapport à Trump, qu'ils considèrent comme paranoïaque et excessif. Les démocrates ont donc tout intérêt à ce que Trump remporte les primaires.

Au-delà des électeurs, est-ce que cette mise en accusation pourrait effrayer les donateurs, et fragiliser sa campagne financièrement ?

Non, car il y a deux types de financement des campagnes aux Etats-Unis. D'abord les milliardaires qui effectivement, pour certains, peuvent être réticents à donner de l'argent à un candidat poursuivi par la justice. Mais une autre source de financement prend de plus en plus d'importance : les petites sommes, données le plus souvent par des particuliers. Donald Trump vient de lancer un fond de soutien à sa campagne et à ses frais juridiques. Et il marche très, très bien. Son inculpation va être un excellent prétexte pour demander de l'argent. D'un point de vue financier, Donald Trump fait également beaucoup mieux que son potentiel rival Ron DeSantis.

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