Accord sur le nucléaire iranien : "On est dans une impasse de tous les côtés"
Le journaliste Michel Taubmann a expliqué, mardi sur franceinfo, que l'accord sur le nucléaire iranien conclu en 2015 "n'a pas apporté les fruits qui étaient espérés", alors que Donald Trump doit annoncer, dans la soirée, s'il en sort.
L'accord sur le nucléaire iranien conclu en 2015 entre Téhéran et six grandes puissances "est mal en point", selon Michel Taubmann, invité de franceinfo, mardi 8 mai. Pour autant, le journaliste auteur d'Histoire secrète de la Révolution iranienne "attend quand même de voir la décision exacte de Donald Trump" qui doit annoncer, mardi soir, s'il sort de cet accord.
franceinfo : L'accord sur le nucléaire a-t-il encore une chance de s'en sortir ?
Michel Taubmann : Il est mal en point, mais attendons quand même de voir la décision exacte de Donald Trump. Le président américain a encore plusieurs possibilités, plusieurs cartes dans sa manche. Soit, il adopte la position la plus radicale, c'est-à-dire un retrait de l'accord, brutal, immédiat, avec un rétablissement de toutes les sanctions, peut-être même l'imposition de nouvelles sanctions. Soit, il adopte une position médiane, qui serait peut-être de laisser encore quelque temps, quelques semaines de réflexion, de laisser la porte entrouverte aux Européens pour engager une initiative de négociation selon le plan proposé par Emmanuel Macron lorsqu'il était à Washington, c'est-à-dire rediscuter l'accord.
Les choses sont encore ouvertes, mais la tendance est quand même plutôt à la fin de cet accord et au passage à autre chose.
Michel Taubmannà franceinfo
C'est une porte qui est très très très étroite puisque ni les Iraniens, ni les Américains n'en veulent. Mais, il y a eu un ballet diplomatique très très important notamment entre les Européens et les Américains, et au sein même du Proche-Orient, puisque par exemple Benjamin Netanyahou [le Premier ministre israélien] va rencontrer demain Vladimir Poutine [le chef de l'État russe].
Téhéran disait que Washington regretterait "comme jamais" la fin de cet accord. Quelle est la réalité de cette menace ?
Du côté de l'Iran, on a deux positions qui se sont exprimées successivement et parallèlement. La position la plus dure, qui vient de l'entourage du guide suprême Ali Khamenei, et qui a été reprise aussi par Hassan Rohani, le président de la République islamique d'Iran, c'était de dire : "Si les Américains se retirent, nous nous retirons immédiatement." Cela voulait dire nous reprendrons immédiatement l'enrichissement de l'uranium à un taux élevé, ce qui veut dire la course à la bombe atomique. Cela entraînerait immédiatement une réaction israélienne, ce qui précipiterait un affrontement régional et peut-être plus important, donc ce serait très grave. Là, hier, Hassan Rohani a mis de l'eau dans son vin, puisqu'il a dit : "Nous pouvons continuer l'accord avec les autres puissances si elles respectent, si elles nous donnent des engagements." Là, on est dans quelque chose de très byzantin : est-ce que les Européens donneraient des garanties suffisantes à l'Iran ? Là, on est dans un grand écart, puisque les Iraniens, en tout cas ceux qui dirigent la diplomatie, ont tout misé sur cet accord. Hassan Rohani, Mohammad Javad Zarif le ministre des Affaires étrangères, ont tout misé sur cet accord. C'est leur avenir politique qui se joue.
Cet accord a-t-il apporté ce que l'Iran et les Iraniens espéraient ?
Cet accord n'a pas apporté les fruits qui étaient espérés. La levée des sanctions n'a pas permis à l'Iran de sortir de ses difficultés économiques. Il y a aujourd'hui de grandes difficultés économiques, des grèves, des manifestations. L'un des enjeux des manifestations qui ont vu le jour en décembre et qui continuent encore de manière moins intensive, c'est de dire "Pas d'argent pour le Hezbollah, de l'argent pour l'Iran". Et donc la position internationale de l'Iran, le fait que l'Iran, à l'abri de l'accord sur le nucléaire, ait profité de cet accord pour finalement se lancer dans une politique expansionniste, c'est contradictoire avec les demandes sociales iraniennes auxquelles Hassan Rohani veut répondre, puisqu'il se réclame réformateur. Mais en même temps, la réforme sur laquelle comptait Barack Obama [quand il était président des États-Unis], le pari optimiste de Barack Obama de création de libéralisation, de démocratie, ce pari, pour l'instant, a échoué. Donc, on est dans une impasse de tous les côtés.
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