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Décrets Trump : plus d’un millier de réfugiés traînent leur valises à la frontière canadienne

Conséquence du décret migratoire voulu par Donald Trump, plus d’un millier de personnes abandonnent l’espoir d’obtenir un statut légal aux États-Unis et se pressent à la frontière canadienne pour y demander l’asile. Franceinfo s’y est rendue.

Article rédigé par Frédéric Carbonne
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
La police montée canadienne attend les migrants qui franchissent la frontière le 22 février 2017 à Hemmingford, au Quebec. (DREW ANGERER / GETTY IMAGES NORTH AMERICA)

De plus en plus de personnes quittent les États-Unis pour le Canada : ils ont été plus de 1 000 à le faire en janvier-février, conséquence du nouveau décret migratoire voulu par Donald Trump, qui devait entrer en vigueur ce jeudi 16 mars, mais qui a finalement été suspendu par un juge fédéral de Hawaï

Au bout de l’impasse, le bruit des valises à roulettes 

Le principal point de passage se trouve à la frontière avec le Québec, au nord de l'État de New York. Plus d’un millier de réfugiés sont ainsi passés depuis le début de l’année, plus que pendant toute l’année  2014. Ils disent qu’ils n’ont rien à perdre. Au bout de cette impasse, le Canada. Ce qui frappe, c’est d’abord le bruit des valises à roulettes des candidats.

Les taxis les déposent parfois à plusieurs kilomètres et ils terminent le chemin à pied. Parmi les marcheurs, ces deux jeunes hommes yéménites qui racontent qu’ils quittent les États-Unis à cause du décret Trump. "Je ne pensais pas qu’il allait être élu, mais maintenant j’ai peur d’être renvoyé au Yémen", explique le premier. 

L’espoir d’être traité comme un être humain

Lui vit aux États-Unis depuis plus de trois ans, dans l’attente d’un statut de réfugié. Aujourd’hui, il a perdu tout espoir de l’obtenir. Même renoncement, même crainte pour Mustafa, qui a fui la Syrie en 2012, et dont le visa d’étudiant aux États-Unis a expiré l’an dernier. "J’ai essayé d’avoir une vie meilleure, de m’installer aux États-Unis, mais nous ne sommes plus désirés ici. Donc je vais changer de chemin.", explique-t-il. "Je veux aller quelque part où je me sens en sécurité, protégé, et où je me sens au moins traité comme un être humain. Je crois que j’ai vécu le pire, donc ça ne peut pas aller plus mal", soupire Mustafa.

La plupart de ces réfugiés qui connaissent ce point de passage savent qu’il n’est pas dangereux. D’autres tentent l’aventure par la forêt. Avec un certain nombre de risques, explique cet avocat Éric Taillefer dont un des clients aurait pu perdre la vie. "À un moment donné, il a dû traverser une rivière gelée. La glace a cédé sous ses pieds et il est tombé à l’eau. Il faisait -15 degrés… Ses vêtements mouillés lui collaient à la peau", explique l’avocat.

À la frontière, l’arrestation par la police canadienne 

Son client a poursuivi son chemin mais a fini par s’écrouler, inconscient. Quelqu’un l’a trouvé et l’a amené à l’hôpital. Il ne sait pas s’il retrouvera un jour tout l’usage de ses mains et de ses pieds. Ces dangers ne freinent pourtant pas les candidats à l’exil. En quelques mois, il y a eu en effet autant de passages que pendant toute l’année dernière. La première étape, pour tous, est l’arrestation par les policiers canadiens. Une arrestation en douceur. "Vous n’avez pas le droit de passer", lancent les policiers. "Nous n’avons pas le choix, répondent les réfugiés, le Canada est notre seul espoir." 

Un simple fossé sépare les deux pays à cet endroit, la rue porte le même nom d’ailleurs des deux côtés. Ronit est venue exprès de Montréal pour assurer que l’accueil ne sera pas le même : "Cela fait du bien de leur souhaiter la bienvenue. Il ne manque rien dans notre vie : je peux travailler librement, être en sécurité, pratiquer ma religion. Cela me fait du bien de partager cela !", sourit-elle. Une fois le contrôle de la police effectué, ces réfugiés déposeront une demande d’asile. Ils sauront dans quelques mois si leur rêve américain est bien une réalité au Canada.

Plus d’un millier de réfugiés traînent leur valises à la frontière canadienne - Reportage de Frédéric Carbonne pour franceinfo

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