Comment les déclarations de Trump peuvent influencer les relations entre les Etats-Unis et l'Europe
Les déclarations du président élu Donald Trump font craindre pour les relations diplomatiques entre les pays européens et les Etats-Unis. L'alliance transatlantique serait-elle menacée ?
On aurait pu croire que le costume présidentiel adoucirait certaines de ses positions. Mais au moment de son investiture, il faut croire qu'il n'en est rien. Donald Trump est toujours ce personnage outrancier qui n'hésite pas à choquer, au risque de susciter la colère des chancelleries européennes. Ses récentes interviews dans le quotidien allemand Bild et le journal britannique The Times n'ont pas démontré le contraire. Le magnat de l'immobilier a notamment jugé que le Royaume-Uni "a eu bien raison" de sortir de l’UE et que le Brexit sera "un succès". Il estime également que "d’autres pays vont quitter" l’UE.
La nomination de Rex Tillerson, ex-PDG d'ExxonMobil, au poste de secrétaire d'Etat, ou celle de l'ex-général James Mattis comme secrétaire à la Défense, jugés plus modérés et surtout moins imprévisibles que Donald Trump, suffiront-elles à ne pas abîmer les relations entre les Etats-Unis et la vieille Europe ? Eléments de réponse.
La France, ce pays "infecté par le terrorisme"
La France, ce n'est pas vraiment la tasse de thé de Donald Trump ou, pour le dire plus crûment, ça ne l'intéresse pas. Comme le souligne Le Parisien, ce n'est pas un hasard si le président élu a choisi un quotidien allemand et un quotidien britannique pour s'exprimer. Il n'y mentionne d'ailleurs absolument pas l'Hexagone. Pour connaître sa position sur la France, il faut se référer à ses discours de campagne, ses prises de parole dans les médias américains ou à son interview accordée à Valeurs Actuelles en février 2016. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que la vision de Trump sur notre pays est très tranchée.
Malheureusement, la France n'est plus ce qu'elle était, et Paris non plus. Il y a des quartiers dont on a l'impression qu'ils sont devenus hors la loi
Donald Trumpà Valeurs Actuelles
En juillet, dans une interview à la chaîne NBC, Donald Trump expliquait encore vouloir mettre en place "un contrôle extrême" des Français aux frontières américaines, estimant que la France était "infectée par le terrorisme".
Concernant l'Europe, ses propos dans Bild et The Times ont donné des sueurs froides à plusieurs leaders européens. Il a d'abord jugé l'OTAN "obsolète", ce qui peut légitimement inquiéter du point de vue de la lutte antiterroriste. Donald Trump veut en effet faire contribuer les pays européens à leur défense, estimant que "beaucoup de ces pays ne paient pas ce qu'ils devraient".
Le président élu américain a aussi attaqué de front Angela Merkel, coupable selon lui d'"une erreur catastrophique" en accueillant "tous ces migrants illégaux". Le milliardaire a également assuré que le Brexit sera "un succès", annonçant vouloir conclure un accord commercial avec le Royaume-Uni "rapidement et dans les règles". Pour le nouveau président, "d’autres pays vont quitter" l’Union européenne. "Les peuples, les gens, veulent leur propre identité et le Royaume-Uni voulait sa propre identité", a-t-il assuré. Le pays est d'ailleurs l'un des seuls Etats européens à intéresser Donald Trump, qui souhaite conclure "rapidement" un accord commercial avec les sujets de sa Majesté. Le président américain regarde en effet ailleurs, notamment du côté de l'ex-ennemi russe, qu'il souhaite rapprocher de Washington. Vladimir Poutine, qui avait qualifié fin 2015 Trump "d'homme brillant et plein de talent", s'est dit prêt à restaurer ses relations avec les Etats-Unis.
"Il faudra discuter avec lui"
A Paris, le ton est tout autre. Les propos de Donald Trump ont fortement déplu et poussé François Hollande à réagir. Lundi 16 janvier, lors de la remise de la Légion d’honneur à l’ambassadrice américaine à Paris, Jane Hartley, le président de la République a affiché sa fermeté. "Je vous l’affirme ici : l’Europe sera toujours prête à poursuivre la coopération transatlantique, mais elle se déterminera en fonction de ses intérêts et de ses valeurs. Elle n’a pas besoin de conseils extérieurs pour lui dire ce qu’elle à à faire", a déclaré le chef de l'Etat, qui a également contredit le président élu américain en estimant que l’Alliance atlantique "ne sera obsolète que lorsque les menaces le seront devenues elles aussi".
Mais la diplomatie française en est bien consciente : ce n'est pas l'équipe Hollande qui discutera et négociera avec celle de Trump. Dans cinq mois, un nouveau chef de l'Etat entrera en fonction à l'Elysée et c'est avec lui et son équipe que devra se dessiner l'avenir des relations franco-américaines. En attendant, c'est un mélange de fermeté, de prudence et de main tendue qui domine dans les équipes de campagne. "Il faudra discuter avec lui, bien entendu", a ainsi jugé mardi sur France Inter Bruno Le Maire, chargé des questions internationales dans l'équipe de François Fillon. "Pour que nous discutions entre Etats européens et Etats-Unis, je pense qu’il faut un minimum de respect. Ce respect, je ne l’ai pas beaucoup vu dans l’interview de Donald Trump, dans laquelle il y a pas mal de confusions, mais attendons qu’il soit en place, attendons qu’il prenne ses décisions". Selon les informations de franceinfo, des contacts entre les équipes Trump et Fillon sont déjà en place.
"A ce stade, il n'y a pas encore de discussions ouvertes", assure de son côté à franceinfo Richard Ferrand, secrétaire général d'En Marche ! Quelques jours après l'élection de Donald Trump, Emmanuel Macron, avait lui aussi plaidé pour continuer à "travailler avec les Etats-Unis comme avec une puissance amie, qui compte au premier rang dans le concert des Nations". En déplacement à New York en décembre, le leader d'En Marche ! a également invité le président américain à venir en France : "Donald Trump a une vision lointaine de notre pays, comme beaucoup d'Américains. Je l'invite à venir constater comment la France se tient debout."
D'autres candidats se montrent en revanche plus enthousiastes. Début janvier, Jean-Luc Mélenchon expliquait sur France Inter qu'il se "réjouirait de traiter avec un homme pareil puisqu'il prétend se situer sur la base des intérêts des Nord-Américains". Mais, celle qui se félicite plus que tout autre candidat de la victoire de Donald Trump se trouve à l'extrême droite. "Clairement, la victoire de Donald Trump est une pierre supplémentaire dans l'émergence d'un nouveau monde, qui a pour vocation à remplacer un ordre ancien", avait déclaré Marine Le Pen le 13 novembre.
"L'inconnue est totale"
Du côté des milieux diplomatiques et des think tanks, on est loin de partager l'entrain de la présidente du FN. C'est plutôt la déception qui domine : le Trump candidat n'a pas cédé sa place à l'homme d'Etat. "On a cru que ses positions allaient s'atténuer, notamment avec les récentes nominations dans son administration, mais lorsqu'on regarde ses interviews ou sa conférence de presse, on constate que ce qu'il a dit dans sa campagne, il y croit et il le dit de manière claire", déplore Alexandra de Hoop Scheffer, politologue, spécialiste de la politique étrangère américaine et directrice à Paris du think tank transatlantique The German Marshall Fund of the United States (GMFUS). Cette dernière prédit "un vrai problème de cohérence de l'orientation de la politique étrangère entre le duo Matthis/Tillerson et Trump, qui continuera à tweeter et à dire des choses qui vont mettre à mal l'image des Etats-Unis dans le monde".
Autre préoccupation pour les diplomates : le peu de d'intérêt que porte Trump à l'Europe.
Il se pourrait bien que l'Europe soit quantité négligeable pour Trump
Marc Pierini, ancien diplomate de l'UE et chercheur à Carnegie Europeà franceinfo
L'ancien diplomate confie d'ailleurs que les discussions entre Européens et Américains ont été, pour l'instant, assez limitées. "Il y a très peu de choses qui se passent, il y a beaucoup de prudence, d'une part par courtoisie envers Obama et d'autre part par rapport au personnage. L'inconnue est totale, Trump s'est entouré de businessmen, donc peu connus des diplomates. Je ne doute pas que les ambassades soient au travail, mais on n'est pas encore dans une relation très suivie", révèle-t-il.
"Nous sommes les seuls alliés des Etats-Unis pour gérer les crises dans le monde"
Quelle position doivent alors adopter l'UE et la France face à Trump ? "Un front uni", répond Marc Pierini, pour qui "il n'y a pas d'autres solutions". Et cette unité doit passer, selon lui, par "un langage de fermeté" : "croire que l'on peut l'amadouer, c'est faire fausse route, le populisme repose sur un rapport de force". Mais, aujourd'hui, ce "front uni" n'existe pas. "La réponse de l'Europe est fragmentée puisqu'elle vient de différents pays. Or là, il faudrait une déclaration commune de l'ensemble des pays européens, peut-être via la voix de Jean-Claude Juncker (le président de la Commuission européenne)", note Alexandra de Hoop Scheffer, qui regrette que "la conjoncture intra-européenne paralyse" le vieux continent.
"Il faut revenir à une politique européenne forte, à des institutions qui jouent leur rôle, ce qui n'est pas forcément la logique aujourd'hui. Si l'esprit de coopération européenne ne revient pas au grand galop, alors on aura un gros problème", renchérit Marc Pierini. Alexandra de Hoop Scheffer veut, elle, croire à un scénario plus optimiste : "une fois véritablement rentré à la Maison Blanche, une fois briefé, Trump se rendra compte que, nous, les Européens, sommes les seuls alliés des Etats-Unis pour gérer les crises dans le monde. Il se rendra compte qu'il ne peut pas compter sur la Russie et la Chine".
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