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A Washington, la contre-inauguration des anti-Trump en colère vole la vedette aux fans du président

Dès l'aube, des manifestations se sont tenues dans le centre-ville de la capitale, avec un mot d'ordre : déranger. 

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Des manifestants anti-Trump, dans les rues de Washington, DC, vendredi 20 janvier 2017.  (MARIE-ADELAIDE SCIGACZ / FRANCEINFO)

Ils voulaient "perturber" l'investiture de Donald Trump et ils y sont parvenus. Vendredi 20 janvier, des milliers de militants anti-Trump, mobilisés à l'appel du collectif "DisruptJ20", ont donné le coup d'envoi de quatre années de "résistance" contre le nouveau président, dont il conteste l'élection. 

Organisés et déterminés, les opposants ont occupé la ville (et l'espace médiatique) tout au long de la journée. Une présence d'autant plus remarquée que les supporters de Donald Trump ne sont pas parvenus à remplir le Mall, l'esplanade nationale, comme l'avait fait Barack Obama en 2009.

Le jour n'était pas encore levé quand les premiers supporters de Donald Trump ont commencé à faire la queue aux nombreux accès à l'esplanade nationale. Traditionnellement, les détenteurs d'une accréditation peuvent suivre au plus près (enfin, "au moins loin") la cérémonie d'investiture de leur champion. Mais avant de s'installer face au Capitole, ils doivent passer un minutieux contrôle de sécurité. C'est à hauteur de ces portiques que les anti-Trump ont lancé leur journée de "disruption" (de "dérangement", en français).

Un message : "Pas mon président"

Bénévole sur les actions de la journée, Sarko, une chercheuse de 26 ans originaire de Washington DC, explique le concept : "L'objectif est de perturber chaque étape de l'investiture." Fervente opposante à la politique promise par Donald Trump, elle plaide pour un boycott de l'évènement, mais encourage aussi les anti-Trump à faire éclater leur colère alors que les caméras du monde entier sont braquées sur Washington. Rodés à l'exercice, les activistes qui occupent un checkpoint installé face à la cour de justice du district de Columbia, savent attirer l'attention. Au pied des marches, un groupe de jeunes Afro-Américains enchaînés les uns aux autres scandent : "Nous n'avons rien à perdre, si ce n'est nos chaînes."

Plus loin, d'autre se passent le mégaphone, et alternent les slogans. Ici, les revendications sont multiples : défenses des minorités sexuelles et religieuses, "Black Lives Matter" et discours pro-immigration se mêlent aux slogans anti-Trump ("Pas de Trump, pas de Ku Klu Klan, pas de fascisme aux Etats-Unis") et aux cris de ralliement ("Unis, le peuple ne peut être vaincu.")

A l'instar des pro-Trump attendus sur la pelouse, certains de ces manifestants ont fait des centaines de kilomètres pour participer à cette journée cruciale pour les deux camps. "C'est le début d'un combat parti pour durer quatre ans", confirme Doug, 45 ans, arrivé de Détroit, dans le Michigan, à huit heures de route de là. "Etre présent dès le premier jour, montrer que nous sommes nombreux, c'est important pour initier une dynamique et encourager ceux qui ne veulent pas de Trump à le faire savoir. Le monde doit lui dire qu'on ne lui fait pas confiance", poursuit-il.  

Un mode opératoire : la chaîne humaine

Aujourd'hui, la mission est claire : déranger. Surtout, empêcher, dans la mesure du possible, les supporters de Donald Trump d'accéder à l'esplanade. Pour ce faire, les militants maîtrisent une technique ancestrale : la chaîne humaine. Debout, au sol, voire les deux, des murs d'activistes se dressent entre les républicains et le lieu de la cérémonie. A ce checkpoint, la foule diverse - jeunes ou personnes âgées, femmes et hommes, Blancs, Noirs, Latinos ou Asiatiques - parvient à faire fermer le portique, dès 8h30 du matin. Les pro-Trump qui passaient devant les manifestants se retrouvent face aux chaînes humaines, infranchissables (ou presque). 

Ces "ennemis" du camp d'en face, les activistes ne les huent pas. A peine augmentent-ils le volume sonore de leurs chants anti-racistes à l'approche des "casquettes rouges". Des familles, équipées de poussettes et bardées de merchandising "Make America Great Again", se contentent de faire demi-tour, tandis que d'autres cherchent des renseignements auprès de manifestants. Rapidement, un groupe d'activistes se chargent de leur expliquer la situation, voire de les orienter vers un autre checkpoint, ouvert cette fois. Et ce jusqu'à la réouverture des portiques en fin de matinée, quelques minutes avant que Donald Trump ne prête serment. 

Les portiques qui n'ont pas été complètement bloqués ont été partiellement occupés. En résultent des scènes surréalistes, montrant des supporters de Trump faisant la queue avec ces opposants. Panneaux "Trump" et "Not my president", se mêlent ainsi dans la foule. Le tout dans un calme étonnant quand on se souvient de la violence de la campagne présidentielle. Parfois, la discussion s'engage et ces adversaires devenus voisins de queue échangent plutôt poliment leurs points de vue. Si quelques pro-Trump bousculent au passage des manifestants dans les rues de Washington, nous sommes loin des appels à la bagarre autrefois proférés par l'ex-candidat républicain lui-même. 

Enfin, les "dérangeurs" n'ont pas manqué de s'inviter à la traditionnelle parade organisée en l'honneur du nouveau président. Brandissant des pancartes, ils ont notamment sifflé des policiers en scandant "Black Lives Matter", en référence à la mort de nombreux Afro-Américains sous les coups des forces de l'ordre. 

Des débordements contre des symboles américains

Si les relations sont restées plutôt courtoises entre les pro et anti-Trump, bien forcés de coexister dans les rues de Washington, il n'en est pas de même pour les relations entre certains manifestants et la police. Dès la fin de matinée, peu avant la prestation de serment et le discours d'investiture de Donald Trump, un demi-millier de militants vêtus de noir, certains le visage masqué, ont détruit les vitrines d'une agence de la Bank of America, d'un restaurant McDonald's et d'une boutique Starbucks, autant de symboles du capitalisme américain. Pour les disperser, la police a fait usage de la force.

Mais c'est plus tard, pendant que la parade avançait sur Pennsylvania Avenue, que les heurts les plus violents ont éclaté, tout près de Franklin Square, point de ralliement des militants. Une vidéo, qui a circulé toute la soirée sur Twitter, montre des policiers de la ville viser des manifestants avec des gaz lacrymogènes. Parmi eux, une femme âgée et un homme qui se déplace à l'aide de béquilles. Ces mêmes images montrent enfin des manifestants casser des blocks de ciment afin d'en faire des projectiles. Ces incidents, faits d'un "petit groupe de manifestants" selon la maire de Washington, Muriel Bowser, ont conduit la police à procéder à 217 arrestations. Au moins deux policiers et un civil ont été conduits à l'hôpital, a rapporté CNN. 

Enfin, plusieurs véhicules ont été incendiés, dont un camion d'une chaîne de télévision et une limousine noire.

Après de nouveaux face à face tendus entre forces de l'ordre et manifestants, les anti-Trump se sont peu à peu dispersés, avant que ne commence une nouvelle nuit sous très haute sécurité dans la capitale américaine, quelques heures avant la Marche des femmes. Une nouvelle journée de "résistance" pour les opposants à Donald Trump, pendant laquelle ils n'auront pas à partager la rue avec les supporters du milliardaire. 

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