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Les MOOCs : vont-ils révolutionner les universités ?

Plus de trois millions d'étudiants peuvent suivre les cours de Stanford, de Harvard ou du Massachusetts Institue of Technology (MIT). Pour cela, ces universités, extrêmement chères, n'ont pas agrandi leur campus mais ont mis leurs cours sur Internet. Grâce aux MOOCs, tout le monde peut suivre leurs enseignements. Une révolution en marche pour les universités.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Etudiants devant l'Université américaine de Harvard. (AFP/Chuck Pefley / TIPS / Photononstop)

Grâce à internet, suivre un cours et même obtenir un diplôme sans sortir de chez soi est désormais possible. En France, l'Ecole Centrale de Lille vient d'annoncer qu'elle mettait ses cours en ligne. Ce n’est pas une première en France (l'Essec comme Polytechnique le font aussi), même si le pays est en retard. Cette mise à disposition des enseignements s’inscrit dans un mouvement venu des Etats-Unis. Un mouvement qui porte le joli nom de MOOC (Massive Open Online Cours ; cours en ligne gratuit).

Le développement d'Internet et de ses débits rend très facile la diffusion de cours en vidéo que l'on peut suivre n'importe où. Regarder des cours de professeurs de Harvard, Stanford, ou du Polytechnicum de Lausanne (en français pour cette dernière), est désormais un jeu d'enfant.


Environ 75 universités, parmi les plus célèbres, diffusent gratuitement leurs cours sur internet grâce à plusieurs plateformes, comme Coursera, edX, ou Futurelearn, pour la Grande-Bretagne.

Desmillions d'étudiants inscrits
«Gratuits et facilement accessibles, les MOOCs offrent à un grand nombre d'étudiants la chance de suivre des cours de hauts niveaux avec de prestigieuses universités», explique l'une de ces plateformes. Celles-ci affichent sur leur «une» le nom des prestigieuses universités dont elles offrent les cours. Anglo-saxonnes pour la plupart. «Suivez 331 cours, de 62 universités», vante fièrement Coursera.

Le changement d'échelle est impressionnant : «Andrew Ng est professeur d’Intelligence Artificielle à Stanford. Chaque année, 400 étudiants bénéficiaient de son enseignement. Désormais, ils sont 100.000 à suivre son cours sur Coursera», détaille Le Figaro. «En restant dans sa salle de classe, il aurait eu besoin de 250 années d’enseignements pour parvenir à ce résultat ! ».

Il faut dire que plus de trois millions de personnes sont inscrites sur cette plateforme. Sur la très chic edX (qui regroupe Harvard et le MIT, les deux universités star de Cambridge, à côté de Boston, aux USA), ce sont plus de 400.000 étudiants qui sont enregistrés. «Ca a pris tout le monde par surprise», reconnaissait dans le New York Times un des créateurs de la plateforme à but non lucratif.

C’est en 2012 qu’a vraiment explosé le phénomène, avec la multiplication des plateformes et l’adhésion massive de toutes les grandes universités américaines. La preuve, Coursera n’avait «que» 680.000 étudiants inscrits en juin 2012… Près de 400% de progression en moins d'un an.


Des diplômes en ligne
«Le changement le plus important, c'est dans les MOOCs certifiant, qu'il faut le chercher», nous dit Emmanuel Davidenkoff, directeur de la rédaction de l'Etudiant et chroniqueur sur France Info. La mise en ligne de simples cours (les poly) existent en effet depuis plus de 10 ans.

Coursera, EdX et les autres ne se contentent plus de donner accès aux enseignements. Elles affichent la possibilité d'obtenir des diplômes. Pas ceux des grandes universités certes. «La mise en ligne de cours gratuitement ce n'est pas nouveau, en revanche l'évaluation et la certification, c'est une vraie nouveauté», précise Emmanuel Davidenkoff.

«S'il va jusqu'au bout du cours, l'étudiant de MOOC obtiendra non pas un diplôme de Princeton ni même les crédits qu'il aurait obtenus s'il avait suivi le même cours sur le campus, mais un certificat délivré par Coursera. Les cours sont gratuits, mais l'obtention du certificat est payante», précise Sylvie Kauffmann la correspondante du Monde aux Etats-Unis.

Cours gratuits, mais certifications payantes. On voit ainsi naître à travers ces plateformes une nouvelle économie du monde de la connaissance et de l'enseignement. Surtout que ces plateformes enregistrent des données sur les étudiants qu'elles peuvent ensuite exploiter commercialement. «Ces plateformes créent une véritable économie. Elles peuvent ainsi vendre les informations qu'elles ont recueillies sur leurs étudiants, soit à des employeurs qui recherchent des personnes spécialisées, soit à des écoles qui cherchent des étudiants intéressés par certains programmes», analyse Emmanuel Davidenkoff.

Nouvelle pédagogie
A nouvelle technologie, nouvelle façon d'enseigner. Ces plateformes de diffusion en accès libre servent aussi de laboratoire pour améliorer la technologie et tester ce qui sera la pédagogie de demain: «Etre assis dans un amphi pour écouter religieusement un professeur n’est pas très gratifiant, et ce n’est pas de cette façon que les étudiants veulent apprendre, en particulier cette génération», explique Daphne Koller, co-fondatrice de Coursera, rappelle Le Figaro. Ce succès réjouit John Hennessy, président de Stanford, pour qui les amphis «ne constituent pas un bon environnement pour apprendre».


Fort de cette réflexion, sur Kahn Académy, le principe est de mettre en ligne des vidéos courtes ─ elles sont au nombre de 4000 ─ afin de faciliter l'écoute. A côté des cours, des systèmes de contrôle et d'évaluation sont mis en place grâce à l'utilisation de signature électronique.

La nouvelle école pour développeurs créée par Xavier Niel ne s'y trompe pas puisque la «pédagogie se fera avec une notion de "peer-to-peer learning" permettant aux étudiants de s'évaluer entre eux», explique Nicolas Sadirac, l'un des responsables de cette formation.

Avec ce nouveau type de cours, «les enseignants chercheurs vont faire plus de recherche que de cours et passeront plus de temps avec leurs étudiants», note M.Davidenkoff. Les étudiants ne restent théoriquement pas seuls face à leur écran. Un univers interactif les accompagne grâce à des forums ou des blogs, créant un véritable réseau entre élèves.

Domination américaine ?
A ceux qui craignent que les grandes universités imposent leur marque préstigieuse dans le monde entier grâce à cette dématérialisation et mondialisation grâce à Internet, le patron de l'Etudiant précise que les «MOOCs ne vont pas changer immédiatement la structure des Universités et des grandes écoles dans le monde. Tout le monde n'a pas le niveau pour suivre un cours de Stanford». Il n'empêche que pour l'instant certains pays affichent un grand retard dans ce domaine, comme la France. Le journal The Guardian s'interrogeait d'ailleurs sur la nécessité de créer une plateforme de MOOC en Europe. Un article que l'on peut retrouver sur le site de l'université de... Stanford.

Les MOOCs n'en sont qu'à leur début. Nul ne sait encore quels seront les conséquences de cette révolution sur les universités. Pour le Dr Stavens, un des responsables de la plateforme Udacity, cité par le New York Times, le changement ne fait que commencer : «Nous sommes à seulement 5 à 10 pour cent du chemin.»

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