Les Etats-Unis deviennent exportateurs de pétrole, mais pour combien de temps ?
Les Etats-Unis sont devenus des exportateurs net de pétrole à force de lourds investissements, possible grâce à la hausse des prix du brut. Ces investissements ont permis le développement des «hydrocarbures non conventionnels», c'est-à-dire les huiles provenant de schistes bitumineux.
Grâce au boom de l'exploitation du pétrole de schiste (notamment dans le Dakota du Nord et le Texas, mais aussi grâce à la production des liquides associés au gaz de schiste dans le nord-est du pays), les Etats-Unis pourraient doubler des producteurs tels que la Russie et l'Arabie Saoudite et ce, dès le deuxième trimestre de l'année 2014, selon l'Agence Internationale de l'Energie.
Un vrai changement pour les Etats-Unis qui étaient devenus importateurs de pétrole à la fin des années 40. «C'est une grande affaire, c'est un progrès énorme sur la voie de l'indépendance énergétique des Etats-Unis», s'est félicité Barack Obama.
Bonne nouvelle pour les industries traditionnelles (on est, à première vue, loin de la crainte du «peak oil» d'il y a quelques années), cette modification dans la géographie de production mondiale du pétrole, qui s'ajoute à la production des gaz de schistes, provoque de nombreuses conséquences, tant économiques que politiques.
Sur le marché mondial du pétrole, l’Agence de l’énergie (AIE) constate que l’Opep perd de son importance stratégique en raison des productions venant d’autres pays ─ non membres ─ et donc notamment des Etats-Unis. Cela peut jouer sur le rôle des Etats-Unis dans la région arabo-persique et l’importance stratégique de cette région. «La révolution du schiste en Amérique du Nord» pourrait réduire la demande sur les produits pétroliers après avoir détourné de la consommation du charbon, notait déjà le FMI avant le rapport de l'AIE. «Les producteurs du Golfe vont être affectés à court terme plutôt qu'à moyen terme», estime de son côté l'expert pétrolier koweïtien, Kamil Harami.
Et aussi économiques...
Les pays disposant d’une énergie meilleure marché bénéficient en effet d’un indéniable avantage compétitif dans certains secteurs, notamment ceux gourmands en énergie (chimie notamment). Après la révolution des énergies de schiste, «nous observons aujourd'hui une disparité majeure entre les Etats-Unis et le reste du monde : au Japon, les prix du gaz sont jusqu'à cinq fois plus élevés qu'aux Etats-Unis et trois fois plus élevés en Europe», a souligné Fatih Birol, chef économiste de l'AIE. «Une énorme différence» qui pose «un problème structurel pour ces pays». Mais cette révolution pose aussi des problèmes aux pays producteurs. Un pays comme la Russie, notamment. «La révolution du schiste pourrait bien devenir un danger pour le marché russe», note d’ailleurs une analyste russe dans La Russie aujourd’hui. En investissant dans les nouvelles technologies, les Américains ont effectué une percée et se trouvent à présent sur la voie de l'indépendance énergétique.
Cette modification de la production énergétique provoque des conséquences en chaîne. Ainsi, l'économie mondiale du charbon a changé. Le charbon américain, désormais boudé par les électriciens d'outre-Atlantique qui préfèrent utiliser du gaz de schiste meilleur marché, est du coup exporté à bas prix en Europe et en Asie.
Mais, car il y a un mais, ce boom du pétrole non conventionnel, qui s’ajoute à une forte production de gaz de schiste, ne devrait pas être éternel et l’Agence internationale de l’énergie estime que cette production de pétrole de schiste devrait reculer dès 2020.
«Dès les prochaines années, les Etats-Unis devront donc recommencer à importer des énergies fossiles, et notamment du gaz, malgré les données actuelles. A moins que la course à l'Arctique et ses supposées "inépuisables" ressources d'hydrocarbures ne viennent là encore redessiner la carte géostratégique, et l'illusoire indépendance énergétique des Etats-Unis pourrait alors devenir réalité», écrit Benjamin Tissaire dans une tribune des Echos.
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