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Les élections américaines vues de... Berlin

Après une couverture médiatique timide, la presse prend le train de l'élection en marche. A la lecture régulière des journaux, le premier constat fait apparaître que l'Allemagne, champion économique européen, ne souffre d'aucun complexe face au géant américain. Les articles dressent un inventaire alarmiste d'un pays en cour de guérison mais toujours souffrant.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
La chancelière Angela Merkel et le président Barack Obama lors du G20 à Cannes, le 4 novembre 2011. (AFP - JIM WATSON)

«Ben Laden est mort et General Motors est vivant». Le slogan des pro-Obama sonne bien, mais il ne convainc pas tout le monde de ce côté du Rhin. A l'heure des comptes, on scrute froidement les bilans. L'administration ? A moderniser. Le système éducatif ? A changer. Idem pour la santé.

Les beaux jours sont terminés
Le journal Spiegel s'alarme même de la fiscalité jugée «inadaptée» par rapport à l'état réel du pays. «Le système actuel demeure établi sur les bases d'une économie puissante avec une croissance constante». Une économie puissante mais qui n’est plus dominante. L'Amérique vivrait donc au-dessus de ses moyens.

On retrouve les mêmes mises en garde qui, depuis deux ans, visent les pays du sud de l'Europe avec les mots qui fâchent : déficit budgétaire, réformes structurelles… En matière d'économie, l'Allemagne ne veut pas recevoir de leçon. D’où les tensions récurrentes entre Berlin et Washington sur la crise de l’euro. En juin dernier, le ministre des Finances Wolfgang Schäuble avait même conseillé au président américain de balayer devant sa porte avant de porter un jugement sur le règlement de la dette dans les pays européens.

Les sans-abris, les sans-couverture sociale, voire les sans-éducation sont aujourd'hui légions aux Etats-Unis. Obama en a t-il fait assez ? Non. Romney peut-il mieux faire ? Certainement pas. Vu de Berlin, l'Amérique a moins besoin d'un nouveau président que d'un plan nouveau face à la crise, une sorte de New Deal contemporain comme le fut jadis l'Agenda 2010 de Gerhard Schröder.

Mitt Romney en campagne à Fishersville (Virginie) le 4 octobre 2012 (AFP - Jewel Samad )
 

Sur le papier, le candidat républicain Mitt Romney prône pourtant un politique budgétaire d'austérité qui devrait plaire à la chancelière Angela Merkel mais la presse ne croit pas à l’instauration d’une future régulation financière, Romney étant soutenu pendant sa campagne par les milieux bancaires. Enfin, petit détail qui ne passe pas inaperçu, une partie de la presse allemande considère que le candidat républicain néglige le changement climatique. En Allemagne, où la sortie du nucléaire est en marche, les questions d’environnement dépassent les clivages politiques. Ne pas les aborder de front ou minimiser le problème passe pour une erreur politique.

Mais dans la liste des griefs visant le président sortant, la politique étrangère au Moyen-Orient demeure un échec constaté par tous et «une ruine», comme l’a écrit Die Welt. Après les violences ayant visé les ambassades américaines et allemandes, les journaux ont rappelé l'espoir suscité par le discours du Caire de Barack Obama au début de son mandat. Jamais un président américain n'avait tendu si loin la main en direction du monde arabe. Aujourd’hui, la déception est très grande. La politique étrangère de Mitt Romney ne rassure guère les éditorialistes allemands qui la considèrent «trop agressive».

«Qui veut d'un amateur à la Maison Blanche ?»
Selon le journal Focus, 90% des Allemands apprécient la «cool attitude» du président sortant, pédagogue et conciliant, le plus «européen» dans son style de gouvernance. «Il pourrait gouverner à Paris ou à Berlin», ose un politologue. Sur la forme, le charme opère.

Mitt Romney ? «Qui veut d'un amateur à la Maison Blanche ?», a récemment titré Die Welt en référence aux fameux «47% d'assistés qui votent Obama». Pour les Allemands, la politique est une affaire sérieuse. La presse conservatrice ne peut que constater les dégâts, rappelle qu’il faut compter sur les futurs débats mais on ne se tire pas une balle dans le pied quand on vise la Maison Blanche.

En 2008, Angela Merkel avait refusé à Barack Obama la porte de Brandebourg. A l'époque, il n'était que candidat et la chancelière ne voulait pas lui faciliter la tâche. 200.000 Berlinois avaient pourtant fait le déplacement quelques centaines de mètres plus loin pour écouter leur champion, faisant un pied de nez à leur dirigeante.

Combien seront-ils si Mitt Romney passe par la capitale allemande ? Personne ne répond à cette question.

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