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"Shutdown" évité aux Etats-Unis : cinq questions pour comprendre ce qu'il s'est passé et la suite des événements

Le vote du budget des administrations américaines a été reporté à la mi-novembre, afin d'éviter de paralyser le pays.
Article rédigé par franceinfo
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Le Capitole de Washington (Etats-Unis), où siège le Congrès américain, le 9 janvier 2023. (MANDEL NGAN / AFP)

Soulagement aux Etats-Unis. Le Congrès américain a voté, samedi 30 septembre, une mesure d'urgence permettant à l'administration fédérale d'être financée pour encore 45 jours, le temps de trouver un accord sur le budget. Sans cela, le pays aurait subi un "shutdown", c'est-à-dire une paralysie des ministères et de nombreux services publics, faute de financements. 

Ce report, validé à trois heures seulement de la date limite, a permis "d'éviter une crise inutile, qui aurait infligé des souffrances inutiles à des millions d'Américains", s'est félicité le président américain, Joe Biden. Que contient cet accord temporaire ? Et quelles conséquences le "shutdown" peut-il avoir sur la vie des Américains ? Franceinfo répond à cinq questions sur ce blocage national, qui a eu lieu dix fois aux Etats-Unis depuis les années 1980.

1Concrètement, c'est quoi le "shutdown" ?

Le "shutdown", c'est la fermeture, totale ou partielle, de l'administration fédérale américaine à cause d'un désaccord du Congrès sur le budget. Aux Etats-Unis, certains services publics sont financés par les Etats, mais d'autres dépendent du pouvoir central. Chaque année, le Sénat et la Chambre des représentants, qui composent le Congrès, sont appelés à voter pour décider des fonds alloués à ces services fédéraux.

S'ils ne s'entendent pas avant la date limite qui leur est fixée, le gouvernement américain se retrouve à court d'argent et n'a pas d'autre choix que d'interrompre plusieurs de ces services. La Constitution américaine lui impose cette cessation d'activité, tant qu'un consensus n'a pas été trouvé.

Les conséquences sont nombreuses et bien visibles : 1,5 million de fonctionnaires se retrouvent alors sans salaire, tous les parcs nationaux du pays ferment leurs portes, le trafic aérien fonctionne au ralenti… En 2019, un fabricant de bière avait porté plainte contre le gouvernement, car le "shutdown" empêchait la vente de ses boissons, faute de bureau ouvert pour approuver son produit. 

2Comment le blocage a-t-il été évité ?

Voyant l'échéance du 30 septembre approcher, le président républicain de la Chambre des représentants, Kevin McCarthy, a proposé un ultime compromis : une loi de financement d'urgence de l'Etat pour 45 jours, prévoyant des fonds pour répondre aux catastrophes naturelles. Il exclut cependant une aide promise par le président démocrate Joe Biden à l'Ukraine et des dispositions relatives aux contrôles des frontières, chères à la frange dure des républicains. Adopté avec 335 oui (91 non) à la Chambre, le texte a été ensuite approuvé par 88 sénateurs contre 9.

Cette législation maintient donc les dépenses courantes du gouvernement, le temps que "le Congrès se [remette] correctement au travail", a commenté Kevin McCarthy sur X (ex-Twitter). Une manière de donner la priorité aux Américains, qui auraient pu mal accueillir l'idée de subir un "shutdown" à cause de désaccords liés à la guerre en Ukraine. Mais le coup du speaker républicain, qui a ainsi fâché la partie de son camp opposée à tout compromis avec les démocrates, pourrait lui coûter son poste.

3Cet accord met-il un terme à l'aide américaine à l'Ukraine ?

Temporairement, les Etats-Unis n'aident plus l'Ukraine. Jusqu'à présent, le Congrès a approuvé environ 113 milliards de dollars (environ 106,7 milliards d'euros) d'aides à Kiev, selon CNN. La loi de financement d'urgence votée samedi exclut une nouvelle enveloppe d'aide de quelque 24 milliards de dollars (22,7 milliards d'euros), qui figurait dans le budget sur lequel les démocrates et les républicains ne sont pas parvenus à s'accorder au Congrès. Celle-ci est donc bloquée.

"Nous ne pouvons en aucune circonstance permettre l'interruption de l'aide américaine", a prévenu Joe Biden dans un communiqué diffusé par la Maison Blanche dans la soirée. "Je m'attends à ce que le président de la Chambre [Kevin McCarthy] respecte son engagement envers le peuple ukrainien et garantisse l'adoption du soutien nécessaire pour aider l'Ukraine en ce moment critique", a ajouté le président américain. D'autant que dix jours plus tôt, le président ukrainien Volodymyr Zelensky venait plaider sa cause au Capitole.

Mais l'aide à l'Ukraine divise de plus en plus la classe politique américaine, notamment chez les républicains, majoritaires au Congrès"Ce que la Russie a fait est mal. Mais je pense que quoi que nous fassions, il faut que nous définissions ce qu'une victoire veut dire et ce que le plan doit être", a ainsi récemment déclaré Kevin McCarthy. Une poignée d'élus républicains trumpistes refuse de débloquer une quelconque nouvelle aide à Kiev, estimant que ces fonds devraient être alloués à la gestion de ce que les républicains qualifient de "crise migratoire" à la frontière avec le Mexique.

4Que va-t-il se passer au bout des 45 jours de délai ?

Les discussions vont reprendre dès lundi au Capitole, qui abrite les deux chambres du Congrès. Maintenant que l'urgence est assurée, les parlementaires américains ont six semaines pour se mettre d'accord sur un budget de long terme, sur fond de tensions dans le camp républicain. Ces discussions s'annoncent tout aussi difficiles que lors du premier round. Singulièrement pour Kevin McCarthy, qui pourrait se retrouver visé par une motion contre lui, venue des partisans de l'ancien président Donald Trump.

Les deux sujets d'achoppement vont revenir sur la table : la sécurité aux frontières, portée par les républicains, et l'aide à l'Ukraine, souhaitée par les démocrates. Si un consensus n'est pas trouvé avant le 17 novembre, et qu'aucune nouvelle loi d'urgence n'est votée, le "shutdown" sera inévitable.

5 Les "shutdowns" sont-ils fréquents ?

On dénombre pas moins de dix situations de blocage de l'administration fédérale depuis les années 1980, lorsque les premiers "shutdowns" sont apparus. L'ancien président Ronald Reagan détient le record en la matière, avec huit "shutdowns" survenus durant ses deux mandats, rappelle le Washington Post

La durée de ces blocages est variable : 21 jours à la fin de l'année 1995 sous l'administration de Bill Clinton, 16 jours en 2013 alors que Barack Obama était président… Avec 35 jours d'immobilisation, la plus longue période de "shutdown" a eu lieu sous Donald Trump, en 2019. A l'époque, les élus démocrates refusaient catégoriquement de voter le financement du mur voulu par Trump à la frontière mexicaine. D'après une étude du Congrès, citée par Bloomberg, ce blocage avait fait perdre 3 milliards de dollars à l'économie américaine.

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