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Etats-Unis: pourquoi Hillary Clinton est si impopulaire
Hillary Clinton représentera les démocrates dans la course à la Maison Blanche. Mais son impopularité chronique reste un handicap majeur dans un exercice où la personnalité fait souvent la différence. Les raisons du désamour entre Hillary Clinton et ses concitoyens sont multiples.
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Hillary Clinton en a pleinement conscience. La candidate démocrate à la présidentielle américaine sait qu'elle a mauvaise presse auprès de ses compatriotes. «Beaucoup de personnes disent aux sondeurs qu’ils ne me font pas confiance», déclarait-elle fin juin 2016 en marge de la convention annuelle de la fondation du révérend Jesse Jackson, Rainbow Push. D’après un sondage The Washington Post-ABC publié à la mi-juillet 2016, 54% des concitoyens d’Hillary Clinton ont une opinion «défavorable» d’elle et 44% une opinion «très défavorable».
Les responsables de sa campagne n’en ont pas fait pas mystère. Le but affiché de la convention démocrate, qui s’est ouverte le 25 juillet 2016, est de l’aider à régler ce problème. «C’est vrai, reconnaissait-elle fin juin 2016 en faisant allusion à son impopularité, que j’ai certainement fait des erreurs. Je ne connais personne qui n’en fait pas».
Un très encombrant serveur privé
En tête de ses récentes «erreurs», l’emailgate. Alors qu’elle est à la tête de la diplomatie américaine (2009-2013), Hillary Clinton utilise son mail personnel pour traiter des affaires de l’Etat. Le 5 juillet 2016, le rapport de la police fédérale américaine FBI a fini par conclure qu'il y a eu «négligence extrême» mais pas matière à poursuivre la candidate démocrate à la présidentielle.
La décision de la police fédérale américaine est un soulagement pour la candidate. Néanmoins, elle la dessert. Car elle renforce l’idée d'une Hillary Clinton au-dessus des lois. «Il existe une inquiétude légitime quant à un système de deux poids, deux mesures. Les gens se disent que s'ils ne portent pas le nom de Clinton et qu'ils ne font pas partie de la puissante élite, alors la Justice agira différemment à leur égard», a estimé le 7 juillet 2016 l'élu républicain Jason Chaffetz.
Elite
La majorité des Américains pensent comme lui. Selon un sondage Associated Press-Gfk, 56% estiment que la sénatrice démocrate a contrevenu à la loi. Pis: 31% des démocrates pensent comme la plupart de leurs compatriotes, d'après une enquête The Washington Post-ABC. Comme pour leur donner raison, le département d'Etat américain a indiqué le 7 juillet 2016 qu’elle rouvrirait son enquête interne.
Pour de nombreux Américains, Hillary Clinton fait partie de l’Establishment et jouit des privilèges inhérents. Et la rencontre sur un tarmac, à la veille de la remise du rapport du FBI sur l'emailgate, entre son ancien président de mari Bill Clinton et la ministre de la Justice Loretta Lynch, qui s'était engagée à suivre les recommandations de la police fédérale, a nourri la controverse. «La rencontre entre Bill (et Loretta Lynch) a probablement été amorcée et voulue par Hillary !», a tweeté le 8 juillet 2016 Donald Trump, son adversaire républicain à la présidentielle de novembre 2016.
Les donateurs étrangers de la Fondation Clinton
La Fondation Clinton, créée par l’ancien président américain, n’arrange rien à la perception que ses concitoyens ont d’Hillary Clinton. En cause, la provenance des ressources d’une organisation dont les donateurs sont des particuliers, entreprises ou des Etats étrangers. Depuis sa nomination à la tête du Département d'Etat, la menace du conflit d’intérêt plane.
L’hypothèse est largement nourrie, notamment par le livre de Peter Schweizer, Clinton Cash paru en juin 2016. «Les Clinton ont créé un système qui permet à des entités étrangères de leur donner de fortes sommes d’argent, soit via la fondation caritative, soit directement dans leurs poches sous la forme de rétribution pour les discours», confiait-il à l’AFP.
En réponse à ses accusations, l’entourage d’Hillary Clinton a mis en avant les liens de Peter Schweizer avec les milieux conservateurs et l’absence de preuves tangibles pour corroborer ses allégations. Des accusations qui ont été reprises par son ancien rival démocrate Bernie Sanders pendant la campagne pour l’investiture démocrate.
Une «culture du secret»
Donald Trump a trouvé, lui, dans la culture du secret que l'on prête à Hillary Clinton un inépuisable fonds de commerce que la démocrate alimente malgré elle. En juin 2016, il la traitera de «menteuse de classe internationale» en faisant allusion, entre autres à ses déclarations dans l'affaire des e-mails.
Hillary Clinton se défend indirectement quelques jours plus tard. «La raison pour laquelle je donne l'impression de faire attention à ce que je dis, ce n'est pas parce que je cache quelque chose, mais parce que je fais attention à mes propos (car) je crois que les mots ont leur importance. C'est vrai dans la vie de tous les jours et plus particulièrement quand on est président», expliquait-elle fin juin 2016.
Il a fallu les enquêtes parlementaires, effectuées dans le cadre du dossier Benghazi, pour mettre au jour l’utilisation par la secrétaire d'Etat d’un serveur privé pour envoyer ses emails au lieu d'un compte gouvernemental.
La commission du Congrès américain, dominée par les républicains, enquête sur sa gestion de l’attaque par des extrémistes de la mission américaine (enceinte diplomatique américaine et annexe de la CIA située à proximité) le 11 septembre 2012 à Benghazi, en Libye. Elle a fait quatre victimes dont l’ambassadeur Christopher Stevens. Les élus américains cherchent alors à connaître la teneur de ses échanges avec ses collaborateurs quand ils découvrent qu'elle fait usage d'une adresse électronique personnelle.
Le rapport de la commission, publié fin juin 2016, fait état d'une erreur d’appréciation de la menace terroriste en Libye mais n’incrimine pas outre-mesure l’ancienne chef de la diplomatie américaine. Cependant, l'enquête a laissé des traces. Ces échanges électroniques démontrent, entre autres, qu'elle a menti à l'opinion publique américaine en incriminant une vidéo anti-musulmane (la bande-annonce du film L'Innocence des musulmans) alors qu'elle savait que l'attaque était d'origine terroriste.
.What Secretary Clinton told Egypt's Prime Minister the day after the #Benghazi attack: https://t.co/7J6OY7yUSF pic.twitter.com/UJYU9ayz9f
— Benghazi Committee (@HouseBenghazi) October 23, 2015
Nouvel «emailgate»
Les courriels ne semblent pas réussir à Hillary Clinton. A la veille de la convention, un nouvel «emailgate» a fait son apparition. L’ONG Wikileaks a publié le 22 juillet près de 20 000 e-mails qui montrent comment le parti a favorisé la campagne d’Hillary Clinton, au détriment de celle de Bernie Sanders. Ces révélations ont conduit à la démission de la directrice du Comité national démocrate (DNC) américain, Debbie Wasserman Shultz. Les démocrates soupçonnent les autorités russes d’être liées aux pirates qui ont dérobé ces documents.
La question de l'impopularité est également une problématique cruciale pour Donald Trump. Dans l’histoire récente des Etats-Unis, c’est la première fois que les deux candidats à la Maison Blanche sont aussi impopulaires. Les Américains leur préfèrent même le président russe Vladimir Poutine, selon le sondage publié par The Wall Street Journal en mai 2016.
Autre problème pour Hillary Clinton : son inaccessibilté, tant ses sorties et déclarations sont encadrées - même les journalistes qui suivent sa campagne s'en plaignent - renforcent les préjugés autour de sa personne.
Cependant Hillary Clinton a aussi une théorie sur sa popularité: «Quand je suis en activité, je suis créditée des plus hauts taux d'opinions favorables», confiait-elle au site d'informations américain Vox. «J'ai été réélue avec 67% des suffrages quand j'étais sénatrice, poursuit la candidate démocrate. Quand j'étais secrétaire d'Etat, j'avais 66% d'opinions favorables. Mais dès que je suis candidate à un poste, le discrédit fait son retour et les attaques reprennent».
Entourée de gens si populaires...
En attendant, c'est une armada qui est déployée par la convention démocrate pour tenter de combler le fossé de confiance qui la sépare des Américains. En premier lieu, Bernie Sanders qui pourrait lui rallier les femmes, qui ne semblent pas avoir une préférence naturelle pour dame Clinton, et surtout les jeunes.
La première dame Michelle Obama et ses 60% d'opinions favorables, qui a rappelé le caractère historique de la candidature d'Hillary Clinton en tant que femme lors de l'ouverture de la convention démocrate le 25 juillet 2016, puis Barack Obama, dont la populartité avoisine les 50%, et enfin Bill Clinton et ses records historiques de popularité viennent compléter l'escouade. Le Bureau ovale revient, selon les analystes américains, généralement au plus populaire des candidats à la Maison Blanche.
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