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Ferguson, quadrillée par plus de 2 000 militaires, s'apprête à vivre une nuit sous tension

Les autorités souhaitent éviter une nouvelle nuit d'émeutes après la décision d'un jury populaire de ne pas poursuivre le policier blanc qui avait tué un jeune Noir.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Des membres de la garde nationale américaine protègent le commissariat de Ferguson (Missouri, Etats-Unis), le 25 novembre 2014.  (SCOTT OLSON / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP )

La tension régne à Ferguson (Missouri, aux Etats-Unis), quadrillée dans la soirée du mardi 24 novembre par trois fois plus de militaires que la veille. Le but : éviter une nouvelle nuit d'émeutes après la décision d'un jury populaire de ne pas poursuivre le policier blanc qui avait tué un jeune Noir.

En tout, quelques 2 200 membres de la garde nationale vont être déployés devant les maisons, les commerces et une centaine de lieux-clés, a annoncé le gouverneur du Missouri, Jay Nixon. "Les vies et les biens doivent être protégés. Cette communauté mérite la paix", a-t-il déclaré, expliquant que les militaires prêteraient main forte aux policiers et "seraient prêts à agir rapidement" pour éviter de "répéter le désastre d'hier soir".

La décision annoncée lundi soir de ne pas poursuivre le policier Darren Wilson, qui a tué le 9 août dernier Michael Brown, un Noir qui ne portait pas d'arme, a enflammé les rues de cette banlieue de Saint Louis, où de nombreux commerces autour du poste de police ont été pillés et incendiés. Plus tôt dans l'après-midi, le chef de la police de Saint Louis avait annoncé "une présence policière très importante". "Quand les méfaits reprendront vous verrez une intervention bien plus rapide qu'hier soir".

 

Un véhicule de la garde nationale américaine stationné près d'une route barrée pour éviter de nouvelles de émeutes à Ferguson (Missouri, Etats-Unis), le 25 novembre 2014.  (MICHAEL B. THOMAS / AFP)

De "nouvelles lois et le respect de la loi pour tous" pour rendre hommage à Michael Brown

Le leader des droits civiques Al Sharpton a multiplié mardi les appels au calme. "Ce ne sont pas les cendres des bâtiments en feu de Ferguson qui doivent entretenir la mémoire de Michael Brown. C'est par de nouvelles lois et le respect de la loi pour tous les citoyens qu'on doit lui rendre hommage". A ses côtés, l'avocat de la famille du jeune Noir a dénoncé "un système [judiciaire] cassé". "C'est tout le système qui devrait être mis en accusation", a lancé Benjamin Crump lors d'une réunion publique. 

"On pouvait prévoir ce qui allait arriver", a-t-il ajouté dénonçant les "relations de proximité" entre le procureur - dont le père policier a été tué par un Noir - et la police de Saint Louis. Et "c'est exactement ce qui est arrivé", a-t-il ajouté avant de pointer des contradictions dans le témoignage du policier. "A quel moment sa crédibilité a-t-elle été passée au crible ?", s'est insurgé l'avocat de la famille du jeune Michael Brown, en déplorant que le policier n'ait subi aucun contre-interrogatoire.

Le Sénat organise une audition sur la situation des droits civiques aux Etats-Unis

Après trois mois de délibérations, le grand jury a conclu lundi que le policier Wilson avait agi en état de légitime défense en tirant douze coups en direction de Michael Brown, qui l'avait d'abord frappé au visage avant de prendre la fuite. Fait inhabituel: le procureur a rendu public tout le dossier de l'instruction. "A un moment, il s'est arrêté, s'est retourné et m'a regardé, a poussé un grognement et avait le visage le plus agressif que j'ai jamais vu sur une personne", a raconté le policier Wilson, interrogé par la police au lendemain des faits. "Il a fait un bond (...) et a couru vers moi" en glissant "sa main droite sous son t-shirt et dans sa ceinture de pantalon. J'ai de nouveau tiré".

Le policier, qui est toujours en congé administratif, n'est cependant pas à l'abri de toute poursuite. Le ministre de la Justice Eric Holder a rappelé mardi soir que deux enquêtes fédérales étaient en cours et promis des conclusions rapides "pour rétablir la confiance" entre la police et la communauté noire. Le Sénat de son côté va organiser le 9 décembre une audition sur la situation des droits civiques aux Etats-Unis.

 

Un homme nettoie les débris de baies vitrées fracassées, à Dellwood. Barack Obama et les parents de Michael Brown avaient appelé au calme, lundi, avant l'annonce de la décision du grand jury. (JUSTIN SULLIVAN / GETTY IMAGES NORTH AMERICA)

Silence surnaturel à Ferguson mardi

L'avocat de la victime a déploré que "dans toute l'Amérique, à New York, à Los Angeles, en Californie, à Cleveland, les jeunes garçons de couleur sont tués par les policiers". La famille de Michael Brown, "profondément déçue" par la décision du grand jury, avait lancé un appel au calme lundi soir mais la situation a rapidement dégénéré dans la nuit à Ferguson. Des manifestants ont lancé des pierres, des cocktails molotov et les policiers, qui avaient reçu des renforts de la Garde nationale et du FBI, ont riposté à coups de gaz lacrymogènes, matraques, et grenades aveuglantes. Les forces de l'ordre affirment avoir essuyé 150 tirs et ont décrit cette nuit comme la pire depuis les semaines d'émeutes déclenchées en août après la mort de Michael Brown.

Mardi, la principale artère de la ville est restée quasiment déserte, circonscrite par des cordons de police et plongée dans un silence surnaturel, troublé seulement par le bruit des pales d'hélicoptère des forces de l'ordre.

Dans la nuit, vingt-neuf personnes ont été arrêtées et deux voitures de police incendiées. Mais à aucun moment la police n'a tiré, a précisé le chef de la police du comté de Saint Louis, Jon Belmar.

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