DSK : l'accusation cherche à sauver la face
Ce que le procureur cherche à éclaircir, avant de lever -peut-être- les charges
Certes, Nafissatou Diallo a menti. Sur son passé : elle aurait avoué avoir forcé la vérité, raconté des exactions en Guinée, un viol, pour augmenter ses chances d'obtenir l'asile aux États-Unis. Sur son emploi du temps après l'agression présumée au Sofitel : elle s'était d'abord dit prostrée, avant d'expliquer s'être occupée d'une autre chambre, avant que ceci enfin ne soit remis en doute par le décryptage des cartes magnétiques d'accès aux chambres. Sur son entourage : un coup de fil enregistré à un détenu, dans les heures qui ont suivi les faits, et d'étranges virements sur son compte en banque, laisseraient présager son implication dans des activités troubles de trafic de drogue ou de blanchiment d'argent.
_ Mais, la jeune femme maintient encore aujourd'hui ses accusations. Selon son avocat Me Thompson, elle aurait été agressée sexuellement par DSK et des preuves l'attesteraient.
Problème : ses mensonges, comme ses possibles vérités, émanent de dépositions dans un anglais approximatif et de cette conversation enregistrée avec un détenu en fulani, dialecte de Guinée. Selon l'avocat de Nafissatou Diallo et des sources internes au bureau du procureur, cités par le New York Times ce matin, la traduction de cet enregistrement porterait à caution. Un enregistrement pourtant confondant, puisqu'il y aurait été question des bénéfices à tirer de cette affaire... "Ce type a beaucoup d'argent.
Je sais ce que je fais", aurait-elle dit alors.
Le procureur, faute de temps, se serait appuyé sur un simple "digest", un résumé, de cette pièce pourtant troublante. Et l'échange serait en cours de retraduction. " On sous-estime peut-être les problèmes de compréhension d’une femme qui maîtrise mal l’anglais et dont les relations avec les enquêteurs sont devenues très tendues", commentait mardi dans le Figaro un avocat familier des méthodes de Cyrus Vance.
Délicat, quand on sait que l'accusation repose essentiellement sur le témoignage de la jeune femme.
_ L'autre pièce devenue maîtresse, c'est la lecture des cartes magnétiques. Elle seule, ou presque, semble accréditer matériellement aujourd'hui les explications confuses de Nafissatou Diallo. Certes, la femme de chambre serait entrée dans une autre suite du Sofitel, après les faits. Mais peut-être pas pour y faire le ménage comme si de rien n'était. Les cartes magnétiques indiqueraient, selon le Figaro, qu'elle n'y est restée qu'une minute -pour souffler ?- avant de revenir dans la 2806, avec la responsable de son étage, expliquer ce qui s'est passé. Mais le décryptage des cartes ne serait parvenu au procureur qu'après que celui-ci a émis des doutes sur la version de Nafissatou Diallo.
Des doutes qui s'ajoutent aux doutes. Est-ce pour cela que Cyrus Vance s'accroche ? Ou simplement pour trouver une sortie honorable, devant un fiasco judiciaire annoncé ?
_ Son accusation, en tout cas, est d'autant plus ébranlée, que la défense de la plaignante elle aussi attaque désormais les méthodes du procureur.
Ce que l'avocat de la femme de chambre reproche désormais au procureur
Alors que la crédibilité de sa cliente est mise en doute, alors que le procureur semble lui-même ne plus trop savoir à quoi se raccrocher pour poursuivre son accusation, l'avocat Kenneth Thompson ne désarme pas. Au contraire, il contrattaque. Et dénonce :
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des "fuites répétées et préjudiciables". L'avocat reproche notamment au procureur d'avoir laissé filtrer le contenu présumé du coup de fil de Nafissatou Diallo à un détenu. Des extraits se trouvaient retranscrits dans le New York Times à la veille de l'audience qui a permis la libération sur parole de DSK.
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de la rétention d'information. Selon Me Thompson, outre distiller des informations dans la presse, le bureau du procureur garderait pour lui d'autres informations importantes, n'aurait pas notamment permis aux défenseurs de la plaignante d'avoir accès à cet enregistrement troublant.
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un "possible conflit d'intérêt", déjà évoqué mi-juin dans le New York Times. Une responsable du bureau du procureur serait mariée à l'un "des avocats de Strauss-Kahn".
Kenneth Thompson réclame donc que le procureur soit "récusé". Une requête "stupide", selon certains spécialistes, pour qui Thompson ne serait mû que par l'énergie du désespoir. Les services du procureur de
Manhattan en tout cas ont indiqué hier que cette demande était
"totalement sans fondement".
_ Après avoir avancé main dans la main, le bureau du procureur et les avocats de la défense sont donc en pleines bisbilles. Et la défense n'a peut-être plus qu'à compter les points.Cécile Quéguiner, avec agences
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