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Fusillade dans une école du Texas : comment la NRA, le lobby américain pro-armes, réussit à empêcher toute réforme

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Un autocollant du lobby pro-armes NRA à Lansing, dans le Michigan (Etats-Unis) le 23 septembre 2021. (JEFF KOWALSKY / AFP)

La convention annuelle de la National Rifle Association (NRA) se tient vendredi, quelques jours après la tuerie qui a fait 21 morts dont 19 enfants dans une école du Texas.

"Quand, pour l'amour de Dieu, allons-nous affronter le lobby des armes ?" a lancé Joe Biden, mercredi 25 mai. La veille, un jeune homme de 18 ans a ouvert le feu dans une école primaire à Uvalde (Texas), tuant 19 enfants et deux enseignantes. Le jeune Américain s'était tout récemment acheté deux fusils d'assaut et 375 cartouches, juste après son 18e anniversaire. Cette nouvelle attaque sanglante relance le débat sur la prolifération des armes à feu aux Etats-Unis.

Alors que l'opinion publique américaine semble favorable à leur régulation, notamment via le contrôle des antécédents judiciaires des acheteurs ou l'instauration d'un délai d'attente avant l'achat d'une arme, l'administration Biden (et Obama avant elle) semble incapable de réformer ce droit. Sur ce terrain, Washington rencontre notamment l'opposition de la puissante National Rifle Administration (NRA), lobby pro-armes. L'association s'est dédouanée mercredi de toute responsabilité dans le carnage, dénonçant "l'acte d'un criminel isolé et dérangé". Elle se prépare en outre à accueillir ses membres lors d'une convention annuelle qui débute vendredi 27 mai à Houston (Texas), en présence de l'ancien président Donald Trump.

Près de 90 ans de lobbying

Ce lobby s'oppose à tout projet de loi qui limiterait la possibilité de possession d'armes à feu, qu'importe l'échelle, locale, étatique ou nationale, note la BBC*. Sa raison d'être : défendre le deuxième amendement de la Constitution américaine, qui protège le droit des citoyens à posséder des armes.

Fondée en 1871, la NRA a été créée par des vétérans de l'Union, "consternés par le manque d'adresse au tir de leurs troupes", précise son site. L'association a structuré son action de lobbying à partir des années 1930, en informant ses membres des futurs textes de loi concernant les armes. Aujourd'hui, elle évalue par exemple les personnalités politiques avec des notes allant de A à F. Les "A" sont des alliés qui soutiennent de manière constante la lutte de la NRA. Les F sont positionnés anti-armes. "De nombreux candidats notés A reçoivent une approbation, ce qui peut apporter un soutien sous forme d'argent, d'envois postaux et d'annonces de campagne", précise le New York Times*.

Un sponsor pour les politiques pro-armes

Pour pousser ses idées, la NRA soutient financièrement les candidats pro-armes aux élections locales comme nationales. En 2000, elle a consacré vingt millions de dollars à la campagne du candidat républicain George W. Bush contre le démocrate Al Gore. "La NRA a joué un rôle décisif" dans le scrutin, avait confirmé Matt Bennett, ancien conseiller à la Maison Blanche, interrogé par Les Echos. En 2016, sur les 54 millions de dollars dépensés par la NRA, 31 millions ont irrigué la campagne du candidat républicain Donald Trump. En 2020 encore, 29 millions de dollars ont été injectés dans la campagne pour sa réélection, selon le magazine Time. Cette fois-ci, le candidat adverse, Joe Biden, a été élu.

En 2020, la NRA présentait un budget de 255,9 millions de dollars, avec un revenu net de 36,6 millions de dollars, selon un rapport financier* de l'association. Ses revenus proviennent de dons de ses membres, de fabricants et distributeurs d'armes. Le Guardian* relativise toutefois ces sommes. Hors période électorale, le premier lobby pro-armes n'a investi que 4,1 millions de dollars en 2017. C'est huit fois moins que la National Association of Realtors, un des lobbys les plus dépensiers sur les questions de logement.

Des membres actifs et dévoués

La principale force de ce lobby est "liée au dévouement politique, à l'activisme et à l'intensité de ses membres", analyse toutefois Matthew Lacombe, professeur de sciences politiques au Barnard College de New York, interrogé par Time*. La NRA choisit ses combats et concentre ses efforts sur les primaires pour faire gagner les candidats pro-armes.

"La plupart des Américains s'engagent peu dans la vie politique, alors quand un petit groupe de personnes le fait, ils peuvent avoir beaucoup de poids", expliquait Robert Spitzer à franceinfo. L'organisme, qui compte 5 millions de membres, peut aussi s'appuyer sur ses 125 000 instructeurs et le million de propriétaires d'armes à feu qu'ils forment chaque année. Petit à petit, la NRA a même élargi son public en s'appuyant sur des acteurs comme Clint Eastwood ou Chuck Norris, ou en produisant des contenus pro-armes à destination des réseaux sociaux, rapporte Konbini.

De jeunes groupes prêts à prendre la relève

La NRA reste de loin le lobby pro-armes le plus puissant aux Etats-Unis, mais son aura décline. Son budget a baissé de 39% en quatre ans, passant de 419 millions de dollars en 2016 à 255,9 millions en 2020.

Son image a souffert de récentes querelles intestines et d'un scandale judiciaire. Accusé de fraude financière par la procureure de l'Etat de New York, le lobby avait tenté de se déclarer en faillite, avant d'échapper à la dissolution en mars 2022. Le dirigeant historique de la NRA, Wayne LaPierre, est par ailleurs soupçonné d'abus de biens sociaux et de corruption.

Mais derrière la NRA, d'autres groupes pro-armes prennent de plus en plus d'importance, note le magazine américain Mother Jones*. La Virginia Citizens Defense League, la Second Amendment Foundation, l'Association nationale pour les droits des armes à feu ou encore Gun Owners of America sont prêts à reprendre le flambeau. Et leur positionnement est encore plus ferme que celui de la NRA : ces associations ne cèderont rien face aux défenseurs du contrôle des armes. Même si la NRA venaient à s'effondrer, le vide serait vite comblé.

* Les liens suivis d'un astérisque dirigent vers des sources en anglais.

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