Comment Obama a fini par mériter son prix Nobel de la paix
La décision du comité Nobel de la paix d’attribuer ce prix au président américain Barack Obama est peut-être l’une des raisons qui a coûté son siège à Thorbjørn Jagland à la présidence de l’institution. Son intuition et celle de ses collègues devraient peut-être aujourd'hui être saluées. L’un des motifs derrière l’octroi de cette distinction aura été atteint avec la signature le 14 juillet 2015 de l’accord sur le nucléaire iranien. «Je suis déterminé à respecter le traité (sur la non-prolifération des armes nucléaires). C’est l’un des éléments centraux de ma politique étrangère (…). Mais il nous incombe aussi à tous de faire en sorte que certains pays, tels l’Iran et la Corée du Nord, ne contournent pas ce système», affirmait le président américain en recevant le Nobel de la paix à Oslo en 2009.
La conclusion d'un accord avec les Iraniens est une performance notable pour celui que Peter L.Bergen, directeur du National security studies program au New America Foundation, qualifiait dans le New York Times «de guerrier en chef». «Le président qui a obtenu le Prix Nobel de la paix, neuf mois après son investiture, s’est avéré être l’un des plus agressifs leaders américains qu’on ait connu ces dernières décennies», écrivait-il en 2012. Parmi ses faits d'armes, Peter L.Bergen citait l'assassinat d'Oussama Ben Laden, celle du citoyen américain Anouar Al-Awlaqui (considéré comme le chef d'Al-Qaida dans la péninsule Arabique - AQPA - au Yémen, NDLR) - une première pour un président des Etats-Unis –, le triplement des troupes américaines en Afghanistan, le renversement du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi et l'accroissement de l'utilisation des drones, notamment au Pakistan et au Yémen.
Du discours aux actes
Barack Obama avait été le premier à exprimer sa surprise d'être lauréat. «J’aurais tort d’ignorer la controverse considérable que votre décision généreuse a soulevée», entre autres, «parce que je suis au début, non à la fin, de mes efforts sur la scène mondiale», reconnaissait-il en 2009 dans la capitale norvégienne. En apprenant la nouvelle quelques mois plus tôt, il avait indiqué qu'il acceptait le Nobel «comme un appel à l'action». Le conditionner, c'est exactement la raison pour laquelle le comité norvégien avait pris la décision de lui remettre le prix, faisant de lui le quatrième président américain à recevoir ce prix (Jimmy Carter en 2002, Thomas Woodrow Wilson en 1919 et Theodore Roosevelt en 1906).
«Obama a créé un nouveau climat dans la politique internationale», expliquait alors Thorbjørn Jagland. Six ans après, la véracité de cette assertion est palpable. Cuba et Washington ont rétabli leurs relations diplomatiques 60 ans après les avoir rompues. Le président du comité Nobel rappelait également la volonté de Barack Obama de fermer la prison militaire de Guantanamo (Barack Obama n'y est toujours pas parvenu même si l'espoir renaît), de se retirer d’Afghanistan et de laisser les Afghans prendre leur destin en main, de discuter avec la Chine afin qu’un compromis soit trouvé dans le cadre des négociations sur le climat. Washington et Pékin sont ainsi parvenus à un accord sur leurs emissions de gaz à effet de serre en novembre 2014.
Comme promis pendant sa campagne, Obama a retiré en partie ses troupes des principaux terrains d'opérations. D'abord en Irak. «En réalité, précise la spécialiste des Etats-Unis Maya Kandel, co-auteure en 2013 d’une analyse des nouvelles options militaires américaines et leurs conséquences pour l’Europe, (ce retrait) a été négocié par l’administration de George W.Bush dans ses derniers mois». L'accord est signé en 2008 et le retrait des forces américaines est total fin 2011.
«Je ne m’oppose pas à toutes les guerres, je m’oppose aux guerres stupides»
Les Etats-Unis font par conséquent la guerre autrement. «Obama n’a de cesse de privilégier de nouvelles formes d’engagements militaires qui partagent une caractéristique commune : rendre moins visibles et moins coûteuses les interventions militaires américaines», souligne Maya Kandel. Que ce soit les assassinats ciblés, le recours aux forces spéciales, le choix (d'une cyberguerre) face a l’Iran (et sans doute la Chine), l’empreinte légère ("light footprint") en Afrique et ailleurs, le leadership par l’arrière en Libye ("leading from behind" décrit la modalité d'intervention américaine en Libye et plus généralement la stratégie américaine en Afrique)… tous sont en accord avec ce que l’on pourrait appeler la philosophie Obama en politique étrangère : rendre le leadership américain "plus discret et modeste", a l’image de ce que décrivait le conseiller présidentiel a l’origine de l’expression "leading from behind", car les Américains sont désormais bien conscients des effets contre-productifs de leur présence militaire massive – c’est sans doute la principale leçon retenue de l’échec irakien ; et éviter toute nouvelle opération terrestre massive au Moyen-Orient.»
Des interventions militaires plus discrètes
Et Maya Kandel de conclure: «Quoi qu’il en soit, les interventions militaires n’ont pas cessé sous Obama, elles sont juste devenues moins visibles. Le retrait d’Irak, le désengagement d’Afghanistan, le choix de ne pas intervenir ouvertement en Syrie, tous participent de cette même philosophie générale (qui met) l'accent sur le contre-terrorisme, (se) focalise sur les acteurs non-étatiques, avec une volonté de gérer la menace, y compris préventivement, avec un niveau d’interférence minimale pour les Américains.»
Les succès de Barack Obama sont aussi nombreux que ses échecs : les nombreux conflits qui persistent en Afrique (République Démocratique du Congo, Soudan du Sud, Soudan, et Somalie) alors qu’une implication plus importante des Etats-Unis aurait permis de changer la donne; les critiques des organisations des droits de l’Homme contre les drones assasins au Yemen, notamment, son incapacité à œuvrer pour la paix entre Israël et la Palestine – à sa décharge, il n' est pas le premier président américain à se casser les dents sur ce dossier –, et son bilan afghan en demi-teinte.
Ainsi, dans cette région du Moyen-Orient, s'est éteint l'espoir né en Egypte d'une amélioration des relations entres les Etats-Unis et le monde musulman. «Je suis venu chercher un nouveau commencement entre les Etats-Unis et les musulmans du monde entier, qui se fonde sur un intérêt et un respect mutuels ; qui se fonde sur le fait que l’Amérique et l’islam ne sont pas exclusifs l’un de l’autre et ne sont pas voués à se faire concurrence.», déclarait Barack Obama lors de son célèbre discours au Caire en juin 2009. Une aspiration qui fait aujourd'hui figure de voeu pieux.
Enfin, Barack Obama n’aura pas réussi à faire cesser le feu sur son propre territoire : il n’est pas près de faire céder ses compatriotes sur le 2e amendement qui les autorise à s'offrir une arme.
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