11-Septembre : 20 ans après, l'Amérique se souvient de la révolte héroïque des passagers du vol 93
C'est le quatrième avion détourné lors des attentats du 11 septembre 2001. Alors que les tois autres ont touché leur cible, à New York et Washington, celui-là s'est écrasé en pleine campagne, grâce à l'intervention des passagers.
Le ciel est bleu aux environ de New-York, ce 11 septembre 2001. Le vol United Airlines 93 décolle de Newark à 8h42, avec un peu de retard, en direction de San Francisco. A bord du Boeing 757-200, quarante-quatre personnes. Mais après moins d'une heure de vol, quatre terroristes pénètrent dans le cockpit. "Qu’est-ce que vous faites, on va tous mourir ici !", crie l’un des pilotes. Les contrôleurs aériens qui l’entendent n’en croient pas leurs oreilles. Pourtant, il ne fait aucun doute que l’avion a été détourné. L’un des terroristes prend les commandes et s’adresse aux passagers. "Mesdames et messieurs, c'est votre capitaine. Restez assis. Nous avons une bombe à bord. Restez assis."
L’avion vole à basse altitude, les passagers réussissent à passer des coups de fils ou à écouter des messages laissés sur leur répondeur. Comme celui que laisse Alice Hoagland à son fils présent dans l’avion. "Marc, c'est ta mère à l'appareil, l'avion a été détourné par des terroristes, lui explique-t-elle. Ils ont probablement l'intention de l'utiliser pour frapper un site au sol. Alors si tu peux essayer de maîtriser ces gars... Parce qu'ils vont sans doute se servir de l'avion. Je t'aime, mon bébé. "
Grâce à ces appels, les passagers apprennent ce qu’il vient de se passer à New York. À 8h46, un avion détourné a percuté la tour Nord du World Trade Center. Et à 9h03, un deuxième avion s'est encastré dans la tour Sud. Depuis le vol 93, CeeCee Lyles, hôtesse de l’air, laisse un message sur le répondeur de son fiancé : "Salut mon cœur, écoute-moi attentivement. Je suis dans un avion qui a été détourné. Trois mecs ont détourné l'avion. J'essaie de rester calme mais nous avons entendu que des avions avaient été projetés contre le World Trade Center. Je t'aime."
"Ils ont voté et ils ont décidé de passer à l’action"
Les passagers décident alors de reprendre le contrôle de l’avion. Gordon Felt est le frère de l’une des victimes, Edward. Il raconte : "Ils ont eu la présence d'esprit d'élaborer un plan. Ils ont prié et ils ont voté. C’est tout de même extraordinaire… Ils ont voté et ils ont décidé de passer à l’action." Avec un charriot de repas, ils enfoncent la porte du cockpit. Une bagarre éclate avec les terroristes, mais impossible de prendre le dessus. Le pirate de l'air aux commandes fait s'écraser l'avion dans un champ à Shanksville, Pennsylvanie, à 20 minutes de vol de Washington. Il n’y a aucun survivant.
Quelques jours après l’attentat, les familles arrivent sur les lieux. Gordon Felt se souvient : "Tout ce que l’on pouvait voir, c’était un cratère… On pouvait sentir le kérosène. C’était une image horrible de violence et de mort…" Les terroristes visaient très probablement le Capitole, alors que l'un des avions détournés visait le Pentagone En se révoltant, les passagers du vol Newark-San Francisco ont sans doute sauvé de nombreuses vies à Washington. On les appelle depuis "les héros du vol 93".
Les lieux du crash, "un endroit sacré"
Aujourd'hui, un mémorial est installé à Shanksville pour leur rendre hommage. Cette partie de la Pennsylvanie, très rurale, est une sorte de carte postale de l'Amérique des campagnes. Des champs de maïs, des forêts d'érables qui sont en train de brunir avec l'automne qui arrive, des petites villes proprettes avec leurs pelouses tondues parfaitement. Beaucoup de panneaux en soutien à Donald Trump, dans les jardins, et des casses automobiles où sont en train de rouiller de vieux pick-up. Et puis, au détour d'une route, on pénètre dans le parc national dédié à ces victimes qui se sont révoltées. "Dès que vous pénétrez dans le parc, vous savez que vous êtes dans un endroit spécial, explique Stephen Clark, directeur du Flight 93 National Memorial. Et tandis que vous conduisez en direction des lieux du crash, cet endroit sacré, vous ne pouvez vous sentir que subjugué par les actions de ces quarante personnes extraordinaires, en ce 11 septembre 2001. Je ne peux pas insister assez sur la beauté naturelle de ces lieux, ni sur le sens de l'héroïsme qu'ont eu ces personnes à bord de l'avion et que l'on ressent ici. Ce parc, vraiment, c'est un endroit très spécial."
L'endroit est calme, très isolé. L'avion s'est écrasé ici, sur cette ancienne mine de charbon, une vaste plaine cabossée par l'exploitation minière. Des herbes folles, des chardons, des pâquerettes, des oies qui s'envolent. C'est un très bel endroit, mais ici, la mort côtoie la beauté. Une route vous emmène au plus près des lieux du crash. Il ne reste pas grand chose du cratère. Sur un mur en marbre est écrit le nom des 40 victimes. Au sommet d'une colline, le mémorial avec, à l'intérieur, l'histoire des victimes. Le récit de leur acte de courage, cette rébellion contre les terroristes. On peut entendre aussi les coups de fil passés par les passagers à leurs proches pendant le vol. Et puis, à l'extérieur du mémorial, il y a une longue passerelle orientée Est-Ouest. C'est la trajectoire de l'avion.
"Quand l'avion s'est écrasé, décrit Gordon Felt, il est passé juste au-dessus de nos têtes, là. Il était complètement retourné, fonçait à près de 1 000 kilomètres/heure de pointe. Le nez de l'avion s'est enfoncé dans les arbres qui ont brûlé. L'avion s'est désintégré avec l'impact et les débris ont été répandus sur près de six hectares, tout comme les restes de nos proches. On n'a pu retrouver qu'environ cinq pour cent des restes de nos proches. Voilà pourquoi, pour nous, les familles, cette terre est sacrée. Pour nous, elle est comme une tombe ouverte."
D'ailleurs, seules les familles ont le droit de s'approcher au plus près du cratère pendant les cérémonies. Des cérémonies qui commencent le 10 septembre, avec notamment un concert de musique classique, et puis des bougies qui seront déposées devant le mur de marbre, devant le nom des quarante victimes du vol 93.
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