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A San Francisco, un référendum s'attaque à Airbnb

Les habitants de San Francisco ont rejeté le 3 novembre un référendum limitant les locations meublées de courte durée de type Airbnb dans la ville. L'idée des promoteurs de l'initiative F (nom du texte mis au vote) était de limiter à 75 jours par an la possibilité de louer son logement en courte durée. Le but: empêcher les loueurs professionnels.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Symbole de San Francisco, le Golden Gate (Alison Wright / Robert Harding Heritage / Robert Harding)

Pourquoi ce vote ? «L'objectif de ces limites est d'interdire la conversion pour un usage touristique de logements à louer à usage résidentiel, et d'aider à préserver la disponibilité de logements à San Francisco», indiquent les documents explicatifs mis à disposition des électeurs. 

A San Francisco, la demande immobilière est forte. Et les propriétaires peuvent trouver plus intéressants de multiplier les locations à court terme de leurs appartements, plutôt  qu'à long terme. Cela peut rapporter plus sans les entraîner d'éventuelles complications avec les locataires. Résultat, comme dans d'autres grandes villes touristiques, des investisseurs n'hésitent pas à acheter des appartements pour les mettre uniquement sur le marché de la location touristique.

10.000 offres dans la ville
Le retrait de ces appartements du marché locatif traditionnel aggrave la montée des loyers dans une ville où ils sont déjà supérieurs à la moyenne américaine. La coalition «Share Better SF» (mieux partager San Francisco), qui réunit des associations favorables à cette proposition, avance qu'environ 10.000 locations de court terme sont actuellement proposées dans la ville, dont 70% pour des appartements entiers. Cela «empire notre crise du logement» en mobilisant des logements abordables dont les occupants sont expulsés.

Le journal local, le San Francisco Chronicle, écrivait ainsi en juillet dernier, qu'au moins 350 logements étaient en location permanente sur Airbnb et des centaines d'autres sur les sites équivalents.

En réduisant à 75 jours par an (au lieu de 90 aujourd'hui), la possibilité de louer à court terme son appartement, San Francisco empêcherait un détournement de ce type de locations. La proposition voudrait aussi obliger les plateformes et les loueurs à déclarer les transactions effectuées et autoriser les voisins à réclamer des dommages et intérêts en cas de non respect de la loi...

La proposition est soutenue par un large éventail d'associations de locataires, de propriétaires ou de quartier, ainsi que par le syndicat des travailleurs des secteurs de l'hôtellerie et de la restauration. 

Côté Airbnb, on estime au contraire que «le partage de logement permet à des milliers de familles de la classe moyenne de joindre les deux bouts et de rester dans la ville». Surtout dans une ville où la règlementation pour ces types de location est déjà beaucoup plus sévère qu'ailleurs.

New York et Paris tentent aussi de légiférer
La plateforme en ligne a été le principal contributeur de la campagne pour le «non», qui affiche un budget de plus de 8 millions de dollars contre moins de 800.000 pour celle du oui, selon des statistiques de la San Francisco Ethics Commission.

La décision de San Francisco est suivi de près dans de nombreuses villes du monde. New York et Paris ont déjà pris des mesures pour tenter de juguler le phénomène Airbnb qui est actif dans 34.000 villes dans le monde et aurait déjà logé quelque 17 millions de personnes l'été dernier. 

Le référendum de San Francisco rejoint d'autres combats qui se déroulent notamment aux Etats-Unis contre les effets néfastes de l'économie dite du partage, comme Uber. 53 millions d'Américains, un tiers de la population active, vivraient désormais sous le régime de la «gig economy» ou «economy 1099», selon le statut fiscal des travailleurs indépendants (comme le statut des autoentrepreneurs), notait Le Monde. 

Même si l'initiative F ne l'emporte pas, elle met en lumière, dans la capitale de la high tech, les conséquences politiques des modifications apportées au système économique par les plateformes internet. Un débat qui dépasse largement San Francisco.

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