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Un nouveau Secrétaire général de l'ONU: mais pour quoi faire?

Le Portugais Antonio Guterres devrait devenir le nouveau Secrétaire général de l’ONU, le 9e. Le titre est impressionnant mais la fonction a-t-elle un réel pouvoir? Qui se souvient en effet des noms et surtout des actions des anciens Secrétaires généraux de l’organisation mondiale? Retour sur ces personnalités qui ont marqué le poste.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 8min
Le Secrétaire général de l'ONU sortant, Ban Ki-moon (2007-2016), et son successeur désigné Antonio Guterres.

C'est «le job le plus impossible sur cette terre», disait le premier Secrétaire général officiel de l‟ONU, Trygve Lie, en souhaitant la bienvenue à son successeur Dag Hammarskjöld en 1953.

Loin d'être une sorte de président du monde, le Secrétaire général est avant tout le chef de l'administration du «machin», comme de Gaulle avait appelé l'ONU.

Ils ont été huit à gérer l’ONU depuis la création de l’organisation. Un poste à haute visibilité mais à faible pouvoir. «L’attention portée au Secrétaire général des Nations Unies par les médias est aussi grande que le nombre des articles de la Charte qui s’occupent de lui est réduit», selon le mot d’un diplomate allemand.

Officiellement, cinq articles définissent son rôle: «Le Secrétaire général est nommé par l'Assemblée générale sur recommandation du Conseil de sécurité. Il est le plus haut fonctionnaire de l'Organisation», précise l'article 98 de la Charte de l’ONU. De tradition, il ne peut être citoyen d’un pays membre permanent du Conseil de sécurité et il est d'usage de choisir des candidats venant à tour de rôle des différents continents. Son principal rôle est d'«attirer l'attention du Conseil de sécurité sur toute affaire qui, à son avis, pourrait mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité internationales.»

Qu’aurait fait Dag Hammarskjöld?
A partir de ce texte, le rôle du Secrétaire général peut être néanmoins important. Il a le pouvoir en effet de mettre en lumière une situation de crise ou de guerre. Mais il doit respecter une certaine neutralité car il parle au nom de tous les pays et ne peut prendre position dans un conflit. Pourtant, certaines personnalités ont tenté de s'imposer malgré ces règles strictes.

Le poste a même pu être dangereux. Le deuxième secrétaire général de l’ONU est ainsi mort en mission. Le diplomate suédois Dag Hammarskjöld, élu en 53 et réélu en 57, a laissé une image forte pour l’organisation internationale, développant sa jeune administration, multipliant les initiatives (première force d’intervention de l’ONU), quitte à subir des critiques, comme celles de de Gaulle

Alors que la crise de l’indépendance du Congo battait son plein, Dag Hammarskjöld fit un voyage sur place. Voyage fatal, son avion s’écrasa en septembre 1961. Nourrissant des soupçons d’attentat.

«Qu’aurait fait Dag Hammarskjöld à ma place?», se demandait Kofi Annan, en hommage à son lointain prédécesseur. «Sa vie et sa mort, ses paroles et ses actes ont davantage contribué que ceux de tout autre homme et de toute autre femme dans l’histoire de l’ONU à forger l’idée que se fait le public de la fonction, je dirai même plus de l’Organisation», ajoutait-il à propos du Suédois.


De U Thant à Boutros Boutros-Ghali
Les successeurs du diplomate suédois n'ont pas laissé une telle image. Difficile en effet de se souvenir des actions de ces personnages. Maha Thray Sithu U Thant fut à la tête de l'ONU (1961-1971) dans une période particulièrement agitée. Le Birman U Thant eut à gérer notamment la Guerre froide, les suites de la décolonisation et le sous-développement. «On s'accordera à reconnaître que ces dernières années, la principale source de conflits est d'ordre idéologique. Dans le domaine économique, on peut dire que c'est l'opposition entre le capitalisme et le communisme. C'est ce conflit idéologique que l'on a appelé la Guerre froide, qui a empoisonné les relations internationales dans l'après-guerre», affirmait-il sobrement pour résumer la période vécue. Malgré ses qualités de négociateur, le diplomate ne pesait pas lourd entre Kroutchev et Kennedy lors de la crise de Cuba. Il sut cependant jouer son rôle de médiateur.

Le secrétaire général de l'ONU, U Thant, avec Kroutchev à Moscou en 1963. (Vladimir Malushev / RIA Novosti / Sputnik)

Son successeur, l'Autrichien Kurt Waldheim (1972-1981) est sans doute plus resté dans les mémoires pour son passé dans l'armée nazie, dénoncé après son départ de l'ONU, que pour sa place de Secrétaire général de l'ONU, même s'il a su utiliser les possibilités de sa fonction dans certains conflits (Sahara Occidental ou crise des boat people vietnamiens).

Le juriste péruvien Javier Perez de Cuellar eut à gérer des conflits difficiles en tant que secrétaire général (1982-1991): guerre des Malouines, guerre Iran-Irak... conflits sur lesquels il n'eut que peu de poids. C'est sous son mandat que les Forces de maintien de la paix de l'ONU reçurent le prix Nobel de la paix en 1988.

Premier Africain à la tête de l'ONU, l'Egyptien chrétien Boutros Boutros-Ghali (1992-1996) n'a fait qu'un seul mandat. Il avait pourtant lancé une série de réformes de l'Organisation et un grand nombre d'opérations de maintien de la paix en particulier au Cambodge, au Mozambique, en Somalie, au Rwanda, ainsi qu'en Bosnie-Herzégovine. Ces deux derniers conflits, devenus symboles de l'impuissance onusienne, lui auraient coûté sa réélection, les Etats-Unis refusant de l'appuyer pour un second mandat.


Le Nobel de Kofi Annan
Privé de second mandat, Boutros Boutros-Ghali est remplacé par Kofi Annan (1997-2006), un Ghanéen qui a fait sa carrière... à l'ONU. Entré dans l'organisation internationale en 1962, il en a gravi les échelons pour devenir, en 1993, Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix. Le 1er janvier 1997, il est devenu le septième Secrétaire général de l'ONU et le premier à sortir des rangs du personnel de cette organisation.

Au cours de ses deux mandats, il a notamment dû gérer les différentes crises liées à l’Irak, dans un monde totalement dominé par les Américains, la diplomatie russe ayant provisoirement disparu. Malgré son volontarisme, il n’a pas pu empêcher la guerre américaine. «Si les Etats-Unis et d'autres pays s'écartent du Conseil de sécurité et mènent une action unilatérale, ils ne seraient pas en conformité avec la charte», avait il affirmé… en vain. Dans un discours en hommage à Truman, en 2006, année de son départ de l'ONU, il insista sur la nécessité du multilatéralisme: «Aucun pays ne peut assurer sa sécurité en cherchant à dominer tous les autres. Nous partageons tous la responsabilité de la sécurité de l’autre et ce n’est qu’en collaborant pour assurer la sécurité des uns et des autres que nous pouvons espérer instaurer une sécurité durable pour nous-mêmes.»

On lui doit le rapport sur le millénaire. Il reçut le prix Nobel de la Paix en 2001 pour son action à la tête de l'organisation internationale. De son vivant et en fonction. Contrairement à Dag Hammarskjöld, qui le reçut à titre posthume.

La persistance de conflits jamais réglés montrent la limite des pouvoirs des Secrétaires généraux de l'ONU quand ils n'ont pas le soutien des grandes puissances. La durée des dossiers chypriote, israélo-palestinien, saharaoui... ou l'impuissance onusienne en Syrie ou même au Yémen vont désormais être gérés par l'ancien Premier ministre portugais Antonio Guterres, longtemps Haut-Commissaire de l'ONU pour les réfugiés. Avec quelle latitude?

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