Ukraine : des prorusses réfugiés dans leur cave
Depuis l’élection dimanche dernier du nouveau président ukrainien Petro Porochenko, la situation s’est tendue dans l’est du pays. L’armée a lancé une offensive aérienne sur l’aéroport de Donetsk investi par les séparatistes. Elle a fait au moins 50 morts. Dans ce secteur très peuplé, les civils vivent dans la peur. Certains anticipent des jours plus violents encore. Un couple de sexagénaires a, par exemple, aménagé sa cave pour en faire un abri.
Anna a 64 ans. Elle est sortie avec son cabas faire quelques provisions. Et juste à ce moment-là, des avions militaires Sukoï- 25 réapparaissent dans le ciel de Donetsk. Les passants s’agitent. Certains crient. Alors, Anna se dépêche de rentrer dans sa maisonnette du quartier Putilovka. C’est au milieu des arbres, à moins de trois kilomètres de l’aéroport Prokofiev. Elle nous propose de la suivre. Anna veut nous présenter son mari, Viktor et nous expliquer comment ils vivent depuis trois jours, depuis que les violences ont commencé.
On passe une petite porte en fer. Derrière le cerisier qui regorge de fruits, on découvre la modeste demeure construite en béton brut. Ce sont deux pièces aménagées très sommairement. Anna et Victor ont construit leur logement il y a trente ans, dix ans après leur mariage. C’est le seul bien de ces ouvriers retraités de l’usine de mécanique toute proche.
Une cave de quatre mètres carrés
Dans le salon où ils ont préféré laisser les volets fermés, Anna soulève un vieux tapis et ouvre une trappe très discrète.
"Prenez l’échelle, descendez avec moi, vous allez voir !".
Quelques marches plus bas, on découvre une cave sinistre qui ne mesure pas plus de 4 mètres carrés. Une simple ampoule au plafond. Des murs délabrés. "C’est tout petit, mais j’ai tout installé pour pouvoir tenir des jours. Sur ces étagères, il y a les cornichons, les carottes, l’huile, les boites de conserve et les confitures. Cinq kilos de farine pour faire des bouillies et même un peu de vin ! J’ai mis deux chaises, mais si on veut, en arrangeant les choses, on peut s’allonger pour dormir. Voici le drap et les oreillers, le papier toilette. Et puis quelques habits, nos lunettes, et les médicaments. De ce côté, ce sont les stocks d’eau ", décrit notre hôte.
"On ne sortira que quand les nôtres, nos combattants auront pris le dessus" , promet-elle. Jamais Anna et Victor, nés après la Seconde Guerre mondiale, n’auraient imaginé utiliser leur cave comme abri. Pour le moment, ils n’y ont pas dormi mais l’envisagent sérieusement si le bruit des armes qui raisonnent au loin se rapproche.
Ce qui les rassure un peu ? Que leur fils avec sa femme et son enfant habitent dans un quartier de l’autre côté de la ville. Ils y sont semble-t-il en sécurité. Pour autant, le couple n’entend pas partir s’installer chez eux. "Ça serait céder, ça serait capituler. Pas question ", clame Viktor.
"Si la Russie pouvait nous reprendre !"
Dans la chambre à coucher, la télévision est allumée en permanence sur la chaîne Russie 24. Pas question de regarder les chaines ukrainiennes "qui ne font que de la propagande ", dit Viktor. Le couple est nostalgique de l’Union soviétique, et défend depuis le début les combattants séparatistes contre les soldats ukrainiens. Anna s’est inscrite sur une liste de donneurs de sang pour leur venir en aide. Viktor songe à mettre ses connaissances en mécanique au service de la rébellion. Ils en veulent beaucoup aux autorités de Kiev. Leur décision en février - après la révolution de Maidan - d’imposer l’Ukrainien comme seule langue du pays les a mis en colère. Eux ne parlent et n’ont jamais parlé que le Russe ! Même si le gouvernement par intérim a fait marche arrière sur ce texte de loi trois jours plus tard, Anna et Viktor ne pardonnent pas.
" C’est très angoissant ce qui se passe ici. Tout est à cause des fous de Kiev qui nous envahissent avec leurs troupes. Qu’est-ce qu’ils veulent de nous, à la fin ? Moi, j’ai travaillé toute ma vie. Je veux juste vivre mes dernières années en paix. Et eux, ils viennent semer la terreur sur notre territoire. Ah si la Russie pouvait nous reprendre, on serait sauvés ! On serait heureux ! L’autorité ukrainienne ne nous a rien apporté. Seulement la guerre ! ", s’emporte Viktor.
Anna et Viktor nous raccompagnent dehors. Des tirs surviennent. Ils ne sursautent pas, elle referme juste la porte à clef. Le couple commence à s’habituer à ces violents combats à deux pas de chez eux.
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