Une du "Point", cible des pro-Erdogan : "Il est hors de question de laisser imposer en France un type de censure qui prévaut en Turquie"
La une de l'hebdomadaire "Le Point", qui dénonce "le dictateur" Erdogan, a provoqué la colère de plusieurs ressortissants turcs en France. Le directeur de l'hebdomadaire réagit sur franceinfo.
La une du Point, qui représente cette semaine un portrait de Recep Tayyip Erdogan, accompagné du titre "Le dictateur - Jusqu'où ira Erdogan ?", a fortement déplu à des militants turcs en France. Des membres pro-Erdogan de la communauté turque ont forcé un kiosquier du Pontet (Vaucluse) à retirer l'affiche qui reproduisait la une de l'hebdomaraire. Son directeur, Etienne Gernelle, a réagi lundi 28 mai sur franceinfo à ce qu'il estime être une atteinte grave à la liberté d'expression. Il n'exclut pas des recours devant la justice mais "la priorité", selon lui, "est d'assurer" la "liberté" de "publier" en France.
franceinfo : Qu'est-ce qu'il s'est passé au Pontet ?
Etienne Gernelle : Il y a un groupe de gens qui s'est réuni devant le kiosque et qui ont a fait peur aux kiosquiers. Ils ont demandé de retirer l'affiche. Ils n'avaient pas la clé. Les kiosquiers, terrorisés, ont appelé MediaKiosque pour leur demander de retirer l'affiche car ils avaient peur. On est dans un pays où un kiosquier peut avoir peur à cause d'une affiche ! L'affiche a été retirée. J'ai appelé immédiatement MediaKiosque pour dire que c'était impossible. On ne peut pas céder là-dessus. On est dans un pays libre, la presse est libre et on a le droit d'afficher notre une sur un kiosque sans avoir à subir ce genre de pression. C'est inacceptable. L'affiche a été remise, sous protection des gendarmes. Quand les gendarmes sont partis, les affiches ont été recouvertes de slogans pro-Erdogan. C'est une première. On les a menacé (les kiosquiers) de brûler leur kiosque.
Les militants pro-Erdogan sont-ils nombreux en France ?
C'est quand même très intéressant de voir à quel point les soutiens d'Erdogan sont très organisés en France. Il y a des tas d'organisations diverses et variées qui sont des faux-nez de l'AKP, le parti d'Erdogan. Ils ne se gênent pas d'ailleurs pour faire campagne en France auprès des citoyens turcs pour les élections. Mais pas qu'en France. En Algérie, Erdogan essaye d'acquérir une influence importante et de se poser en leader dans la région. Le problème, c'est que ce type-là est un dictateur. C'est comme cela qu'on appelle les gens qui enferment les juges, les avocats, les journalistes, qui ferment des journaux (...) Cet homme est le président d'un pays qui fait partie de l'Otan et qui est toujours candidat officiellement à l'entrée dans l'Union européenne.
Envisagez-vous des recours devant la justice ?
Pourquoi pas, mais ce n'est pas la priorité. La priorité est d'assurer notre liberté. Et notre liberté, c'est de publier ce que l'on souhaite et de pouvoir afficher sur les kiosques. La liberté d'affichage fait partie de la liberté d'expression. Il est hors de question de laisser qui que ce soit imposer en France un type de censure qui prévaut en Turquie pour le grand malheur des Turcs (…) Je ne m'attendais pas à ça. Il y a deux ans, on avait fait une couverture sur Erdogan et on avait eu une attaque informatique très violente qui venait de Turquie. Mais je ne m'attendais pas à ce genre de chose. C'est une première. Je n'ai jamais vu ça avant.
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