Turquie : dix-sept journalistes d'un quotidien d'opposition jugés pour "soutien à une organisation terroriste"
Les accusés, dont onze comparaissent détenus, ont été accueillis dans la salle d'audience par les applaudissements de la foule venue les soutenir.
Ils sont accusés d'avoir aidé diverses "organisations terroristes armées" et risquent jusqu'à 43 ans de prison. Dix-sept journalistes, dirigeants et autres collaborateurs actuels ou passés de Cumhuriyet, un quotidien fondé en 1924, ont commencé à être jugés, lundi 24 juillet, à Istanbul.
Pour les défenseurs des droits de l'homme, cette affaire est emblématique de l'érosion des libertés en Turquie depuis le putsch manqué du 15 juillet 2016, suivi de purges massives. Cumhuriyet, l'un des plus anciens journaux turcs, dénonce un procès politique visant à abattre l'un des derniers organes de presse indépendants du pays.
Des pages vides à la place des articles
Plusieurs centaines de personnes, dont des journalistes et des députés de l'opposition, se sont rassemblées devant le tribunal dans la matinée, procédant à un lâcher de ballons multicolores et scandant : "La presse libre ne peut être réduite au silence." "Recep Tayyip Erdogan dit que la justice est neutre en Turquie, nous allons voir" si c'est le cas, a estimé Aydin Engin, l'un des éditorialistes du journal, qui comparaît libre.
"Le procès de Cumhuriyet est celui du journalisme en Turquie", a déclaré Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières. "Des journalistes sont traités comme des terroristes pour n'avoir fait que leur travail", a-t-il dit. Parmi les accusés, 11 sont en détention préventive, la plupart depuis près de neuf mois. Le journal laisse systématiquement un encart vierge là où auraient dû paraître les textes de ses chroniqueurs écroués, comme Kadri Gürsel. "Nous voulons de la justice", a inscrit à sa une le quotidien, lundi.
Solidarité internationale pour les journalistes
Les collaborateurs de Cumhuriyet sont accusés d'avoir aidé une ou plusieurs "organisations terroristes", selon l'acte d'accusation, qui cite notamment les séparatistes kurdes du PKK et le mouvement du prédicateur Fethullah Gülen, désigné par Ankara comme le cerveau de la tentative de putsch, ce qu'il dément catégoriquement.
Selon le site P24, spécialisé dans la liberté de la presse, 167 journalistes sont détenus en Turquie, dont la majorité dans le cadre de l'état d'urgence décrété après la tentative de putsch. La Turquie occupe la 155e place sur 180 au classement 2017 de la liberté de la presse établi par RSF.
Le procès des journalistes de Cumhuriyet a été précédé d'une campagne en ligne, avec notamment la publication sur Twitter de messages accompagnés du mot-dièse #LibérezLesJournalistesTurcs. Cette solidarité a dépassé les frontières avec, par exemple, la parution lundi d'une édition spéciale du quotidien français Libération.
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