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Référendum en Turquie: Erdogan est un «nouveau Poutine», selon Ahmet Insel

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a lancé un référendum sur la présidentialisation totale du régime qui est soumis le 16 avril 2017 au peuple turc. Pour le journaliste et universitaire turc Ahmet Insel, ce référendum, s’il est voté, doit faire de la Turquie le régime d’un homme fort. Celui de M.Erdogan, au pouvoir depuis 2002-2003, qui pourrait ainsi rester en poste jusqu'en...2029 !
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min

Quel type de régime veut instaurer l’actuel président turc, M.Erdogan, à travers le référendum du 16 avril 2017?
M.Erdogan veut instaurer un régime d’homme fort. Un régime présidentiel sans vrais contrepouvoirs. Dans ce régime, il n’y aurait plus de Premier ministre, plus de vote de confiance. Dans ce régime, le président pourrait toujours être chef de parti. Pour Erdogan, il y a toujours la peur que le Premier ministre lui porte ombrage. Avec ce système, il n’y a plus de ministres qui pourraient avoir leur autonomie et le président n’a pas à rendre de comptes à l’Assemblée.
 
Pour les partisans de M.Erdogan, la réforme permettrait au pouvoir d’agir rapidement, sans entrave parlementaire avec l'autorité d'un président qui dispose de la légitimité populaire.
 
Les défenseurs du projet mettent en avant que si le peuple n’est pas satisfait, il peut refuser de voter pour lui lors de la présidentielle suivante, les élections législatives étant couplées avec celle du président.

La campagne électorale est-elle verrouillée? Le «non» peut il l’emporter?
La campagne est compliquée pour les opposants. 12 députés (tous membres du HDP) sont en détention. Des journaux sont fermés ou sous contrôle gouvernemental. La télévision est totalement verrouillée. Aujourd’hui, les prises de positions officielles pour le «oui» représentent 90% de ce qu’on peut entendre.
 
Dans la rue, les distributions de tracts en faveur du «non» sont souvent empêchées.
 
Dans la classe politique turque, le parti de M.Erdogan (AKP) est bien sûr favorable au référendum tout comme une grosse partie du parti nationaliste (MHP). En revanche, le CHP (parti à caractère social-démocrate) est opposé à cette réforme tout comme le HDP (le parti de gauche, favorable aux minorités, dont les Kurdes).
 
Aujourd’hui, très difficile de dire qui peut gagner le référendum du 16 avril. Cela peut se jouer en partie sur le vote des Kurdes qui pourraient largement s’abstenir, s’étant éloignés de la politique turque après la très dure répression de 2015. Le HDP appelle à voter «non» et même le PKK dit qu’il faut voter. Si les Kurdes ont plutôt voté pour le HDP, on estime cependant que 40% des Kurdes étaient des électeurs de l’AKP.
 
En cas de victoire du «non», on pourrait assister à un éclatement du parti nationaliste et voir des fissures au sein même de l’AKP. Mais cela ne signifie pas qu'Erdogan devrait partir. Il n’aurait perdu qu’une partie de sa légitimité. 

Avec ce référendum, Erdogan est-il un de Gaulle turc ou un nouveau Sultan?
On ne peut pas parler d’un de Gaulle turc. On ne peut pas le comparer, ce serait faire injure au président français qui n’a mis personne en prison. Erdogan est davantage une sorte de nouveau sultan dans la tradition du despotisme oriental. C’est plus une sorte de nouveau Poutine.
 
Jusqu’à il n’y a pas très longtemps, Erdogan a été un démocrate par opportunisme parce que l’environnement international le lui imposait, et notamment en raison de sa volonté d’entrer dans l’Europe. Or, l’environnement a changé et l’idée d’entrer dans l’Europe a été bloquée... par l’Europe.

De plus, la société turque vit des tourments extrêmes. Résultat, Erdogan apparaît comme un autocrate, comme il en existe beaucoup en Asie centrale (Turkménistan, Azerbaïdjan…). 
 
Pour l’instant, il a été élu sans tricher. Mais l’opposition parle déjà, en cas de «oui» au référendum, de la mise en place d’une dictature élue. 

Ahmet Insel vient de publier
«La nouvelle Turquie d’Erdogan»
Editions La Découverte

(Edition actualisée en 2017)

 


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