Libération de Mathias Depardon : "Ankara a vraiment envie qu’une partie du pays échappe au regard étranger"
Invité de franceinfo, samedi 10 juin, le président de RSF, Christophe Deloire, rappelle que "plus de cent [journalistes turcs] sont en détention, simplement pour avoir exercé légitimement le journalisme".
Le photojournaliste français Mathias Depardon, détenu pendant un mois en Turquie après avoir été arrêté pendant un reportage dans le sud-est du pays, est rentré vendredi 9 juin en France. Pendant sa détention, il a notamment été soutenu par Reporters sans frontières. Le président de l’ONG, Christophe Deloire, était l’invité de franceinfo samedi.
franceinfo : Quel sentiment avez-vous eu pendant la détention de Mathias Depardon ?
Christophe Deloire : C’était extrêmement inquiétant, pour lui, parce qu’il savait qu’il y avait une enquête avec des incriminations très fortes, sur la base de photos anciennes de militants du PKK [Parti des travailleurs du Kurdistan, organisation séparatiste classée 'terroriste' par Ankara, ndlr], et de photos plus récentes de bâtiments résidentiels mais dans lesquels logeaient des forces de l’ordre, une enquête qui n’avançait pas volontairement -il a fallu un mois pour que des photos argentiques soient développées- c’est dire à quel point la justice turque voulait aller vite. En fait, l’objet, c’était de le garder en détention, une détention politique, et qui dit détention politique dit risque très fort. Cela faisait quelques jours que nous avions des signaux positifs mais nous savions aussi que cela pouvait basculer dans l’autre sens.
Quel était le message du président turc à travers l’arrestation d’un journaliste étranger ?
Ca n’est pas très facile à élucider, parce qu’en ce moment la France a plutôt de meilleures relations diplomatiques avec la Turquie que n’en ont les Pays-Bas, l’Allemagne ou l’Autriche. Les Allemands ont d’ailleurs un journaliste germano-turc en détention depuis février. Mais le message envoyé est avant tout destiné aux journalistes étrangers. Les journalistes turcs ont, eux, des messages très clairs, plus de cent d’entre eux sont en détention, simplement pour avoir exercé légitimement le journalisme. Des centaines de médias ont été fermés et des centaines de cartes de presse, supprimées.
Comment travaille-t-on aujourd’hui en Turquie ?
C’est beaucoup plus compliqué ! Les cameramen de médias étrangers racontent que, lorsqu’ils sont dans la rue, à chaque instant les policiers viennent leur demander leurs papiers. Ils présentent leurs papiers, on leur demande leur autorisation. Ils présentent l’autorisation, on leur demande encore autre chose. C’est une pression constante, une pression sur tous ceux notamment qui veulent se rendre dans ces régions du sud-est. Ankara a vraiment envie qu’une partie du pays échappe au regard étranger.
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