"Erdogan n'aime pas les personnes éduquées" : la Turquie confrontée à la fuite de ses médecins vers l’étranger

De plus en plus de médecins quittent le pays. La crise économique, l’absence de perspectives, un climat politique délétère… Autant de raisons pour expliquer leur envie d’exil. L’association des médecins turcs tire la sonnette d’alarme.
Article rédigé par France Info - Marie-Pierre Vérot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Le docteur Vedat Bulut, secrétaire général de l'Association des médecins turcs, le 6 janvier 2023. (MARIE-PIERRE VEROT / RADIO FRANCE)

C'est une véritable hémorragie : des médecins turcs, de plus en plus nombreux, quittent le pays. En 2022, ils étaient 2 685, soit le double de l’année précédente. "2 685, c'est l'équivalent de plusieurs promotions de diplômés qui sont partis à l'étranger l'an dernier", se désole le docteur Vedat Bulut, secrétaire général de l'Association des médecins turcs. Et l'exode s'amplifie.

"Aujourd'hui, nous perdons des chirurgiens très qualifiés, des spécialistes, notamment tous ceux qui travaillent en unité de soins intensifs, s'alarme le Dr Bulut. Ils partent dans les pays occidentaux. C'est un très gros problème pour l'avenir".

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Les conditions économiques, un salaire de 800 dollars (760 euros) pour un généraliste en début de carrière, 1 500 dollars (1 430 euros) pour un spécialiste, n'y sont bien sûr pas étrangères, tout comme la multiplication des actes de violence contre les médecins. Mais pas seulement. "Je veux partir en Allemagne, explique Ayşe Gül, anesthésiste à Istanbul. J'ai trois enfants et en Turquie, il est très difficile de leur donner une bonne éducation. Mais ce n'est pas seulement pour l'éducation, c'est aussi pour leur futur".

"Mon pays va devenir une république islamique. On ne peut rien y faire."

Ayşe Gül, anesthésiste à Istanbul

à franceinfo

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Pour avoir un salaire décent, elle enchaîne les journées dans une clinique privée et les nuits à l'hôpital. Épuisée, en guerre aussi contre la nouvelle réforme qui privatise la santé, l'anesthésiste esquisse un sourire de lassitude sous sa crinière brune. "Erdogan n'aime pas les personnes éduquées. Il n'aime pas les médecins, les ingénieurs, les professeurs. Il ne nous aime pas parce que lorsqu'il parle, nous pouvons le contredire. Il a un problème avec les médecins. Il a dit : s'ils veulent partir, qu'ils partent. Et bien oui, nous partons !"

En juin, elle bouclera ses valises. Elle rejoindra la cohorte des médecins turcs qui continuent à s'exiler. Jeunes diplômés, spécialistes expérimentés, professeurs des universités qui pourraient être encore plus nombreux à franchir le pas l'année prochaine.

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