Elections en Turquie : ce qu'il faut retenir du premier tour, à l'issue duquel Erdogan et Kiliçdaroglu sont en ballotage
La Turquie ne connaît pas encore son prochain président. Au lendemain d'une élection qui a vu une mobilisation sans précédent de l'électorat, dimanche 14 mai, le chef de l'Etat sortant, Recep Tayyip Erdogan, et son principal rival, le progressiste Kemal Kiliçdaroglu, se dirigent, lundi, vers un second tour inédit dans l'histoire de la République turque.
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A 9 heures (heure de Paris), l'agence officielle Anadolu attribuait 49,42% des voix au "reis" sortant et 44,95% au chef de file de l'opposition, après le décompte de 99,37% des bulletins. A la même heure, l'agence indépendante Anka octroyait 49,25% des suffrages à Recep Tayyip Erdogan et 45,05% à Kemal Kiliçdaroglu, après dépouillement de 99,83% des votes. Voici ce que l'on peut retenir de ce premier tour qui s'est, jusqu'ici, déroulé sans incident notable.
Recep Tayyip Erdogan fait de la résistance
Malgré la crise économique en Turquie et des sondages défavorables, le président sortant continue d'être soutenu par une grande partie de l'électorat. En début de soirée, dimanche, il était même crédité d'une avance confortable par l'agence Anadolu avec 54,3% des suffrages, de quoi potentiellement lui offrir une victoire dès le premier tour. Cette avance a toutefois fondu au fil des heures, passant sous la barre des 50% avant minuit. Au cœur de la nuit, le chef de l'Etat de 69 ans s'est dit "clairement en tête".
"Le peuple a choisi la stabilité et la sécurité lors de cette élection présidentielle."
Recep Tayyip Erdogandevant ses partisans à Ankara, dans la nuit
Malgré un taux de participation estimé par l'agence Anka à 89%, le social-démocrate Kemal Kiliçdaroglu, à la tête d'une coalition inédite de six formations de l'opposition, n'a pas encore réussi son pari de réunir une majorité d'électeurs derrière lui. "Nous sommes en tête", a pourtant avancé, dans la soirée, cet ancien haut fonctionnaire de 74 ans. L'un de ses alliés, le maire d'Istanbul, Ekrem Imamoglu, a appelé "les citoyens à ne pas tenir compte des chiffres donnés par Anadolu" aux premières heures du dépouillement.
D'après les cartes d'Anadolu et d'Anka montrant les résultats quasi-définitifs, Kemal Kiliçdaroglu arriverait en tête dans les zones du littoral ouest et sud du pays, d'Istanbul à Mersin, en passant par Izmir, Bodrum et Antalya, ainsi que dans une grande partie des zones kurdes à l'Est. Recep Tayyip Erdogan, lui, l'emporterait dans presque tout le reste du pays, à l'exception notable de la capitale Ankara. Il serait majoritaire dans les zones les plus touchées par les séismes de février, près de la frontière syrienne.
Vers un second tour inédit et disputé
Les deux principaux prétendants se disent tous deux en mesure de l'emporter lors d'un éventuel second tour, qui doit avoir lieu le 28 mai. Ce ballotage constitue déjà, en soi, un revers pour Recep Tayyip Erdogan. C'est la première fois depuis son accession à la présidence turque en 2014 que le chef de l'Etat est contraint à un tel scénario. En 2018, lors de la dernière présidentielle, l'autocrate islamo-conservateur l'avait emporté au premier tour avec plus de 52,5% des voix. "Si le peuple nous emmène au second tour, nous le respecterons", a-t-il promis, dans la nuit, devant ses supporters, se disant convaincu "de servir encore son pays pendant cinq ans".
Peu après, son rival a affiché, lui aussi, son optimisme. "Si notre nation demande un second tour, nous l'acceptons volontiers. Et nous allons absolument gagner ce second tour", a-t-il lancé depuis Ankara, entouré des représentants des six partis de sa coalition. "Le besoin de changement dans la société est supérieur à 50%. Nous devons absolument gagner et installer la démocratie dans ce pays", a-t-il martelé.
Le troisième candidat, Sinan Ogan, pourrait jouer les faiseurs de roi. Ce dissident du parti nationaliste MHP, formation d'extrême droite proche du pouvoir en place, était crédité, lundi matin, d'environ 5,25% des voix. "Nous allons avoir 15 jours difficiles devant nous en cas de deuxième tour", a-t-il prévenu, dimanche soir, en refusant de dire quel candidat il soutiendrait.
Le bloc présidentiel en tête des législatives
Les 64 millions d'électeurs appelés à voter en Turquie, dimanche, devaient aussi désigner les 600 députés qui siégeront au parlement monocaméral d'Ankara. Recep Tayyip Erdogan en a, pour l'heure, revendiqué la "majorité" pour l'Alliance nationale qu'il a formée entre son parti, l'AKP, et de petits partis nationalistes et islamistes. A 9 heures (heure de Paris), l'agence Anadolu accordait 49,34% des voix à ce bloc présidentiel, en y incluant le MHP, sur la base de 98,96% des bulletins dépouillés. L'agence Anka attribuait, elle, 49,86% des voix aux quatre formations de l'Alliance.
Les législatives se déroulent à la proportionnelle et permettent de former la Grande assemblée nationale, un parlement au rôle éclipsé par le régime présidentiel fort mis en place par la réforme constitutionnelle de 2017. Le bloc formé par l'AKP de Recep Tayyip Erdogan et ses alliés du MHP détient actuellement la majorité. L'opposition ambitionnait de la lui ravir, voire d'obtenir la majorité des deux tiers requise pour modifier la Constitution.
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