Cet article date de plus de neuf ans.

Attentat Ankara : la Turquie en plein désarroi politique

L’attentat de samedi (10 octobre 2015) à Ankara, qui a fait 97 morts, selon le gouvernement et 128 selon l’opposition, plonge la Turquie dans un doute existentiel. Confronté à ses paradoxes, le régime de Recep Tayyip Erdogan paraît à bout de souffle. Les législatives du 1er novembre risquent de réserver beaucoup de surprises.
Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3min
Militants de l'AKP à Istanbul, le 7 octobre 2015. (OZAN KOSE / AFP)

La confiance est rompue. Le président Recep Tayyip Erdogan a fait le vide autour de lui, son emprise ne dépasse plus son cercle immédiat. Le Parti de la justice et du développement (AKP) ne bénéficie plus de majorité. L’attentat d’Ankara met à nu les contradictions de la majorité islamo-nationaliste. Les indicateurs sont au rouge : économie en berne, guerre contre les Kurdes du PKK, rupture politique entre gauche et islamo-conservateurs, médias au pas… L’appel de Recep Tayyip Erdogan à l’unité nationale après l’attentat d’Ankara a fait long feu. Dès le lendemain, des milliers de manifestants, dans la capitale ont fait porter la responsabilité au gouvernement à cause de «sa négligence».
 
«Que Dieu ait pitié de nos concitoyens qui ont péri dans l'attaque, leurs familles, condoléances de notre nation, je souhaite aux blessés un prompt rétablissement», Erdogan. 


Les législatives maintenues pour le 1er novembre
Le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu est déterminé : «Quelles que soient les circonstances, les élections auront lieu.» En temps et en heure. Dans une Turquie en proie aux doutes et à la méfiance, le parti d’Erdogan veut éviter à tout prix l’expérience du 7 juin 2015, scrutin qui a vu l'AKP se retrouver sans majorité. Après 13 ans de pouvoir, l’AKP n’attire plus les foules, usé par les affaires et érodé par un autoritarisme mis à nu par une économie essoufflée. Que va-t-il se passer le 1er novembre ? L’AKP lance des messages anxiogènes à la population. Sans majorité claire en faveur de Recep Tayyip Erdogan, la Turquie serait en danger, et son unité nationale menacée. Et de désigner l’ennemi : «la gauche terroriste» pro-kurde. Les Turcs seront-ils réceptifs à cette binarité ? Rien n’est moins sûr.


La bête noire d’Ankara, Selahattin Demirtas, le chef de file du Parti démocratique des peuples (HDP), formation pro-kurde qui s'estime visée par l'attentat du 10 octobre, accuse les islamo-conservateurs de mener la politique du pire. Selon ce parti de gauche, le bilan serait de 128 morts et non de 97, comme annoncé officiellement par le gouvernement.

Daech, suspect N°1
Pour le Premier ministre Ahmet Davutoglu, c’est bien l’Etat islamique qui serait derrière l’attentat d’Ankara. L’opposition en profite pour mettre en exergue «les errements idéologiques» de Recep Erdogan qui aurait plus bombardé les Kurdes que Daech.


Les législatives du 1er novembre s’annoncent comme un affrontement entre islamo-nationalistes et gauche laïque pro-kurde. Les premiers veulent récupérer une majorité absolue pour se passer d’alliance et les seconds rêvent de «renverser la dictature». La Turquie est plus que jamais divisée. 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.