Tsunami : dix ans après, la métamorphose de Banda Aceh
Les écoles neuves se comptent par dizaines. Les hôpitaux, le réseau électrique, les routes... tout est flambant neuf. Depuis 10 ans, la ville dévastée par le tsunami est en pleine renaissance se réjouit Paulan. C'est un Indonésien, qui travaille dans l'humanitaire.
"Avant, on voyait la mer d'ici, alors qu'on est à deux kilomètres, car tout était rasé, détruit. Maintenant, on ne la voit plus parce que la reconstruction est terminée. Il y a de beaucoup de grands bâtiments, souvent de deux étages, beaucoup de circulation automobile, des embouteillages... L'économie va beaucoup mieux qu'avant 2004. C 'est mieux, c'est beaucoup plus coloré".
Après le tsunami, les plus pessimistes estimaient que 10 années seraient nécessaires pour reconstruire Banda Aceh. Finalement, les chantiers les plus importants ont été achevés en un temps record, un peu plus de 5 ans. Mais, en réalité, toutes les traces du tsunami ne sont pas effacées.
Dans le quartier de pêcheurs d'Uhle-Leu, Suryadama, 52 ans, attend toujours le logement que les autorités lui ont promis. Dix ans après avoir perdu sa femme et sa maison, il vit dans une petite cabane dépourvue de tout confort.
"Voici ma chambre, avec un matelas que je peux rabattre le long du mur... Voici la moustiquaire et ce réchaud, c'est ce qui me sert pour cuisiner. Je fais ma toilette dans la mer et pour l'eau potable, j'ai un petit puits, derrière. Regardez, ça, c'est la liste des victimes du tsunami qui n'ont pas eu de maisons. On a rempli tous les papiers que le gouvernement nous demandait, mais pour l'instant, on a toujours rien".
Et pourtant, à Banda Aceh et dans les environs, des maisons financées par la Turquie sont vides. Dans un autre quartier, tous les logements construits ou financés par des donateurs étrangers sont habités. Mais les occupants ne sont pas toujours légitimes, regrette Badriati. La jeune femme a perdu deux de ses enfants dans le tsunami.
"Il y a des gens qui habitent ici et qui n'ont pas été victimes du tsunami. Ils ne devraient donc pas avoir le droit d'avoir une maison. Mais les autorités et les chefs de village sont parfois corrompus. Ils ont gagné de l'argent avec les maisons. Parfois, il suffisait de leur verser des pots-de vin, par exemple à une époque, deux millions de roupies (l'équivalent de 130 euros) suffisaient à obtenir une maison".
Les autorités et les ONG qui ont participé à la reconstruction de Banda Aceh ne contestent pas les problèmes d'attribution de maisons. Mais pour Myrna Remata-Evora, directrice pour l'Indonésie de l'ONG Plan, chacun a fait du mieux qu'il a pu.
"On a surveillé à qui les maisons étaient attribuées, grâce à un système d'évaluation avec la participation des gens concernés parce que ces gens savent quels sont les besoins et qui étaient les victimes. De toute façon, nous n'avions plus de registres ou de cadastres à disposition. Ce n'est jamais parfait à 100% mais je dirais que nous avons limité les erreurs. La procédure a été efficace dans 80 ou 90% des cas".
Rien que pour l'Indonésie, l'ONG Plan a investi 12 millions d'euros pour reconstruire des maisons, des écoles, des crèches et des réseaux d'approvisionnement en eau. D'importantes sommes ont aussi servi à développer un système d'alerte sophistiqué pour prévenir la population en cas de tsunami. Mais Hasan Nudin, qui vit dans un quartier submergé il y a 10 ans, doute de l'efficacité du système.
"Nous ne pouvons pas faire confiance au système d'alerte car l'alarme ne fonctionne pas. Il y a quelques mois, elle s'est déclenchée par erreur et ça a mis la panique. Les gens ont fui, il y a eu des accidents, et ils ont été blessés à cause de quelque chose qui ne s'est même pas produit. S'il y a un fort tremblement de terre, alors il faut fuir sans attendre le déclenchement de l'alarme. Ils ont fait ça juste pour rassurer les gens".
Dix ans après le tsunami, l'aide internationale a transformé la ville de Banda Aceh. Au milieu des bâtiments neufs, les traces de la catastrophe sont à peine visibles. Seuls demeurent quelques stigmates, volontairement conservés, comme ce bateau que le tsunami a propulsé en plein centre ville, à 3 kilomètres de la mer.
Dans l'école élémentaire Lamnga de Banda Aceh
L'océan est juste de l'autre côté de la route, à 50 mètres de l'entrée de l'école. En 2004, l 'établissement n'a pas résisté longtemps. La vague a tout englouti: 3 instituteurs et 83 élèves ont disparu.
Depuis le tsunami, des intervenants viennent dans les classes. Ils forment les 151 élèves à la conduite à tenir, en cas de catastrophe naturelle.
"S'il y a un tremblement de terre, je dois me mettre sous la table" explique Cahayadi, 12 ans. "Et en cas de tsunami, je dois courir courir courir et emprunter la route d'évacuation que l'on nous a montrée".
Dans son bureau, le directeur a affiché les certificats qui attestent que l'école a participé aux exercices d'évacuation. Après le tsunami, M.Saleh, c'est son nom, a longuement hésité avant de reprendre ses fonctions. Lui-même a perdu 2 de ses 3 enfants dans le tsunami.
"Après le tsunami, j'étais comme un robot, j'étais déprimé, je ne savais plus quoi faire. Et après, je me suis repris. Je me suis dit 'tu es un professeur, il faut que tu aides tes élèves à réaliser leurs rêves. Et depuis, j'essaie de leur faire oublier le traumatisme".
Bientôt, les derniers élèves à avoir vécu le tsunami vont quitter l'école. Mais il restera toujours cette veillée de prière, organisée dans l'établissement chaque 26 décembre, en mémoire des victimes.
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