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Projet de loi contre le terrorisme : "On n'a jamais arrêté des attentats avec des lois", tacle Patrice Spinosi, avocat de la Ligue des droits de l'homme

L'avocat accuse les politiciens de faire de "l'affichage" et dénombre pas moins de neuf lois en six ans sur la lutte contre le terrorisme. Il pointe également les inlassables tentatives de porter atteinte aux libertés individuelles sous prétexte d'efficacité sécuritaire.

Article rédigé par franceinfo
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L'avocat Patrice Spinosi. (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

Le gouvernement travaille sur un nouveau projet de loi antiterroriste qui doit être adopté dans les prochains mois par les députés à l'Assemblée nationale. L'exécutif se défend de toute loi de circonstance après l'attaque au couteau de Rambouillet, et assure que cette loi était en cours de préparation bien avant. Invité de franceinfo ce mercredi, Patrice Spinosi, avocat au Conseil d’État, à la Cour de cassation et avocat de la Ligue des droits de l’homme dénonce un texte inutile.

>> Suivez notre direct sur la présentation du nouveau projet de loi antiterroriste en Conseil des ministres.

franceinfo : Cette nouvelle loi peut-elle permettre d'arrêter les attentats ?

Patrice Spinosi : Je pense que l'on n'a jamais arrêté les attentats avec des lois. On est face à une surenchère de lois. Près de neuf lois depuis 2015.

"On arrête les terroristes avec des moyens, on les arrête avec du renseignement, on les arrête en faisant du travail et en faisant circuler des informations entre les différents services."

Patrice Spinosi, avocat

à franceinfo

Alors évidemment, ça se voit beaucoup moins. Il y a moins d'affichage politique, ça prend beaucoup plus de temps, mais c'est beaucoup plus efficace. La plupart du temps, c'est le travail de renseignement qui permettent de remonter les filières et certainement pas l'utilisation de techniques nouvelles.

Le profil des terroristes a changé, parfois agissant en solitaire, parfois se radicalisant seuls sur internet. Est-ce que la surveillance des sites consultés en amont du passage à l'acte permet de mieux les détecter ?

Oui, bien sûr, il y a des gens qui se radicalisent tout seuls. Oui, c'est une menace considérable. Ce n'est pas en surveillant l'ensemble de la population que vous allez réussir à éviter ce type de radicalisation. On est constamment aujourd'hui dans un équilibre entre la prétendue efficacité de notre législation sécuritaire et la défense des libertés. Il y a un grand nombre de ces mesures qui ont d'ores et déjà été invalidées par différentes juridictions. Ce texte n'est que la réponse à l'annulation d'un précédent texte en août dernier dont on se souvient qu'il prévoyait déjà ce genre de mesures. S'agissant de la consultation des sites terroristes, avec la Ligue des droits de l'homme, nous avions fait annuler le délit de consultation habituelle de sites terroristes et le gouvernement s'y est repris à trois fois.

"Quand les juges disent des choses, le gouvernement revient toujours dans la même logique de sécurité, sans prise en considération des libertés des citoyens."

Patrice Spinosi

Gérald Darmanin expliquait il y a quelques jours que toutes les grandes entreprises utilisent déjà cette technologie qui vise à surveiller internet et que l'État ne peut pas être le seul à ne pas le faire...

D'abord, les grandes entreprises n'ont pas du tout la même finalité que l'État. Les grandes entreprises cherchent à faire du ciblage commercial. Elles ne cherchent absolument pas à surveiller les personnes. Les groupes privés cherchent à vous vendre de la publicité. L'État, lui, cherche à vous espionner.

"Dès qu'on parle de législation antiterroriste, les gens se sentent dégagés de ces questions en disant : 'C'est pour les autres'. Ce n'est pas vrai."

Patrick Spinosi

Il y a un lien extrêmement fort entre toutes ces législations d'exception. L'état d'urgence s'inspire des législations antiterroristes. On est en train de pérenniser aujourd'hui des mesures qui ont été initiées dans l'état d'urgence. Les perquisitions administratives ont été créées dans l'état d'urgence. Aujourd'hui, il faut bien que les gens comprennent que toute ces législations antiterroristes, ces législations qui permettent la surveillance de masse et qui sont vendues avec le but de faire de l'antiterrorisme, c'est un risque pour toutes les personnes et non pas simplement pour les terroristes.

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