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Militaires français morts au Mali : quatre questions sur Barkhane, la plus importante opération dans laquelle la France est actuellement engagée

Environ 4 500 militaires français sont mobilisés dans le cadre de cette opération, lancée en août 2014 pour stopper la progression des groupes jihadistes dans la région.

Article rédigé par franceinfo avec AFP et Reuters
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Temps de lecture : 6min
Un militaire français participant à l'opération Barkhane, le 27 mars 2019 dans la région de Gourma (Mali). (DAPHNE BENOIT / AFP)

"Cette terrible nouvelle endeuille nos armées, la communauté de défense et la France toute entière." Mardi 26 novembre, en début d'après-midi, la ministre des Armées, Florence Parly, a pris la parole depuis son ministère pour rendre hommage aux treize militaires morts lundi dans un accident d'hélicoptères dans la région de Ménaka, dans l'Est du Mali.

Il s'agit du plus lourd bilan humain pour les militaires français depuis le début de leur déploiement au Sahel en 2013, et l'une des plus grandes pertes de l'armée française depuis l'attentat du Drakkar au Liban, en 1983, qui avait fait 58 morts. Franceinfo se penche sur l'opération Barkhane, à laquelle les treize militaires prenaient part.

Quelle est l'histoire de cette mission ?

Barkhane débute en août 2014, et prend ainsi le relais de deux autres opérations extérieures : Serval, lancée en janvier 2013 par François Hollande pour arrêter la progression de colonnes jihadistes qui contrôlent le Nord du Mali, et Epervier, lancée en 1986 pour venir en aide au régime tchadien et chargée ensuite de protéger les intérêts français sur place.

A l'époque, l'exécutif justifie la mise en œuvre de cette opération par la nécessité de s'adapter à la menace terroriste dans cette zone. Serval a en effet permis de chasser les jihadistes des principales villes du Nord du Mali, mais sans éradiquer les combattants qui se réfugient dans des zones rurales. C'est donc pour "aborder la menace terroriste sous une approche régionale, plus adaptée aux mouvements transfrontaliers des différents groupes", comme l'écrit Le Parisien, qu'Epervier et Serval fusionnent.

Tirant son nom d'une dune prenant la forme d'un croissant sous l'effet du vent, Barkhane est actuellement la plus importante opération extérieure de l'armée française, avec environ 4 500 militaires mobilisés. Ceux-ci sont déployés sur l'ensemble de la bande sahélo-saharienne, entre la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad, soit une zone vaste comme l'Europe.

Que font actuellement les militaires français engagés ?

Sur son site internet, le ministère des Armées explique que les soldats français déployés sur cette zone sont chargés de remplir trois missions : maintenir la pression sur les groupes armés terroristes, en "démantelant leurs caches" d'armes et d'explosifs et en empêchant les opérations de ravitaillement, mettre en place un "partenariat militaire opérationnel" avec les armées des cinq pays concernés par l'opération, et, enfin, "agir au bénéfice de la population locale". Paris met en avant la mise en œuvre, en 2018, de vingt-trois projets, dont huit d'adduction d'eau, destinés à la population de la région du Liptako, où l'accident d'hélicoptères s'est produit lundi.

Pour mener à bien cette mission, l'Etat consacre chaque année 700 millions d'euros à Barkhane, comme le rappelait en août la radio RFI. Une somme conséquente, que l'armée utilise également depuis octobre 2017 pour remplir deux autres missions, non inscrites sur le site du ministère : "Produire du renseignement humain, par la constitution d'un réseau de sources dans la population ; occuper durablement le terrain avec les armées du Sahel", écrivait Le Monde en juillet 2018.

La France est-elle isolée sur le terrain ?

Non, mais avec ses 4 500 hommes sur place, elle joue un rôle prépondérant. Les différentes armées nationales de la région sahélienne sont en effet au front depuis 2012. Sous-équipées, sous-entraînées, sous-financées, elles paient un lourd tribut dans la guerre menée contre les jihadistes, regroupés sous la bannière d'Al-Qaïda pour certains, du groupe Etat islamique pour d'autres, ou encore de l'organisation indépendante Ansarul Islam.

Pour les épauler, une mission de formation a été déployée par l'Union européenne (EUTM) en 2013, rappelle Le Monde. L'ONU a de son côté envoyé la même année la force de maintien de la paix Minusma (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali). Forte d'environ 13 000 Casques bleus, elle est l'une des missions les plus importantes de l'ONU. Et l'une des plus meurtrières : elle a perdu plus de deux cents soldats.

Sous l'impulsion de Paris, qui voit en elle la perspective de son désengagement à long terme, les Etats sahéliens ont enfin créé en 2017 la Force conjointe du G5 Sahel. Mais, perturbée par des problèmes de financement et d'organisation, elle n'a pas encore eu l'impact escompté.

Quelle est l'efficacité de l'opération Barkhane ?

La présence de 4 500 soldats français et de 13 000 Casques bleus alliés aux armées nationales face à un nombre estimé à quelques milliers d'ennemis n'a pas endigué l'expansion jihadiste. Les terroristes mènent ainsi des actions ciblées et quasiment hebdomadaires, notamment au Burkina Faso.

L'automne a été meurtrier. Depuis septembre, plus de 170 soldats maliens et burkinabè ont été tués sur le terrain. Quatorze soldats français sont également morts depuis début novembre. Lors d'une récente visite au Sahel, la ministre des Armées avait prôné la "patience" dans la guerre contre les jihadistes au Sahel.

Barkhane ne s'enlise pas. Barkhane s'adapte en permanence.

Florence Parly, ministre des Armées

lors d'un déplacement au Sahel

Si le monde politique a unanimement exprimé son émotion après la mort des treize militaires engagés au Sahel, les députés de La France insoumise, tout en exprimant leur "vive émotion", ont affiché leur divergence. Ils ont appelé le gouvernement à "ouvrir une discussion sérieuse et rationnelle pour envisager les voies de sortie" de la "guerre" au Mali. Car, pour eux, "le sens" de ce conflit "échappe désormais à nombre de nos compatriotes et de Maliens eux-mêmes".

"L'heure n'est pas au questionnement sur le bien-fondé ou pas de cette opération, l'heure est au recueillement", a rétorqué la ministre des Armées lors d'une conférence de presse organisée pour rendre hommage aux victimes de l'accident.

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