Syrie: Homs, le martyre d'une ville frondeuse
A l'époque romaine, la ville est connue sous le nom d'Emesa. Elle est le lieu de naissance de Julia Domma, l'épouse du chef Septime Sévère devenu empereur de Rome en 193. Une lignée qui donna quatre empereurs dont Caracalla et Héliogabale. De tous temps, les habitants de la ville sont connus pour leur esprit frondeur.
En 1400, l'humour des habitants de Homs les aurait sauvés de la conquête de Tamerlan qui marchait sur Damas. Confrontés à des éclaireurs du conquérant, ils les accueillirent de façon extrêmement bizarre, en dansant et riant à gorge déployées, déclarant que quiconque entrait dans la ville devenait fou, échappant ainsi à l'occupation moghole. La tradition d'un jour des fous s'est perpétrée jusqu'au milieu du XXe siècle.
En 1954, Homs a abrité des réunions de groupes politiques, désireux de mettre fin au règne du tyrannique Adib Chichakli.
L'époque actuelle
Dans les années soixante les tensions confessionnelles commencent à Homs avec l'arrivée massive d'Alaouites, de même confession qu’Hafez-al-Assad, père de l’actuel président. Venus des campagnes, ces Alaouites ont été privilégiés dans l'attribution des postes dans les administrations et les entreprises publiques, au détriment de la majorité sunnite. Les autorités n’ont eu qu’à souffler sur les braises "au mois de mai, pour attiser les dissensions confessionnelles", selon de nombreux opposants.
Troisième ville syrienne par sa population de 1.600.000 habitants, Homs est le poumon industriel du pays avec des raffineries de pétrole, des champs gaziers et une ligne d'assemblage d'automobiles iraniennes. Mais elle est surtout la cible de la répression menée par le régime de Bachar al-Assad. Divisée en quartiers étanches, sunnites, alaouites, chrétiens et mixtes (deux tiers des habitants étant sunnites et un quart alaouite), la ville connaissait traditionnellement une cohabitation de raison avant le début de la révolte actuelle. La rébellion n’est d'ailleurs pas née à Homs, mais les manifestations pacifiques y ont rapidement été quotidiennes après la mort en avril d’un cheik de tribu, Faraj Abou Moussa tué, selon l’opposition, par les milices du régime.
En septembre 2011 la situation a dégénéré avec le début de meurtres confessionnels, suivis de vendettas. Puis les enlèvements sont devenus monnaie courante entre les membres des camps alaouite et sunnite. Le régime a ensuite exercé un chantage sur les alaouites en leur disant en substance: "vous êtes avec nous, sinon vous aurez des problèmes", indique Bouran Ghalioum, le président du Conseil national syrien (opposition). La peur a gagné les membres de cette communauté, à qui le pouvoir a livré des armes.
La répression prend un tour très violent.
L’armée a tiré à balles réelles sur les manifestants avec des snipers installés sur les toits qui ont semé la terreur. En retour, la population a commencé à se défendre avec l’aide de déserteurs de l’armée, nombreux dans la zone car Homs possède un centre de formation de l’armée.
Des soldats de l'armée syrienne font défection à Homs
(Syrie libre, le 26/01/2012)
Le 3 février 2012, un nouveau cap a été franchi lorsque les chars et l’aviation de Bachar al-Assad sont entrés en action dans la ville. Ils ont tiré sur des quartiers très peuplés, faisant des centaines de morts. Cette violence extrême est désormais la règle.
Le 16 février 2012, un vote à l’Assemblée générale de l’ONU a condamné pour la première fois la répression en Syrie, mais le carnage continue.
"Les habitants de Homs sont fiers de leurs prouesses dans l’insurrection et de leur résistance malgré le pilonnage et les pertes qu’ils subissent", indique le professeur Hassan Abbas. Ils sont également inventifs : pour faire parvenir les témoignages et les images de leur lutte à l’étranger, ils utilisent des frondes qui envoient des clés USB au-dessus de la tête des policiers. Elles parviennent de la sorte à leur amis de l’autre côté de l’avenue où ont lieu des affrontements.
Certains observateurs estiment que le régime veut "nettoyer" la ville avant de retirer ses forces.
Le 15 février 2012, Alain Juppé a réclamé la mise en place de couloirs humanitaires alors que la situation humanitaire est un vrai désastre.
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