Syrie: entre Américains et Russes, une guerre qui ne dit pas son nom
A quelques heures de l’ouverture des débats de l’Assemblée générale de l’ONU, la très relative trêve d’une semaine laborieusement concoctée par le secrétaire d’Etat américain John Kerry et son homologue russe Sergueï Lavrov s’est achevée dans le sang.
Samedi 17 septembre, deux jours avant son expiration, un raid de la coalition conduite par Washington est mené contre des positions de l’armée syrienne près de Deir ez Zor dans l’est du pays. Le bilan de l’attaque est lourd : 90 soldats sont tués et une centaine d’autres blessés.
Washington invoque une erreur de ciblage
La coalition américaine a aussitôt exprimé ses «regrets» pour une erreur de cible, affirmant penser viser des djihadistes de l’EI, en principe exclus de la trêve. Moscou et Damas ont aussitôt dénoncé le raid et Bachar al-Assad a accusé Washington d’avoir commis «une agression flagrante.»
Lundi 19 septembre en fin de journée, Damas annonce la fin de la trêve, et moins de deux heures après reprend les bombardements contre les quartiers rebelles de la ville d’Alep et sa province. Au moins 36 civils ont été tués, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH).
Dans la foulée, un raid aérien meurtrier est mené contre un convoi humanitaire de l’ONU à destination des villages assiégés de la région. Bilan: 18 des 31 véhicules chargés de farine et de matériel médical endommagés et une vingtaine de civils tués, dont un responsable du croissant-rouge syrien.
L’OSDH n’était pas en mesure de préciser la nationalité des appareils qui ont frappé, mais une chose est sûre, c’est que la rébellion ne dispose pas de force aérienne.
La réaction de l’ONU a été immédiate. «S’il s’avère que cette attaque impitoyable a délibérément visé des humanitaires, alors elle équivaut à un crime de guerre», a déclaré Stephen O’Brien, patron des opérations humanitaires des Nations Unies.
Moscou dément que l'aviation russe ou syrienne ait attaqué le convoi
Pour sa part, l’émissaire spécial de Ban Ki-moon, Staffan de Mistura a déploré l’opération contre ce convoi, «résultat d’un long processus d’obtention de permissions», qui s’apprétait à livrer des aides pour quelque 80.000 personnes.
Quant au Département d’état américain, il s’est dit «scandalisé» par l’attitude la Russie, alliée du régime. «Les Russes ont signé un accord, il faut voir maintenant ce qu’ils disent», a déclaré John Kerry, en allusion à l’accord de cessez-le-feu conclu avec Sergueï Lavrov. «Mais le plus important, c’est qu’ils doivent contrôler le président al-Assad», a-t-il ajouté.
Face au tollé que cette action a soulevé, Moscou a démenti laconiquement. «L'aviation russe ou syrienne n'a mené aucune frappe aérienne sur un convoi humanitaire de l'ONU au sud-ouest d'Alep», a déclaré le ministère de la Défense.
Règlement de comptes à New York
Entre la «bavure» américaine de Deir ez Zor et le raid d’«appareils fantômes» à Orum al-Koubra, une guerre qui ne dit pas son nom semble bel est bien engagée entre Washington et Moscou sur le terrain, mais contre des cibles syriennes jusque là.
Dans l’incapacité d’imposer une véritable trêve et de trouver une solution à un conflit vieux de près de six ans, qui a fait plus de 300.000 morts, les responsables des deux pays risquent de transformer la tribune des Nations Unies en scène de règlement de comptes à New York.
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