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Syrie: Donald Trump s’accommode officiellement de Bachar al-Assad

Jusque là, sur la ligne d’Obama qui avait déclaré «il est temps que Bachar al-Assad s’en aille», Washington vient de changer de cap. Deux personnalités américaines l’ont exprimé officiellement en annonçant qu’un tel départ n’était plus une priorité et qu’il appartenait au peuple syrien de décider du sort de son président. Un choix qui rapproche un peu plus Donald Trump de Vladimir Poutine.
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min

Aveu d’impuissance, non assistance à peuple en danger, petits arrangements avec Moscou ou cadeau empoisonné à Vladimir Poutine? Donald Trump a officiellement viré de bord sur le dossier syrien.
 
Jusque là, et pour n’être jamais revenue dessus, la diplomatie américaine en Syrie était toujours alignée sur la position de principe exprimée par Barack Obama.

Le départ d'Assad «n'est plus une priorité» 
Dès août 2011, quand les manifestations pacifistes ont commencé à être réprimées dans le sang, l’ancien président américain avait publié un communiqué cinglant.
 
«Nous avons à maintes reprises expliqué que le président Assad devait mener une transition démocratique ou démissionner. Il ne l'a pas menée. Dans l'intérêt du peuple syrien, le temps est venu pour le président Assad de se retirer», avait-il écrit.
 
Six ans plus tard, l’ambassadrice américaine à l’ONU annonce un brusque changement de cap. «Il faut choisir ses batailles, a déclaré Nikki Haley à un groupe de journalistes à New York. Quand vous regardez la situation, il faut changer nos priorités, et notre priorité n'est plus de rester assis là, à nous concentrer sur faire partir Assad.»
 
Affirmant ne pas se focaliser sur un tel départ comme la précédente administration, elle lance: «Notre priorité est vraiment de regarder comment on peut obtenir des  résultats. Avec qui devons-nous travailler pour réellement faire une différence pour les gens en Syrie?»
 
Plus tôt dans la journée, le secrétaire d’Etat Rex Tillerson avait donné le ton. «Le sort du président Assad, à long terme, sera décidé par le peuple syrien», avait-il déclaré lors d’une conférence de presse à Ankara avec son homologue turc, Mevlüt Cavusoglou.
 
Donald Trump, un choix à la Ponce Pilate
Un virage qui frappe de plein fouet l’opposition syrienne, en plein cinquième round de pourparlers avec le régime sous l’égide de l’ONU.
 
«L’opposition n’acceptera jamais que Bachar al-Assad ait un rôle à aucun moment (…), notre position ne va pas changer», a déclaré depuis Genève un des porte-paroles du Haut comité des négociations (HCN), Monzer Makhos.
 
Toutefois, pour ne pas couper complètement les ponts avec l’administration américaine, Farah Atassi, une autre porte-parole du HCN, a souhaité que les Etats-Unis tiennent un «plus grand rôle, et plus décisif» dans le dossier syrien.
 
Selon elle, Washington a un rôle à jouer pour «limiter l’influence iranienne» et pour faire face «aux Russes qui ont commis un vol armé de la question syrienne».
 

Donald Trump, qui affirmait au New York Times en juillet 2016 que le président syrien était «un sale type» qui faisait «des choses horribles», a apparemment  fait le choix de Ponce Pilate en se lavant les mains du sang de près d'un demi-million de Syriens..

Un rapprochement hasardeux des stratégies de Trump et de Poutine 
Son changement de stratégie le rapproche un peu plus de celle de Vladimir Poutine. Echaudé par la chute de Kadhafi qui lui a déjà fait perdre la case libyenne en méditerranée, le président russe a fait, dès le début, le choix de s’accommoder de Bachar-al-Assad pour ne pas perdre également la case syrienne.
 
Mais le stratège du Kremlin avance dans la région en s’appuyant sur la Turquie et l’Iran. Deux pays qui divergent sur l’avenir d’Assad et qui entretiennent des relations conflictuelles avec les Etats-Unis.
 
Ankara, qui vient de mettre un terme à son opération bouclier de l’Euphrate en territoire syrien, a certes rétropédalé sur son exigence de voir Assad partir. Mais le président Erdogan fulmine sur sa mise à l’écart par Moscou et Washington, de la reconquête de Raqqa aux mains de Daech au bénéfice du YPG, le parti des kurdes de Syrie.
 
Téhéran, qui vient de conforter ses relations avec Moscou, notamment pour la construction de nouveaux blocs de la centrale nucléaire de Bouchehr, soutient toujours inconditionnellement Assad et les milices chiites alliées qui lui viennent en aide. Mais ses relations avec Washington sont exécrables, de nature à compliquer toute négociation entre Trump et Poutine sur la Syrie.

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