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Syrie: après Alep, l’Iran se déclare «première puissance de la région»

A tous ceux qui en douteraient, l’Iran a tenu à rappeler officiellement son rôle dans la «libération» d’Alep et de manière générale en Syrie. Plusieurs responsables politiques et militaires iraniens ont présenté leurs félicitations au régime et des slogans des Gardiens de la révolution ont fait leur apparition à Téhéran attribuant cette victoire «à la lutte contre les Etats-Unis».
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Militants et sympathisants du mouvement chiite libanais pro-iranien du Hezbollah dans la banlieue sud de Beyrouth, le 5 novembre 2016, aux obsèques de trois combattants morts sur le front syrien en soutenant l'armée de Bachar al-Assad. (Stringer/AFP)

Alors que la situation demeure très confuse à Alep-Est concernant le sort de plusieurs milliers de combattants rebelles et de civils, Téhéran a voulu cueillir sans tarder les fruits de cette victoire.
 
Dans la capitale iranienne, des panneaux ont été apposés sur les murs portant l’inscription «la lutte contre les Etats-Unis a encore payé. Alep a été libérée». Un slogan signé des Gardiens de la révolution, la force d’élite du pays, et de la mairie de Téhéran.

Téhéran salue le rôle des milices chiites dans la «victoire» d'Alep 
Selon la télévision d’Etat, le ministre de la Défense, le général Hossein Dehghan, a appelé son homologue syrien Fahd Jassem el Freij afin de «féliciter le peuple et le gouvernement syriens pour les victoires de l’armée syrienne et des forces de la résistance» pour la libération d’Alep des mains des terroristes.
 
Même allusion de la part d’Ali Larijani, président du Parlement iranien, qui a salué «les victoires des enfants valeureux de la région qui ont fait reculer le terrorisme» libérant l’importante ville d’Alep, en Syrie, et bientôt Mossoul, en Irak.
 
Les deux responsables entendaient ainsi souligner le rôle des milices chiites armées, entraînées et encadrées par les Gardiens de la révolution iraniens. A savoir, les milices irakiennes regroupées sous le nom de al Hachd al Chaabi (la mobilisation populaire), les Azaras, des chiites afghans réfugiés en Iran et enrôlés dans la guerre en Syrie et enfin le Hezbollah libanais, fer de lance de l’«axe de la résistance» chapeauté par la République Islamique.

Pour bien enfoncer le clou, le général Yahya Safavi, haut conseiller du guide suprême Ali Khamenei et ancien chef des Gardiens de la révolution, en a profité pour affirmer que l’Iran agissait désormais «comme la première puissance de la région».
 
«La coalition entre l'Iran, la Russie, la Syrie et le Hezbollah a permis la libération d'Alep et libérera prochainement Mossoul (...). Cette  coalition est en train de l'emporter (...), ce qui renforcera encore le poids politique de la République islamique d'Iran dans la région», a-t-il dit.
 
«Le nouveau président américain élu (Donald Trump) devra accepter cette réalité que l'Iran est la première puissance dans la région», a encore lancé le général Safavi à l’attention des Etats-Unis.

Téhéran au secours de Damas au nom d'une vieille alliance stratégique 
C’est au nom de son alliance stratégique avec Damas, établie depuis l’époque où la Syrie était le seul pays arabe à soutenir l’Iran dans sa guerre avec l’Irak, que Téhéran a volé au secours du régime syrien dès les premières semaines du soulèvement populaire en mars 2011.
 
La Syrie a toujours été un passage obligé pour alimenter le Hezbollah, le mouvement chiite libanais créé par l'Iran au Liban en 1982, au lendemain de la révolution islamique de l’Imam Khomeiny.
 
Même si Moscou assure la couverture aérienne de la gigantesque opération de répression engagée par Bachar al-Assad, sur le terrain, sans l’appui des forces pro-iraniennes, le régime se serait déjà effondré, selon de nombreux experts.
 
Dans cette bataille pour la survie du régime, Téhéran assure un soutien politique, financier et militaire au régime syrien. Outre les nombreux conseillers venus encadrer les opérations de reconquête territoriale, des milliers de Gardiens de la révolution, notamment de l’unité d’élite Al Qods, sont venus prêter main-forte à une armée affaiblie et désorganisée.
 
Preuve de cet engagement, en novembre 2016, Mohamed Ali Shahidi Mahallati, directeur de la Fondation des martyrs qui indemnise les familles des soldats tués au front, admettait le bilan de 1000 Iraniens morts au combat en Syrie.

Le renforcement de l'influence iranienne en Syrie 
Un investissement en hommes récompensé par le renforcement de l’influence de la République islamique dans le pays. Outre l’implantation de cadres et de forces dans la capitale pour veiller à la protection de lieux saints chiites, telle la mosquée de Sayyida Zeinab près de Damas, Téhéran a des projets d’avenir.
 
Le chef de l’état-major des forces armées iraniennes a évoqué le 26 novembre 2016 la possibilité que «nous ayons une base navale en Syrie ou au Yémen un jour» dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
 
«La question d’avoir des bases navales dans des régions éloignées est aussi importante que celle de posséder la technologie nucléaire, elle est des dizaines de fois plus importante que la question nucléaire», a expliqué Mohammed Hossein Bagheri.
 
Dans la même logique de puissance régionale développée par Téhéran, le président Hassan Rohani, qui a lui aussi adressé ses félicitations à Bachar al-Assad pour sa «victoire» à Alep, a pris de nouvelles dispositions.
 
Il a ordonné au chef de l’Organisation iranienne de l’énergie atomique (OIEA) «de planifier la conception et la production de moteur à propulsion nucléaire pour le transport maritime». Une mesure présentée comme une riposte au renouvellement des sanctions américaines pour dix ans, en «violation», selon l’Iran, de l’accord sur le nucléaire.

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