Cet article date de plus de huit ans.

Syrie : apparition d’une fissure dans le soutien des alaouites à Bachar al-Assad

Sous couvert d’anonymat, un texte de huit pages circule dans les médias internationaux attestant de l’apparition d’une fissure dans le bloc alaouite, la communauté à laquelle appartient le président syrien Bachar al-Assad. Dans ce document, des dirigeants communautaires et religieux alaouites prennent leur distance à l’égard du régime et appellent à l’arrêt de l’amalgame entre Alaouites et chiites
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min

Diffusé tout d’abord par le célèbre media britannique BBC, puis par le quotidien allemand Die Welt, et relayé par d’autres journaux et médias sociaux, un document intitulé «déclaration de réforme identitaire» entend rappeler que la communauté alaouite de Syrie, 12% d’une population de 24 millions d’âmes, n’est pas toute entière derrière le président Bachar al-Assad.
                  
Sans sortir complètement de l’anonymat pour des raisons évidentes de sécurité, des personnalités dirigeantes ou religieuses de cette communauté ont rédigé un texte de huit pages pour définir les contours de leur identité et ébaucher un avenir laïque pour leur pays.

Un document alaouite qui met en cause la la légitimité du régime Assad 
Epuisés par cinq années d’un conflit meurtrier – pour leur communauté également (70.000 tués selon Die Welt) –, ils affirment que les alaouites ne sont pas une branche du chiisme comme le prétendent certains religieux chiites. Ils insistent sur leur engagement à «lutter contre les conflits sectaires» et aspirent à une gouvernance où islam, christianisme ou toute autre religion seraient traitées sur un même pied d’égalité.
 
Soulignant leur adhésion aux «valeurs de liberté, égalité et citoyenneté», ils estiment que le régime de la famille al-Assad, même s’il contrôle le gouvernement et les services de sécurité depuis plus de quarante ans, ne peut avoir de légitimité «que sur la base des critères de démocratie et des droits fondamentaux».

Des alaouites qui refusent d'être associés «aux crimes du régime»  
Les signataires du document se sont décidés à publier cette «déclaration» en raison du nombre d’alaouites tués pour leur croyance. Pour eux, tous les membres des différents cultes islamiques de Syrie sont «frères et sœurs» et les alaouites ne «devraient pas être associés aux crimes commis par le régime».
 
«Ils ont existé avant ce régime et existeront après», précise encore à la BBC l’un des auteurs du texte. Il espère que cette réaffirmation identitaire coupera le cordon ombilical entre le régime Assad et les alaouites et libèrera la communauté.
 
Autre particularité de cette initiative «authentiquement alaouite, jamais vue en Syrie depuis 1971», selon la formule d’un diplomate occidental, leur volonté de dissocier leur communauté de l’islam chiite.
 
Les auteurs du document admettent en effet avoir le Coran en partage, reconnaissent leur appartenance à l’islam, mais rejettent les lois et fatwas de religieux chiites visant à s'annexer les alaouites.

Dissocier les alaouites des chiites d'Iran et du Hezbollah 
Selon eux, les alaouites ont intégré à leurs traditions des éléments d’autres religions monothéistes telles le christianisme ou le judaïsme. Des éléments qui «ne doivent pas être perçus comme une déviance de l’islam, disent-ils, mais comme une preuve de richesse et d’universalité».
 
Une précision qui vise aussi à dissocier les alaouites de Syrie de la République islamique d’Iran et de la milice libanaise du Hezbollah. Toutes les deux chiites et sans lesquelles le régime de Bachar al-Assad se serait déjà effondré.
 
A la question de savoir qui ces signataires représentent, ils affirment parler au nom des principales fédérations alaouites et avoir le soutien «de milliers et milliers» de personnes.
Par cette déclaration, ils tentent surtout de se positionner en cas d’échec du clan Bachar et prémunir leur communauté de massacres en représailles.

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