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«Les collections des musées ont été mises à l'abri» en Syrie
Quelque 99% des collections des musées syriens ont été mises à l'abri, explique le directeur des Antiquités et des Musées syriens, le professeur Maamoun Abdelkarim, joint au téléphone par Géopolis en Syrie. Dans le même temps, les djihadistes d’EI se livrent à un pillage archéologique de grande ampleur dans les zones qu’ils contrôlent.
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En mars 2015, vous expliquiez à l’AFP que votre direction avait pu sauver 99% des pièces archéologiques appartenant aux 35 musées de Syrie. Confirmez-vous ce chiffre ? Et comment cela a-t-il été rendu possible?
En 2012, j’ai posé deux conditions pour accepter de devenir directeur général des Antiquités et des Musées syriens : la fermeture de ces derniers et la mise à l’abri de leurs collections. J’avais en tête ce qui s’était passé au musée de Bagdad. A cette époque, il n’y avait pas encore Daech. Et on ne pensait pas qu’on arriverait à une situation aussi grave que celle d’aujourd’hui. Mais la menace était quand même très forte.
Grâce au dévouement des 2500 fonctionnaires de ma direction dans toute la Syrie, dont les salaires continuent à être versés, nous avons pu faire transporter plus de 300.000 objets vers des régions sûres. Nous sommes tous conscients de l’importance de sauver notre patrimoine. Je confirme ce chiffre de 99%. C’est donc une victoire pour le peuple syrien !
Vous avez été ainsi amené à travailler dans des zones contrôlées par les rebelles…
Dans une ville comme Bosra (sud), contrôlée par la rébellion, j’ai pu procéder à la nomination d’un nouveau directeur local des Antiquités et nous avons reçu le soutien de la population.
A Deir-es-Zor (est), nous avons fait appel à l’armée syrienne, et 30.000 pièces archéologiques appartenant au musée de la ville ont ainsi été transportées par avion. A Palmyre (centre), nous avons procédé en plusieurs fois. Et les derniers camions ont pu traverser le désert trois heures avant la chute de la ville. A Alep (nord-est), nous avons sauvé 24.000 objets, à Homs (ouest) 15.000. A chaque opération, nous pensions au pire. Heureusement, nous avons pu sauver des trésors inestimables, comme ces 16.500 tablettes cunéiformes datant du 2e et du 3e millénaire avant notre ère.
Si les objets que nous avons sauvés tombaient entre les mains des terroristes, ils seraient détruits ou vendus. Les gens de Daech sont des ignorants, leur pensée est archaïque, sauf peut-être pour se faire de la publicité. Ils vendent tous les objets : métalliques, en bois… Quant aux statues, ils les cassent. Mais ils sont incapables de faire la distinction entre des originaux et des copies. Autre exemple : ils croyaient qu’à Palmyre étaient cachées deux tonnes d’or.
Est-il exact, comme l’a affirmé le «Guardian», que l’ancien directeur des antiquités de Palmyre, Khaled al-Assad, âgé de 82 ans, aurait pu être tué parce qu’il refusait de révéler où se trouvaient certains objets archéologiques de valeur mis en sécurité ?
Absolument pas. Nous avions retiré tous les objets avant que les terroristes n’arrivent. Il n’y avait donc plus rien de caché. Khaled al-Asaad a été tué parce que c’était un homme respecté. Pour Daech, c’était un moyen d’entretenir la terreur. De plus, à leurs yeux, c’était un archéologue qui protégeait des statues et des objets qualifiés d’anti-religieux. On a donc agi avec lui comme on le ferait pour un déchet.
Que savez-vous des pillages de pièces archéologiques et des destructions de sites par les djihadistes du groupe Etat islamique ?
La situation, sur laquelle nous avons alerté la communauté internationale dès 2013, est de plus en plus grave. Dans la vallée de l’Euphrate, les fouilles sauvages sont une catastrophe. A Palmyre, ces fouilles sont menées jour et nuit. A tel point qu’il y a un risque de destruction totale des couches archéologiques. De son côté, le sud du pays est ravagé.
Dans les sites hors des grandes agglomérations, ceux qui organisent les choses font travailler les habitants. Ils procèdent au bulldozer et utilisent d’autres méthodes sauvages. Dans le Sud, ils sont en contact avec des groupes venus de Turquie, dans l’Ouest, avec d’autres venus du Liban.
Et aujourd’hui, où en est votre direction ?
On est fatigué ! A cause de tout le travail qu’il y a à faire, de toutes les mauvaises nouvelles qui tombent. Il s’agit de ne pas perdre espoir. On attend la fin de la crise. Aujourd’hui, le plus important reste d’éliminer Daech. Ensuite, on pourra arriver à se débarrasser de toutes les mafias qui sévissent dans le pays. Mais si on n’élimine pas Daech, on a aucune chance de réussir.
En 2012, j’ai posé deux conditions pour accepter de devenir directeur général des Antiquités et des Musées syriens : la fermeture de ces derniers et la mise à l’abri de leurs collections. J’avais en tête ce qui s’était passé au musée de Bagdad. A cette époque, il n’y avait pas encore Daech. Et on ne pensait pas qu’on arriverait à une situation aussi grave que celle d’aujourd’hui. Mais la menace était quand même très forte.
Grâce au dévouement des 2500 fonctionnaires de ma direction dans toute la Syrie, dont les salaires continuent à être versés, nous avons pu faire transporter plus de 300.000 objets vers des régions sûres. Nous sommes tous conscients de l’importance de sauver notre patrimoine. Je confirme ce chiffre de 99%. C’est donc une victoire pour le peuple syrien !
Vous avez été ainsi amené à travailler dans des zones contrôlées par les rebelles…
Dans une ville comme Bosra (sud), contrôlée par la rébellion, j’ai pu procéder à la nomination d’un nouveau directeur local des Antiquités et nous avons reçu le soutien de la population.
A Deir-es-Zor (est), nous avons fait appel à l’armée syrienne, et 30.000 pièces archéologiques appartenant au musée de la ville ont ainsi été transportées par avion. A Palmyre (centre), nous avons procédé en plusieurs fois. Et les derniers camions ont pu traverser le désert trois heures avant la chute de la ville. A Alep (nord-est), nous avons sauvé 24.000 objets, à Homs (ouest) 15.000. A chaque opération, nous pensions au pire. Heureusement, nous avons pu sauver des trésors inestimables, comme ces 16.500 tablettes cunéiformes datant du 2e et du 3e millénaire avant notre ère.
Si les objets que nous avons sauvés tombaient entre les mains des terroristes, ils seraient détruits ou vendus. Les gens de Daech sont des ignorants, leur pensée est archaïque, sauf peut-être pour se faire de la publicité. Ils vendent tous les objets : métalliques, en bois… Quant aux statues, ils les cassent. Mais ils sont incapables de faire la distinction entre des originaux et des copies. Autre exemple : ils croyaient qu’à Palmyre étaient cachées deux tonnes d’or.
Est-il exact, comme l’a affirmé le «Guardian», que l’ancien directeur des antiquités de Palmyre, Khaled al-Assad, âgé de 82 ans, aurait pu être tué parce qu’il refusait de révéler où se trouvaient certains objets archéologiques de valeur mis en sécurité ?
Absolument pas. Nous avions retiré tous les objets avant que les terroristes n’arrivent. Il n’y avait donc plus rien de caché. Khaled al-Asaad a été tué parce que c’était un homme respecté. Pour Daech, c’était un moyen d’entretenir la terreur. De plus, à leurs yeux, c’était un archéologue qui protégeait des statues et des objets qualifiés d’anti-religieux. On a donc agi avec lui comme on le ferait pour un déchet.
Que savez-vous des pillages de pièces archéologiques et des destructions de sites par les djihadistes du groupe Etat islamique ?
La situation, sur laquelle nous avons alerté la communauté internationale dès 2013, est de plus en plus grave. Dans la vallée de l’Euphrate, les fouilles sauvages sont une catastrophe. A Palmyre, ces fouilles sont menées jour et nuit. A tel point qu’il y a un risque de destruction totale des couches archéologiques. De son côté, le sud du pays est ravagé.
Dans les sites hors des grandes agglomérations, ceux qui organisent les choses font travailler les habitants. Ils procèdent au bulldozer et utilisent d’autres méthodes sauvages. Dans le Sud, ils sont en contact avec des groupes venus de Turquie, dans l’Ouest, avec d’autres venus du Liban.
Et aujourd’hui, où en est votre direction ?
On est fatigué ! A cause de tout le travail qu’il y a à faire, de toutes les mauvaises nouvelles qui tombent. Il s’agit de ne pas perdre espoir. On attend la fin de la crise. Aujourd’hui, le plus important reste d’éliminer Daech. Ensuite, on pourra arriver à se débarrasser de toutes les mafias qui sévissent dans le pays. Mais si on n’élimine pas Daech, on a aucune chance de réussir.
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