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La Turquie entre en Syrie pour combattre l’EI… mais aussi les Kurdes

Les forces turques ont franchi la frontière internationale vers la Syrie mercredi 24 août, visant la région de la ville de Jarablus, où l’Etat islamique contrôle une de ses dernières positions à la limite du territoire turc. Mais derrière cette attaque officiellement contre l'EI, Ankara souhaite surtout empêcher la constitution d'un territoire kurde à sa frontière.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié
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Blindé turc se dirigeant vers le territoire syrien (24 août 2016). (BULENT KILIC / AFP)

L'opération turque Bouclier de l’Euphrate en Syrie a pour but de «mettre un terme» aux problèmes à la frontière turque et vise le groupe jihadiste Etat islamique et les milices kurdes, a déclaré le 24 août à Ankara le président turc Recep Tayyip Erdogan. 

Le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, s'était engagé la veille à éradiquer totalement l'Etat islamique des zones frontalières de la Syrie. L’opération semble bénéficier du soutien aérien de la coalition (en clair, les Américains) et s’appuyer sur les forces de l’opposition syrienne (Armée syrienne libre, forces turkmènes, groupes islamistes).
 
Cette zone de Jarablus était tenue par l’EI depuis janvier 2014, sans que cela ne semble gêner la Turquie. «Longtemps, les autorités turques ont fermé les yeux sur les allers-retours à la frontière de combattants anti-Assad, quelles que soient leurs tendances», rappelle la correspondante du Figaro en Turquie, Delphine Minoui. 

La position de la Turquie, longtemps ambiguë, semble donc évoluer. En raison des attentats attribués à l'EI sur son sol ou en raison de la progression des forces kurdes à l'ouest de l'Euphrate? Les deux, semble-t-il. Avec cette opération, Ankara relance les rebelles, souvent islamistes, proches des Etats sunnites (Armée syrienne libre avec le Front al-Chami, Faylaq al-Cham, la brigade al-Hamza et la brigade al-Moatasem) et donne un coup d'arrêt à la progression des forces kurdes.


La Turquie «fera le nécessaire».
Ces dernières, regroupées au sein d'une coalition militaire (FDS) soutenue par les Etats-Unis et composée majoritairement des Kurdes du YPG, mais aussi d'Arabes, ont récemment remporté une grosse victoire en chassant l'EI de Manbij, à 38 kilomètres au sud de Jarablus. Les Kurdes des YPG et leurs alliés arabes regroupés dans les FDS avaient annoncé vouloir avancer vers Jarablus après la prise de Manbij. 

Avec les prises de Manbij et de Jarablus, les FDS auraient avancé dans la création de leur région autonome du Rojava, qu'ils souhaitent établir le long de la frontière turque. Ils entendaient aussi couper tout ravitaillement aux différents rebelles via la Turquie. De quoi fâcher Ankara qui a d'ailleurs sommé les combattants kurdes multipliant les victoires dans le nord de la Syrie de se replier à l'est de l'Euphrate, faute de quoi la Turquie «fera le nécessaire».

Pas question pour Ankara de voir les Kurdes établir une zone tampon ou autonome à sa frontière Sud. Le président Erdogan l’a affirmé après l’attentat de Gaziantep: il ne fait pas de différence entre l’EI et le PKK. Or, les Kurdes syriens sont très proches du PKK. Les Kurdes ont d’ailleurs affirmé que des positions des FDS ont été visées par l’artillerie turque mardi 23 août.

Damas a logiquement condamné l'intrusion turque sur son territoire alors que les Kurdes parlent d'«agression flagrante dans les affaires intérieures de la Syrie».

Cette opération de la Turquie, qui s'est rapprochée de Moscou et entretient des relations compliquées avec les Américains, intervient le jour de la visite du vice-président américain, Joe Biden, à Ankara. La Turquie réclame toujours l'extradition de Fethullah Gülen, qu'elle accuse d'être derrière ce qu'elle présente être un coup d'Etat raté le 15 juillet dernier.

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