La Coalition nationale de l'opposition syrienne
La majorité des composantes de l'opposition syrienne se sont unifiées en signant le 11 novembre 2012 à Doha un accord sur la constitution d'une entité les chapeautant, baptisée «Coalition nationale syrienne pour les forces de l'opposition et de la révolution» siégeant au Caire.
Reste que sur le terrain, les rebelles semblent faire peu de cas de l’unification de l’opposition. Les éléments de l’Armée syrienne libre, principale force d’opposition armée dans le nord du pays, formée de civils et de déserteurs, déclarent n’avoir besoin de rien d’autre que d’armes et d’argent.
De plus, une quinzaine de groupes islamistes radicaux armés, notamment les deux plus importants, Liwaa al-Tawhid et Front al-Nosra, qui combattent à Alep, ont annoncé leur rejet de la Coalition nationale syrienne et se sont prononcés à l’unanimité pour l’instauration d’un Etat islamique. Il agissent dans le nord de la Syrie, quasiment entièrement aux mains de ces rebelles. Liwaa al-Tawhid, au départ proche des Frères Musulmans, s'est radicalisé au fil du temps. Le Front al-Nosra appartient à la mouvance jihadiste et a revendiqué de nombreux attentats contre le régime en Syrie.
Le principal défi qui se présente à la nouvelle coalition est de réussir à unifier les groupes militaires disparates, de marginaliser si possible les éléments jihadistes et d’imposer son autorité aux diverses formations militaires rebelles qu’elle ne contrôle pas.
Composition et présidence de la coalition
La coalition dispose d’un conseil d’une soixantaine de membres, dont 22 du Conseil national syrien. Elle est dotée d'une nouvelle direction avec à sa tête cheikh Ahmad Moaz Al-Khatib, un religieux modéré, et deux vice-présidents, Riad Seif, un ancien député, symbole du Printemps de Damas de 2001, la militante Souheir Atassi, une cheville ouvrière de la coordination du soulèvement à l’intérieur de la Syrie, et un secrétaire général, l'homme d'affaires Moustafa Sabbagh, soutenu par le Qatar et qui apparaît comme l'un des plus influents responsables de la coalition.
- Cheikh Ahmad Moaz Al-Khatib, 52 ans, qui fut un temps imam de la mosquée des Omeyyades de Damas, n'appartient à aucun parti politique. C'est cette indépendance, et sa proximité avec Riad Seif à l'origine de l'initiative d'une coalition élargie, qui a fait de lui un candidat de consensus pour la direction de l'opposition.
Arrêté à plusieurs reprises en 2012 pour avoir publiquement appelé à la chute du régime de Damas, il a été interdit de parole dans les mosquées syriennes par ordre des autorités et a trouvé refuge au Qatar. Originaire de Damas même, il a joué un rôle décisif dans la mobilisation de la banlieue de la capitale, notamment Douma, très active dès le début de la mobilisation pacifique en mars 2011.
- Riad Seif, 66 ans, self-made-man et industriel prospère, a longtemps cru pouvoir changer le régime syrien de l'intérieur. Elu deux fois au Parlement comme indépendant, en 1994 et 1998, il est arrêté en septembre 2001 et condamné à cinq ans de prison sous l'accusation d'avoir voulu «changer la Constitution d'une manière illégale». Il fait partie des douze opposants qui avaient signé la Déclaration de Damas, appelant à un changement démocratique en Syrie.
Il purge à partir de janvier 2008 une peine de deux ans et demi de prison pour avoir réclamé la démocratie dans son pays. Après le début de la révolte en mars 2011, il est arrêté en mai pour avoir participé à une manifestation interdite, puis libéré une semaine plus tard en raison de son état de santé.
- Souheir al-Atassi, 41 ans, est cofondatrice du réseau de militants de la Commission générale de la révolution syrienne, qui recense les offensives de l'armée, les victimes des violences et alerte les médias sur les événements en Syrie.
Issue d'une grande famille d'opposants sunnites laïques de Homs, la «capitale de la révolution», dans le centre de la Syrie, est à l'origine, avec d'autres, du Printemps de Damas. Elle avait lancé à l'époque un célèbre salon de discussion dans la capitale, où toutes les tendances pouvaient débattre de la démocratie. Menacée de mort, cette forte personnalité, très active depuis l'intérieur du pays, où elle a passé sept mois dans la clandestinité, a rejoint la France fin 2011 pour retrouver «une liberté de mouvement».
Reconnaissance diplomatique
La Ligue arabe a reconnu cette coalition comme «le représentant légitime de l'opposition syrienne», se gardant toutefois de la reconnaître comme «seul représentant légitime du peuple syrien», à contrario de la France, du Royaume-Uni, de la Turquie et des monarchies du golfe, Arabie Saoudite et Qatar en tête.
La France, pour sa part, a ainsi reconnu la coalition au lendemain de sa formation comme «seule représentante du peuple syrien et donc comme le futur gouvernement provisoire de la Syrie démocratique», faisant même un pas vers un éventuel armement des rebelles.
Images France 3, du 17 novembre 2012
L’Union européenne et les Etats-Unis ne sont pas allés aussi loin, Bruxelles estimant que l’opposition était «le représentant légitime des aspirations du peuple syrien», Washington affirmant de son coté que la nouvelle coalition était «une représentante légitime du peuple syrien», se gardant d'évoquer un éventuel exécutif provisoire avant qu’elle n'ait prouvé qu'elle représentait tous les Syriens.
Si plusieurs Etats du Golfe, notamment le Qatar, appellent à armer la rébellion, des pays Occidentaux, Etats-Unis en tête, refusent cette option, redoutant qu'elles ne tombent aux mains d'extrémistes.
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